Hellraiser – Clive Barker

Frank, alléché par les promesses de délicieux plaisirs, s’est mis en tête de percer les secrets du cube de Lemarchand et de rencontrer les Cénobites, créatures à l’apparence cauchemardesque, censées lui offrir ce qu’il désire le plus. Mais les choses ne vont pas vraiment se passer comme il l’espérait… En parallèle, nous suivons son frère Rory et sa femme, Julia, qui s’installent dans l’ancienne maison de la grand-mère des deux frères. La maison a besoin de quelques menus travaux et notamment cette chambre qui respire l’abandon. On alterne donc entre les deux histoires qui se rejoindront très vite, Frank étant enfermé de la pire des manières entre les murs de cette maison qui marque un peu le début et la fin de tout…

Bien que relativement court, nous sommes ici dans une novella, ce récit dispose de la dose d’angoisse, de tension, et surtout d’horreur nécessaire pour capter et garder l’attention du lecteur en quête de sensations fortes. Sans tomber dans une orgie de sang, l’auteur n’hésite donc pas à faire couler le sang quand cela sert l’intrigue. Avec un personnage réduit à l’état de créature ayant besoin de ce fluide corporel pour retrouver consistance et force, les occasions ne manqueront pas…

L’homme qui n’a plus rien d’humain, autant physiquement que mentalement, trouvera une alliée de poids en la personne de Julia. Il est d’ailleurs étonnant de constater à quelle rapidité Julia se montre prête à commettre les pires horreurs pour un homme qu’elle connaît si peu. Il est vrai que Frank, même réduit à l’état de chair, exerce plus d’attrait sur la jeune beauté que son mollasson de mari. Amant idéalisé ou porte de secours pour sortir d’un mariage dans lequel elle ne s’épanouit pas, peu importe finalement, ce qui compte étant le cercle infernal qui va conduire une ravissante femme à user de ses charmes pour séduire et conduire à leur mort ses proies. On a ici quelques relents de la Belle et la Bête, version gore et glauque, avec une Belle prête à tout pour satisfaire et aider sa Bête quitte à perdre son âme en chemin.

À mesure que le sang coule, Frank prend des forces alors que Julia perd en sérénité, un changement qui ne manquera pas d’alerter son benêt, mais pas si naïf que cela, de mari. Le jeu de pouvoir et de dépendance qui s’établit entre les trois personnages, chacun ayant besoin de l’autre, est intéressant d’autant qu’il pose des questions, entre autres, sur ce qu’on est prêt à faire par amour et pour assouvir ses désirs, quels qu’ils soient. Mais ce qui m’a certainement le plus surprise et plu, c’est la manière dont l’auteur a su faire émerger une force extérieure inattendue pour rompre ce malsain équilibre… Avec ce livre, l’expression « il faut se méfier de l’eau qui dort » prend tout son sens ! Une surprise bienvenue qui permet également de se rendre compte qu’aucun personnage n’est superflu dans ce huis clos horrifique où à la place d’une maison hantée par des fantômes, on découvre une maison hantée par le désir, la mort, le sang et l’horreur.

Hellraiser est un livre qui marquera par son intensité, chaque phrase semblant être pensée pour mettre mal à l’aise, effrayer ou faire monter la pression. Il pourra néanmoins frustrer par tout ce monde de la nuit et de la douleur qu’il laisse entrevoir, mais qui n’est pas totalement exploité. L’auteur compense heureusement le format très court du livre par une écriture assez visuelle et théâtrale qui va droit au but sans se perdre dans les méandres de longues descriptions. Grâce à de nombreux dialogues, une atmosphère malsaine habilement construite, et un vocable cru et précis à la fois, vous vous représenterez parfaitement les différents protagonistes, des plus banals aux plus laids, ainsi que les principaux événements même les plus sanglants. Avec un tel style, on ne sera donc pas surpris d’apprendre que derrière Clive Barker, l’auteur, se cache également Clive Barker, ancien professionnel du théâtre, homme de cinéma, artiste…

Un homme aux multiples casquettes qui ont toutes en commun la créativité, et que l’on prend plaisir à découvrir grâce à la préface de Benoît Domis et à la retranscription d’un entretien de 2000 entre l’auteur et son ami et co-scénariste Peter Atkins. De son parcours professionnel riche et atypique à sa vision de la littérature et de la nécessaire solidarité entre auteurs en passant par quelques éléments de sa vie privée, cet entretien aborde un certain nombre de thèmes qui, sans vous offrir une vision exhaustive de l’homme, vous permet de mieux l’appréhender. Ne connaissant rien ou presque de l’auteur, ces deux bonus se sont révélés fort enrichissants même si j’ai regretté, pour ma part, une certaine redondance entre les deux. Cela a au moins le mérite de prouver que Benoît Domis connaît très bien l’artiste dont il a su retranscrire avec ses mots toute la recherche de sincérité, la passion et l’humilité qui semblent le caractériser.

Pour conclure, Hellraiser est un roman court, mais intense, qui vous apprendra que, d’une part, il est plus prudent de s’abstenir d’ouvrir une boîte maléfique si on n’est pas totalement sûr de soi, et que d’autre part, nul besoin de faire des pavés, pour offrir un livre à l’allure sulfureuse de film d’horreur dans lequel mort et sensualité s’offrent une danse macabre. Avec cette superbe édition collector en relié proposée par les éditions Bragelonne, vous n’avez plus aucune excuse pour ne pas (re)découvrir cette histoire et en apprendre plus sur Clive Barker, un homme dont la créativité n’est plus à démontrer. Et si Hellraiser vous a plu, ne reste plus qu’à vous jeter sur ses adaptations cinématographiques…

Hellraiser – Édition collector (19/09/2018)
Clive Barker
Traduction : Mélanie FAZI, Benoît DOMIS
191 pages
16,90€

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