Nanofictions – Patrick Baud

Il y avait les deux énormes tomes de Microfictions – plusieurs centaines – de Régis Jauffret. Il y a maintenant le petit volume de Nanofictions de Patrick Baud. Nanofictions, parce que si Jauffret calibre ses nouvelles sur un format qui excède rarement deux pages, Patrick Baud, lui concentre chacune de ses histoires en quelques lignes.

On se souvient des « Nouvelles en trois lignes » que Félix Fénéon consacrait aux faits divers. Mais Fénéon faisait dans le factuel, sous une forme brute qui en soulignait souvent l’horreur, le tragique, l’ironie. Patrick Baud, s’il s’appuie à l’occasion lui aussi sur le réel, invente, échafaude, élucubre aussi à partir de thématiques classiques de la fiction.

L’exercice n’est pas facile. Dans sa préface, Bernard Werber mentionne à juste titre un auteur comme Fredric Brown, dans son avant-propos Patrick Baud cite une nouvelle en une ligne du grand Hemingway. En quelques mots, tout est dit. Mais l’art n’a rien de facile. Baud comprime, condense, élague, dégraisse, amincit. Pas de titres : il allège au maximum. Régime sec, donc, pour ces nanofictions qui ne sont pas pour autant dépourvues de symbolisme, de surréalisme, d’images, d’humour, de sentiment, de cruauté, de poésie.

Un loup -garou, un hypnotiseur et son reflet, un dieu à douze bras abandonné par les hommes, une intervention divine sur le trucage d’un prêtre, un étrange pouvoir onirique, une forêt maudite, une machine à écrire hantée, une poigné de fantômes, plusieurs démons, des labyrinthes, la vie après la mort, la dernière gare au bout des rails : Patrick Baud convoque les figures et les ressorts du fantastique, les met en scène avec une concision souvent efficace, et avec quelques jolies trouvailles.

Du fantastique, donc, mais de la science-fiction également. Une intelligence artificielle, des extraterrestres ayant – hélas –  trop regardé de films d’extraterrestres, un signal venu des étoiles, le monde de virtuel, des créatures d’un autre univers, un voyage temporel, un géant cosmique, des manipulations génétiques : ici encore, l’attirail du genre est utilisé, résumé, recyclé, condensé en historiettes qui, quand elles n’effrayent pas, font sourire ou réfléchir.

Mais ces fictions qui sont celles de notre monde et de ce qu’il devient sont parfois aussi des fables empreintes d’humour et de poésie. Des jungles lointaines, Paris sous les eaux, un homme avec un sablier à la place du cœur, un phare élevé au-dessus d’une mer de nuages, un personnage glissant de livre en livre, l’émouvante fin d’une ombre désincarnée, une bibliothèque aux mille magies, une étrange dérive de codes-barres – Marcel Aymé n’est jamais très loin.

On pourrait citer bien d’autres auteurs, bien des récits brefs qui font « penser à » : Patrick Baud, pour construire ses histoires, butine à droite et à gauche, trouve des idées, modifie les angles d’approche, invente des variantes nouvelles. On s’amuse donc de ces nouvelles si courtes que l’on peut en lire plusieurs en quelques minutes : la garantie d’au moins une bonne histoire, d’au moins une histoire qui vous plaît entre chaque station de métro. Comme le rappelle Patrick Baud dans sa préface, Ray Bradbury conseillait : « Écrivez une histoire courte chaque semaine. Il n’est pas possible d’écrire cinquante-deux mauvaises histoires courtes d’affilée. » Nul besoin, une fois ce conseil entendu, de s’étonner de l’invite laissée au lecteur en fin de volume : « C’est à vous. Inventez vos propres nanofictions ! » suivi de quelques pages blanches.

Avec Patrick Baud, trouvez en quelques lignes la résolution des grands mystères de l’univers. À quoi servent les pièces jetées dans les fontaines votives ? Trois lignes. Pourquoi fait-on depuis si longtemps croire à l’existence du monstre du loch Ness ? Trois lignes. Les rumeurs courant au sujet de la Zone 51 sont-elles fondées ? Trois lignes.

On aurait dont tort se priver de ce mince volume qui contient plus de cent nanofictions. Cette édition au format de poche, enrichie par l’auteur depuis sa première parution (Flammarion, 2O18), est agrémentée d’une trentaine d’illustrations de Yohan Sacré et d’une courte préface de Bernard Werber.

Nanofictions
Patrick Baud
Couverture et illustrations intérieures : Yohan Sacré
Préface de Bernard Werber
Editions J’ai Lu
6,90 euros

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