Daredevil saison 1 – Steven S. DeKnight

Matthew Murdock a eu un accident pendant son enfance : il est devenu aveugle et a développé des super-sens qui font de lui un être à part. Devenu adulte, il vient d’ouvrir à New-York un cabinet d’avocats avec son ami Foggy Nelson. Juriste le jour, il se transforme en vigilante la nuit pour protéger le quartier de Hell’s Kitchen où il a grandi.  Dans l’ombre, il va affronter un réseau criminel qui menace de détruire tout ce qu’il défend.

 

Le succès des films Marvel au cinéma a engendré une descendance télévisuelle assez importante (déjà évoquée avec Agents du SHIELD) à travers deux canaux : les chaînes des grands réseaux US et les chaines de distribution en ligne, dont Netflix est le porte-drapeau. Daredevil  est le projet étendard de ce deuxième segment.

Désireux de se démarquer de tout venant de l’univers Marvel, Netflix va produire une série plus sombre, plus premier degré, davantage dans l’esprit de l’autre grande franchise super-héroïque DC. Ce Daredevil porte en lui l’influence de Batman, ce qui se justifie historiquement dans les comics – à travers l’influence d’un certain Frank Miller, scénariste crucial de la carrière des deux personnages.

L’équipe réunie sur le projet affiche également une ambition artistique différente : Drew Goddard (Seul sur Mars, World War Z, Buffy, Lost)  est d’abord recruté comme showrunner, mais, appelé au cinéma, il doit laisser sa place à Steven S. DeKnight (Buffy  lui aussi, Smallville, Spartacus). Le choix est fait d’opter pour de l’introspection, du dialogue et surtout du développement. Cas assez unique dans la production visuelle Marvel, l’équipe de scénaristes va s’occuper autant du « gentil » que du « méchant ».

 

 

Matt Murdock (Charlie Cox, vu dans l’excellent Stardust) est un jeune avocat idéaliste et aveugle. Mais derrière ce masque pointe une réalité : quand vient la nuit, il devient un vigilante aux super pouvoirs sensitifs. Son comportement implique beaucoup de questionnements résumés dans cette première saison et qui font du héros un personnage gris. Par exemple, comment un légaliste peut-il agir sans remords en dehors de toute loi ? Pour agir, doit-il être violent ? Où est la frontière entre lui et celui qu’il combat ? On voit que le débat va plus loin que le classique « un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Cet héritage direct des scénarios de Frank Miller – que l’on retrouvait sur Batman Begins (Christopher Nolan – 2005) également, irrigue le récit et construit des épisodes où l’on trouve toujours des qualités.

En regard, Wilson Fisk (Vincent D’Onofrio) est un acteur de l’ombre dans le monde du crime de New-York. Il va être obligé de sortir dans la lumière pour accomplir son rêve, faire de Hell’s Kitchen un endroit meilleur. Mais ses méthodes, détestables, et son comportement violent en font un adversaire de la loi et de Daredevil. Pourtant, c’est un individu que l’on peut comprendre à travers ses traumatismes et sa relation aux autres, particulièrement avec son amour Vanessa et son bras droit, Wesley (Toby Leonard Moore).

 

 

L’idée de construire une vraie antinomie entre le « gentil » et le méchant, où la frontière s’efface parfois, est un vrai plus dans l’univers profondément manichéen mis en place par les studios Marvel. Les films autour des super-héros deviennent très bons quand ils décident de développer l’antagoniste et d’en faire autre-chose que l’énième conquérant du monde. Cette profondeur situe Daredevil clairement dans le haut du panier de cet univers et donne envie de continuellement connaître où tout va nous mener.

C’est donc un pari réussi, même si l’on frôle parfois le mauvais goût, le personnage de Fisk étant excessif par nature, ce qui provoque autant de scènes géniales (les explosions de violence froide, les temps plus apaisés avec Vanessa) que ridicules (ce côté un peu gamin qui nuit notamment au dernier épisode).

Le ton plus sérieux permet à la série une certaine gravité qui convient bien aux ambiances sombres et aux sujets déprimants évoquées dans Daredevil. Hell’s Kitchen est sale, les rues sont dangereuses et les coups portés par ses habitants sont brutaux. L’exemple le plus frappant est le plan séquence de la fin de l’épisode deux, l’homme blessé, où Murdock gravement blessé part affronter une nuée de russes afin de libérer un enfant kidnappé. Violent, techniquement irréprochable, cette scène démontre bien l’ambition sombre de la série et la volonté de la situer à un niveau proche du cinéma.

 

 

Le problème est que cette ambition va très bien tenir tant que Daredevil n’est pas accompli. Quand il est habité de ses doutes, prend raclé sur raclé, hésite à franchir la ligne jaune du meurtre, cet univers correspond parfaitement. Mais quand il enfile son costume rouge et affronte frontalement Fisk et ses sbires, la situation dérape. La mise en scène du combat final est affreusement montée, le sérieux nuit à l’imagerie convoquée, d’autant que le tout le développement évoqué plus haut est mis de côté abruptement. Ce virage gâte énormément le treizième épisode et tempère l’excellente impression que laisse le reste de la saison.

Conclusion

Daredevil réussit son pari : il tranche avec les productions traditionnelles Marvel et offre au spectateur une série de qualité. L’idée de mettre en miroir le héros et sa Némésis apporte beaucoup à l’intrigue qui, malgré quelques longueurs, rend ces treize premiers épisodes addictifs. Une bonne pioche pour commencer cet univers TV Marvel made in Netflix.

Daredevil saison 1

Crée par Drew Goddard, Steven S. DeKnight

Avec Charlie Cox, Vincent D’Onofrio, Rosario Dawson, Elden Henson, Deborah Ann Woll

Disponible en DVD

Diffusée sur Netflix

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