On se retrouve aujourd’hui pour parler de la dernière publication de Premee Mohamed chez l’Atalante : Et que désirez-vous ce soir.

Jour de deuil : Joyau et les autres courtisanes de la Maison Bicchieri pleurent la perte de leur collègue et amie Winfield, tuée de sang-froid par un client haut placé.
Mais lors de ses obsèques, elle revient à la vie. La morte qui ne l’est plus.
Joyau n’arrive pas à s’en réjouir. Au contraire, elle est terrifiée. La douce, charmante, docile Winfield est désormais animée d’une implacable volonté de se venger des puissants qui abusent de leurs privilèges. Et malgré la haine que Joyau nourrit envers les oppresseurs, malgré son désir de rébellion, malgré l’affection qu’elle porte à Winfield, elle a tout à perdre si son amie renverse la Maison Bicchieri. Car cela signifierait : être de nouveau livrée à la rue, à la merci de ses criminels et des purges gouvernementales.
La première chose qui m’a frappé, c’est son style complètement différent de La migration annuelle des nuages. C’est un style presque parlé, avec de longues phrases connectées par “et”. Cela a l’avantage de faire entrer très vite dans la tête de Joyau, surtout que c’est écrit à la première personne. On comprend ses interrogations, ses doutes et ses craintes dans cet univers qui ne semble pas des plus faciles. En effet, elle évolue dans un monde inégalitaire et injuste. On comprend rapidement qu’elle ne doit sa vie “paisible” qu’à sa place de courtisane, mais qu’elle reste un objet aux yeux de ses clients et de ceux qui dirigent la maison close.
C’est d’ailleurs un point que j’ai trouvé très frustrant : le manque de développement de l’univers. C’est normal, il n’y a qu’une centaine de pages, l’autrice est obligée d’aller droit au but. Mais je n’aurais pas dit non à un roman pour en savoir plus sur cette univers qui a l’air très intéressant.
Cette novella parle de liberté, de prise de décision. Il est d’ailleurs très intéressant que l’héroïne vengeresse n’est pas celle qu’on suit. Joyau est plus tempérée, tiraillée entre rester dans sa zone de confort où elle est dominée ou prendre sa liberté sans savoir où cela la mène. Quand on referme le livre, il est dur de prendre une décision, de se dire que Joyau a fait le bon choix ou non, car les deux points de vue sont entendables.
C’est avec une sensation de trop-peu que j’ai terminé ce livre. J’aurais tellement aimé en savoir plus sur comment la société en est arrivée là, pourquoi Winfield n’est pas arrêtée et ce qu’elle fait exactement, quelle est la réaction des autres courtisanes (j’ai l’impression qu’à part Joyau, personne ne réagit vraiment à la résurrection de Winfield). C’est un bon livre, qui amène des réflexions sur la domination, l’émancipation et le coût de la liberté, mais il manque quelques éléments pour qu’il devienne un livre excellent.