Sans un bruit – John Krasinski

Une famille tente de survivre sous la menace de mystérieuses créatures qui attaquent au moindre bruit. S’ils vous entendent, il est déjà trop tard.

À l’ heure où la plupart des gros succès du box-office nous éclatent les tympans sous un déluge de décibels, le pari de A Quiet Place ( Sans un bruit en vf) est tout ce qu’il y a de plus osé. Le film nous raconte l’errance d’un jeune couple et de leurs enfants, obligés de vivre dans un silence presque total pour ne pas attirer l’attention des aliens, aveugles, mais hyper sensibles niveau audition, qui ont débarqué sur Terre et décimé l’humanité. Aucune explication ne nous sera donnée à ce sujet, on est mis devant le fait accompli. L’introduction du film nous fera rapidement et clairement comprendre la nature de la menace, tout en nous dévoilant le traumatisme vécu par cette famille que l’on s’apprête  à suivre.

Et, à part ce souvenir très douloureux, on ne connaît rien d’eux. Il faut donc réussir à s’intéresser aux personnages alors qu’on entend que très peu le son de leurs voix et qu’ils communiquent essentiellement en langage des signes. C’est uniquement par leurs comportements que l’on pourra s’identifier à eux. Par exemple, grâce au dévouement total du père ( John Krasinski himself) pour sa famille. Ou par l’amour évident qui le lie à sa femme ( Emily Blunt).  À noter que je trouve assez bizarre et frustrante l’idée d’engager une excellente actrice comme Emily Blunt pour, au final, ne presque pas la faire parler !

Mais tais-toi donc, fiston ! Tu l’auras ta pochette Kinder !

Rien de mieux, en tout cas, qu’un film comme celui-ci pour se rendre compte de l’importance du son au cinéma, et je dirais même dans nos vies. Ce concept de départ, faire un film silencieux, s’annonçait comme potentiellement casse-gueule, car cela aurait pu déstabiliser le public et le faire décrocher. Or, il n’en est rien. Ici le silence, naturellement anxiogène, se révèle être un atout majeur. John Krasinski utilise habilement tous les autres moyens qui lui restent pour capter l’attention du spectateur. En d’autres termes, c’est l’image ( très belle photo par Charlotte Bruus Christensen) qui doit presque tout raconter. Le reste sera transmis par le jeu des acteurs, leurs expressions et leurs regards qui en disent long. Signalons également l’utilisation très sobre de la musique, ce qui est une sage décision compte tenu du postulat de départ.

Car le privilège du bruit revient aux aliens ; ce sont eux dorénavant les maîtres du monde. Les humains, vaincus, se voient obligés de se planquer comme des rats.  Et c’est là, grâce à son audacieux concept, que le film pose des questions intéressantes : que devient l’humain obligé de se priver de la parole, quand il est contraint à mettre sa vie en sourdine ? Le bruit est une manifestation, une preuve de la présence d’un être vivant. Sans ce droit de faire du bruit, d’exprimer sa joie ou sa douleur, ou de chanter, l’homme vit sous une chape de plomb. Survivre dans ces conditions c’est porter une muselière invisible. C’est se retrouver amputé d’une bonne partie de notre liberté, de notre personnalité, pour devenir un être muet et fantomatique. Le personnage de la mère ( Emily Blunt) posera la question :  ” Qui sommes-nous ?”

Ne paniquons pas. On peut faire du pop-corn.

Si on ajoute à cela quelques scènes bien amenées niveau tension, et visuellement intéressantes, on tient là les principaux points forts du film. Cependant ce dernier est loin d’être parfait. Parmi ses plus gros défauts, soulignons le fait qu’il n’y a pas vraiment d’histoire. Le film n’est qu’une succession de phases où la famille se retrouve en danger et cherche à s’en sortir. D’où viennent ces gens ? Où vont-ils ? Ont-ils un objectif concret, un espoir ? On ne sait pas. Une histoire plus élaborée aurait été un plus indéniable. Tant pis. On fera sans.

Mais là où le bât blesse davantage c’est au niveau de certaines décisions incohérentes, pour ne pas dire incompréhensibles, que prennent parfois les personnages. Ces gens, qui ont l’air d’être intelligents et prudents, prennent tout à coup des décisions totalement absurdes et irresponsables. C’est déconcertant. Sans oublier que le récit avance parfois grâce à des éléments carrément capillotractés et que certains détails faciles à observer pour un spectateur un minimum attentif ne sont pas très crédibles dans un monde post-apocalyptique. Enfin, dernier point faible relevé : le design pas super folichon des aliens. On est loin de la beauté terrifiante d’un xénomorphe à la Giger ou du Predator de Stan Winston. Peut-être que le cinéma des 80’s nous a un petit peu trop gâtés à ce niveau, et maintenant on est devenus difficiles…c’est peut-être ça…

Malgré ses défauts, le film vaut le coup d’oeil pour l’audace et la pertinence de son idée de départ. C’est quand même un bel effort. Et puis n’oublions pas que c’est la première incursion de John Krasinski dans l’horreur. On a envie d’être indulgent avec lui et de lui dire : « C’est pas mal, mon Jojo ! Continue ! ».

Motus et bouche cousue…sinon on est foutus.

Sans un bruit

de John Krasinski

Avec John Krasinski, Emily Blunt, Millicent Simmonds

Scénario de Scott Beck, John Krasinski et Bryan Woods

Paramount Pictures

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