Les Chroniques d’Arslân saison 1 et 2 — Noriuki Abe

 

Le Prince Arslân est l’héritier du royaume de Parse. Encore adolescent, il accompagne son père le roi Andragoras protéger les frontières contre l’envahisseur lusitanien. Mais rien ne se passe comme prévu : la bataille tourne à la déroute et le roi disparaît. Devenu un fugitif, Arslân va constituer une équipe avec l’objectif de libérer son peuple et de récupérer son trône.

 

Arslan Senki (Les Chroniques d’Arslân en VF) est l’adaptation d’un cycle de romans de Fantasy de l’auteur japonais Yoshiki Tanaka, transposé en manga par Hiromu Arakawa. Ce n’est pas le premier portage sur le petit écran, mais c’est sans doute le plus ambitieux après deux miniséries aux qualités variables.

Tanaka est un écrivain très bien servi en versions animées de ses space opera ces dernières années : il y a eu Tytania et surtout Legend of Galactic Heroes, fresque gargantuesque de plus de cent épisodes qui représente ce qui peut se faire de mieux dans l’anime japonais des genres SFFF. La barre est haute pour cette nouvelle adaptation. Le gant est relevé.

 

 

En effet, Les Chroniques d’Arslân bénéficie de gros moyens et cela se voit : batailles monumentales en 3D, animations soignées, musique orchestrale épique. Il est porté par des stars du genre comme la mangaka Hiromu Arakawa, la créatrice de Fullmetal Alchemist, le réalisateur Noriuki Abe à l’œuvre sur l’animé Bleach, ou encore le compositeur Taro Iwashiro (Les 3 Royaumes de John Woo).

Cette équipe de choc soutient une intrigue dense, ample, autour du jeune Arslân, un adolescent appelé à devenir l’équivalent d’Alexandre le Grand. Sa quête pour la reconquête de son royaume l’amène à recruter des généraux qui vont incarner, peu à peu, ses Diadoques, les fidèles qui dirigeront son armée et lui jureront une amitié indéfectible. Tout l’intérêt du récit va venir des difficultés rencontrées, des sacrifices à consentir, des compromissions qui accompagnent parfois le pouvoir et l’exercice du gouvernement.

Le microcosme de cette équipe un peu particulière, organisée autour du guerrier Daryûn et du stratège Narsus, fonctionne à merveille. Chacun à l’occasion de s’exprimer et leur dévouement au souverain en devenir, qu’ils imaginent comme un futur roi juste, donne beaucoup de force à leur union.

 

On ne peut évoquer le scénario des Chroniques d’Arslân sans parler de Yoshiki Tanaka. La série est indissociable de son auteur : Tanaka a un style scénaristique très remarquable, basé sur des intrigues politiques et guerrières qui charpentent le récit comme des lignes de force. On retrouve ici toute cette dynamique à travers la guerre qui démarre le récit et qui va rapidement se transformer en un affrontement multifronts prêt à devenir le moteur principal de l’histoire.

L’autre grand signe distinctif de l’auteur est la multiplication des sous-intrigues liées à un nombre volumineux de personnages. À l’image de GRR Martin dans le Trône de Fer, Tanaka les utilise afin de faire progresser son histoire sans sacrifier à leur développement.

L’exemple le plus marquant ici est l’homme au masque d’argent. Méchant unilatéral des premiers épisodes, caricature de l’antagoniste de shonen (rappelons-nous de ses divers avatars dans la franchise Gundam par exemple), il se révèle peu à peu comme un antihéros profond, aux contours gris, aux motivations compréhensibles par le spectateur. Ce fort développement va donner un contrepoint à la quête d’Arslân au point de le faire douter du bien-fondé de sa mission.

Enfin, c’est clairement un auteur porté par les mythes, les actes fondateurs de l’histoire du monde, la mécanique de grands schémas derrière les légendes remarquables de notre temps. On retrouve une constante dans son œuvre, celle de l’élévation d’un homme normal vers un destin hors du commun et de celle du sens du gouvernement, du pouvoir, de son exercice.

Pour revenir à la référence de Martin, il y a toutefois une différence fondamentale entre les deux plumes : Tanaka croit profondément à l’existence d’un roi juste, d’un bon gouvernement, de gens suffisamment désintéressés et compétents pour un exercice avisé de l’état. Ce positivisme est assez rare pour être signalé, surtout qu’il est l’un des moteurs de la conviction qu’Arslân doit monter sur le trône.

Il ne faut pas se fier à la relative rondeur des dessins et au début relativement niais du fait de la candeur d’Arslân lors des premières minutes : l’intrigue portera sur le poids de l’histoire, la démocratie, l’honneur et la liberté, de grandes valeurs qui font les excellents récits de Fantasy épique. C’est surtout un voyage initiatique autour d’un adolescent qui apprend à devenir un homme bon, un roi avisé et un homme moderne. Il est fort dommage que Yoshiki Tanaka n’ait pas bénéficié d’un peu plus de publications en France, seul le premier volume des aventures d’Arslân étant parvenu dans nos librairies jusqu’ici.

 

 

Certes, les habitués des récits de Tanaka ne seront guère surpris, mais le rouleau compresseur scénaristique est si bien huilé, les rebondissements si nombreux qu’il est dur de bouder son plaisir. Tout juste peut-on lui reprocher de briser son élan au début de la saison deux par un artifice décevant, qui contribue à allonger inutilement l’intrigue, mais apporte son lot de développement de l’univers.

Car pour le reste, Les Chroniques d’Arslân frise l’excellence. La mangaka Hiromu Arakawa conserve des traits proches de son chef d’œuvre Fullmetal Archemist : Arslân ressemble graphiquement à Edward Elric et les personnages sont globalement impressionnants physiquement, par exemple Daryûn dont la présence physique et les prouesses au combat illustrent une identité très marquée. On retrouve aussi dans les paysages et le visuel (des costumes notamment) des références historiques et culturelles nombreuses, comme dans son œuvre précédente.

La réalisation de Noriuki Abe est très dynamique, entre les duels cadrés larges ou les imposants plans d’ensemble pendant les batailles : des scènes frappent l’esprit, comme l’idée de suivre un aigle en train de contempler les affrontements de masse, idée reprise du Alexandre de Oliver Stone.

La musique de Taro Iwashiro est hollywoodienne en diable. Thèmes nombreux, chœurs, instruments ethniques, tout est là pour soutenir la force des images et donner un souffle homérique.

 

 

Conclusion

Homérique, voilà un mot parfait pour définir Les Chroniques d’Arslân. Batailles d’ampleur, mise en scène ambitieuse, intrigues politiques développées, l’anime est un excellent shonen de Fantasy épique qui ravira les plus blasés. C’est surtout un très bon véhicule pour découvrir l’auteur Yoshiki Tanaka, auteur japonais majeur des genres SFFF.

 

Les Chroniques d’Arslân — Noriuki Abe

 

D’après le manga The Heroic Legend of Arslân de Hiromu Arakawa et les romans éponymes de Yoshiki Tanaka

 

Licencié chez Kurokawa

 

Diffusé sur Mangas, Saison 1 disponible en bluray et DVD (Universal)

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