Zone Franche 2013 – 15 H – Heure du thé chez les Inuits d’Afrique centrale
Nous voilà tous rassemblés sur l’estrade du salon pour assister à une table ronde autours du thème « Damnés et Démons », animée par Christophe de Jerphanion. Pour nous aider à appréhender un peu plus le sujet, des personnalités ont accepté de prêcher la parole démoniaque. Ainsi avons-nous eu l’honneur d’écouter Pierre Pevel (auteur), Dominique Camus (ethnologue, sociologue et historien), Pierre Dubois (auteur et spécialiste du merveilleux) et Jean-Michel Nicollet (illustrateur).
Pierre Pevel ne s’est pas mis en danger. Parlons de sa dernière trilogie (Wielstadt) plutôt que de polémiquer sur ce sujet très controversé ! Chroniqueur que je suis, j’attendais un peu plus de métaphores à la Pevel que de spoil sur un livre qui semble sortir des sentiers battus. L’auteur ayant dû prendre un avion, la com primait. En substance, l’auteur s’est fixé rapidement sur l’idée de mettre en scène un imaginaire qui soit historique. Il voulait ainsi montrer des créatures en lesquelles la populace du XVIIe siècle croyait. D’où l’importance de la cabale et des démons, d’un bestiaire de démonologie en substance. Pour créer un monde crédible, il s’est beaucoup documenté, d’où une œuvre plus historique que romancée. Pour rejoindre un peu plus le thème de cette table ronde, l’auteur nous aura intéressés par une question pertinente : « Pourquoi les gens de l’époque n’auraient pas cru en l’existence de démons ? ». En effet, rien ne permettait d’affirmer le contraire, et cela permettait d’expliquer un certain nombre de phénomènes que la science n’appréhendait pas encore.
L’approche de Dominique Camus fut très… historique, mais néanmoins très intéressante. Selon lui, les démons n’apparaissent pas tellement dans notre folklore, où l’on parle plutôt d’êtres étranges (lutins, diablotins), contrairement au folklore germanique par exemple. Le diable est très jeune dans notre imaginaire.
Les êtres fantastiques de notre folklore, qu’ils soient fées ou lutins, sont progressivement passés dans le registre de la démonologie. Ils n’ont pas été immédiatement diabolisés, mais ont commencé à « enquiquiner » la population. Puis les élites culturelles se sont déchirées sur la question de savoir si ces êtres fabuleux faisaient de la concurrence au pouvoir de Dieu. Finalement, l’opinion a imaginé que Dieu avait pour ennemi une entité, nommée «Diable », disposant de suppôts.
Pierre Dubois ne se place pas vraiment en opposition avec les propos de Dominique Camus. Cela s’inscrit d’ailleurs dans le ton de cette table ronde, qui n’a pas pas été particulièrement mouvementée. Pour l’auteur, les démons descendent du merveilleux. Les gens croyaient aux esprits de la nature. Ceux-ci devenaient néfastes dès lors que les rituels qui leur étaient consacrés se trouvaient négligés. Garde-fou de la nature, leur colère faisait frémir. « Je t’ai enrichi et je te ruinerai », scande Pierre Dubois. Ces petits dieux sont devenus progressivement démons, les aspects positifs ayant disparus.
Pour Jean-Michel Nicollet, quelque peu effacé de la discussion, le Diable fait partie d’un monde beaucoup plus ésotérique qu’un autre sujet, thème qui a été source d’inspiration pour lui. Il est plus facile de faire quelque chose sur l’enfer que sur le paradis. Les moines qui ont essayé de peindre des paradis se sont « assez bien cassé la gueule », alors que dépeindre les enfers se trouve être plus simple, de part sa dimension érotique notamment. « Tout ça nage dans la matière libre. »
Christophe de Jerphanion : Mais êtes-vous vraiment libre alors que vous représentez des personnages archétypaux ? N’est-ce pas dangereux vis-à-vis du lectorat ?
Jean-Michel Nicollet : Mais qui m’engueulerait ? (Rires) Je ne suis pas comme les moines du XIIIe siècle, il n’y a pas l’Inquisition derrière.
C. de J : Le grand public peut être inquisitorial parfois !
J-M N. : Je suis au-dessus de ça. (Rires)
Voilà un compte rendu non-exhaustif de cette table ronde qui aura permis d’éclairer un peu ce thème de Damnés et Démons. Après tout, ne serions-nous pas damnés en essayant de maîtriser nos propres démons ? Et si les démons ne résultaient pas de notre imaginaire, mais résultaient simplement de notre propre vécu… Une réflexion ouverte au débat.