Une chambre d’enfant où s’immisce le froid de l’absence ; des mots qu’on vole pour créer un chef d’oeuvre, quel qu’en soit le prix ; une fillette aux émotions douloureuses ; une tache cramoisie sur la carrosserie d’une voiture ; un visiteur venu pour en chasser un autre ; un phénomène de mode auquel on ne peut échapper ; une proposition d’ultime voyage…
À ses côtés ouvre le recueil et donne le ton. Cette très courte histoire nous plonge dans une douce horreur que Propriété intellectuelle confirme. Ce nouveau récit accentue notre curiosité morbide avant de s’enfoncer dans les abysses de l’atrocité. Vient ensuite Buisson, touchante histoire, qui ne sépare pas cependant d’une atmosphère glauque. Fragments d’une fleur aux pétales cramoisis se déroule d’une manière originale en commençant par la fin. L’angoisse s’installe et nous craignons que ce qui doit survenir advienne. L’atmosphère lourde et pesante emplit également À la nuit tombée et Cordes avant d’atteindre un paroxysme avec Des croix dans le verger, nouvelle où l’horreur atteint son apogée. Le recueil se referme avec À la fin de ce voyage, épilogue havanais où le soleil des Caraïbes nous réchauffe quelque peu et apporte un peu de réconfort après un voyage dans les tréfonds glacés de l’horreur.
Santiago Eximeno a compilé, au sein de ce recueil, huit nouvelles glaçantes propres à nous ravir avec toute l’horreur et l’angoisse qu’elles contiennent. Il nous plonge dans un monde fantastique qui pourrait être le nôtre, sans pour autant être son jumeau. L’espace et le temps sont flous, laissant volontairement notre imagination s’égarer au détour d’un nom de hameau ou de ville. Son écriture fluide se caractérise par un équilibre entre l’abondance et l’économie des descriptions. Il écrit juste ce qu’il faut pour que l’intrigue avance sans lever le voile sur ses rouages. Notre imagination vagabonde dans des abysses morbides et glauques, nous laissant dans une terrible angoisse.
À la lecture du titre du recueil, ma première impression a été une comparaison avec Les Fleurs du Mal de Baudelaire. Comparaison qui n’est pas sans fondement après avoir lu ces textes. Ils sont très bien écrits et pourtant teintés d’une horreur dont ils ne peuvent se défaire. Les frissons, d’angoisse, de dégoût, ou de crainte, nous parcourent des pieds à la tête sans que l’on puisse se détacher des récits.
Lorsque l’on parle de traduction, une expression revient toujours : « Traduire c’est trahir ». Il faut cependant rendre hommage au traducteur, Jacques Fuentealba, qui a su traduire et retranscrire les nouvelles ainsi que l’atmosphère particulière qui se dégage du recueil.
L’aspect général d’un livre est, pour moi, tout aussi important que ce que le récit. Les éditions Gephyre ont parfaitement soigné ce recueil avec l’emploi d’un papier de qualité pour la couverture et les pages, ainsi qu’avec une police d’écriture très agréable à lire – prolongeant en quelque sorte cette beauté dans l’horreur qui caractérise les textes.
Fragments de fleurs aux pétales cramoisis
Santiago Eximeno
Gephyre
2018