S’il existe un illustrateur japonais pour lequel l’univers des mondes fantastiques est source d’inspiration absolue, c’est bien Yoshitaka Amano. Qui aurait cru dans les années 50-60 qu’un gamin né dans une petit ville nippone deviendrait aux yeux du monde le premier maître de l’image fantastique graphique du Japon ?
En 1952 dans la bourgade de Shizuoka, près du Mont Fuji et à mi-chemin entre les deux grandes villes de l’histoire japonaise, Tokyo et Kyoto, il était peu pensable qu’un enfant puisse voir son avenir dans un autre domaine que l’industrie ou l’agriculture. Mais le petit Yoshitaka avait déjà la chance de vivre au sein d’une famille d’auteurs proches du monde des arts. Des heures passées à dessiner sur des rouleaux de papier de fabrication locale, il retiendra une maîtrise des bases et posera les secrets d’un style très particulier.
A l’âge de 15 ans, Yoshitaka Amano découvre l’univers de l’animation lors d’une visite à Tokyo chez un camarade. Les Studios Tatsunoko deviennent alors sa première cible, tant et si bien qu’il s’y présente avec son carton sous le bras, ses travaux personnels et décroche une proposition d’emploi alors qu’il n’a pas terminé sa scolarité. Arrachant l’accord de sa famille, il élit domicile dans le dortoir de la compagnie Tatsunoko.
Au cours de la décennie suivante, l’artiste va apprendre et se former à toutes les étapes de l’animation, les bases, la création des décors, des personnages, glanant même d’autres sources d’inspirations telles que Disney, les comics et les mythologies occidentales. Quinze ans durant lesquels Amano gravit les échelons de la production, usant de son influence artistique pour inscrire des héros et des thématiques empreints de SF et de mythologie.
En 1982, il a fait le tour de ce que l’animation pouvait lui apporter et ressent une certaine insatisfaction de voir ses créations systématiquement retravaillées, simplifiées et dépouillées pour être adaptées au monde de l’animé. Il quitte les Studios Tatsunoko pour une nouvelle étape dans sa carrière : le free-lance. N’ayant plus à se faire une réputation, les commandes ne se font pas attendre. Couvertures de romans et illustrations d’ouvrages, Amano peut enfin exprimer tout son talent.
Mieux encore, il varie les techniques : encre, crayon, fusain, aquarelle, acrylique, il touche à tout avec spontanéité, prenant un plaisir certain à travailler les détails d’une image essentiellement grâce à une palette grandissante et un trait très effilé, presque maniaque.
Cette capacité lui permet de se plier à tous les domaines depuis la littérature jeunesse, les fables, le fantastique typiquement nippon, les romans historiques, les romances, la SF, l’horreur, la fantasy…
Peu à peu, la fantasy prend une place majeure dans son œuvre personnelle. Sa participation à l’édition de Guin Saga de Kaoru Kurimoto, série de romans mettant en scène un héros à corps d’homme et à tête de léopard subissant une malédiction dont il peine à se souvenir et qui combattra nombre de démons et sorciers avant de reconquérir son trône fut déterminante. Pratiquement inexploitée en France, cette série remporta et continue de se gagner un vif succès et nombre de lecteurs fidèles. Couvertures et illustrations de chapitres, Amano n’a rien économisé de son talent pour donner un visage au mystérieux Guin.
En 10 ans, il a ainsi illustré nombre de romans liés à la fantasy dont les plus marquants restent Guin Saga, les Arslan Chronicles et Vampire Hunter D, titres également exploités ensuite par le manga, l’animation et le jeu vidéo, productions auxquelles Amano a bien entendu participé.
Le monde du fantastique est bien fait puisqu’il rencontre Neil Gaiman et illustre le comic Sandman : les chasseurs de rêves.
Au fil de ces années d’activité comme indépendant, Yoshitaka Amano a donné un nouveau visage à son monde, poésie, rêves et cauchemars se côtoient, se mêlent et se complètent. Les influences que l’on peut y retrouver sont multiples et touchent à toutes les époques, toutes les techniques, tous les continents. Impressionnisme, romantisme, expressionisme, fauvisme, pop’art, tous habilement liés à l’art traditionnel de l’encre et aux couleurs dominantes des arts asiatiques tels que le noir, le rouge et l’or. Cet ensemble hétéroclite n’existe que pour servir le monde du merveilleux et s’exprime dans les commandes mais aussi dans ses travaux personnels car, non content de travailler sur sujets imposés, il met également en image son propre imaginaire ensuite édité en artbooks.
Les préférences de l’artiste se tournent à l’évidence vers un monde éthéré peuplé de personnages androgynes égarés, parés de teintes à dominance sombre ou violemment colorées. Tous laissent éclater une poésie transcendée, tirant sur la dramaturgie. Le contraste avec la violence ou l’expression de puissance voulue sur d’autres héros tels que Guin est flagrante et maîtrisée.
A la fin des années 80, il revient même à ses premières armes avec une collaboration avec celui qui renouvellera l’animation nippone avec des films de haute qualité scénaristique et graphique, Mamoru Oshii (L’œuf de l’ange). En 1987, c’est au tour de Nintendo de le solliciter pour son jeu vidéo Final Fantasy. Le succès remporté par la première version de ce jeu devenu une licence doit beaucoup à son esthétisme. Amano participera aussi aux versions VII, VIII et IX.
Boulimique, l’artiste de lance aussi dans la confection de bijoux et de kimonos pour le théâtre kabuki et s’essaie même à la céramique.
En 1996, le roman Budo-Hime inspiré des Mille et une nuits se pare des créations d’Amano et inspire un projet au Philarmonique de Los Angeles. Le Filmharmonium propose alors au spectateur d’explorer l’univers des Mille et unes nuits sur une musique accompagnée d’images de synthèses travaillées d’après des créations sur papier.
Yoshitaka Amano vit aujourd’hui à New York. Il travaille essentiellement son art propre, son imaginaire personnel. Son personnage emblématique rappelle le héros de Vampire Hunter D, sorte d’être poursuivi par le malheur, errant éternellement en quête de son amour disparu.
Merci pour cette découverte. ^^