Aujourd’hui, on va parler de la société que nous propose Camille Leboulanger dans l’imposant Eutopia, paru chez J’ai Lu le 15 janvier 2025.

Selon la Déclaration d’Antonia, il n’y a de propriété que d’usage. Chaque être humain est libre et maître en son travail ; le sol, l’air, l’eau, les animaux et les plantes ne sont pas des ressources. Et le monde est un bon endroit où vivre, si tant est qu’on se donne la possibilité de le construire ensemble.
Umo est né et a grandi à Pelagoya, entre la rivière et les cerisaies. Puis les voyages et la musique ont rythmé ses jours, de son village natal à Opera, en passant par Télégie et Antonia. Voici le récit de sa vie, ses amours, ses expériences, ses doutes, et de toutes les personnes qui ont un jour croisé sa route.
Voici tout le chemin qu’il a parcouru, tout le travail et l’amour qu’il a faits.
Voici Eutopia.
Dans ce roman, on suit Umo tout au long de sa vie, ce qui nous permet de découvrir la société dans laquelle il vit au fur et à mesure que lui-même la découvre. S’il n’y a pas vraiment d’indication temporelle et géographique (ce qui est une volonté de l’auteur), on peut quand même se dire qu’il s’agit d’un futur hypothétique de notre planète, notamment par des références culturelles. Dans cette société, la propriété a été totalement abolie et la liberté prime : il est possible de changer de travail ou de lieu d’habitation du jour au lendemain, les relations sont moins cadrées que chez nous. Ce n’est pas non plus l’anarchie totale. Il y a un texte fondateur appelé la déclaration d’Antonia qui préconise certaines choses et des règles de bon sens pour l’harmonie et le vivre-ensemble existent. Il y a aussi une Assemblée qui se réunit afin de parler des sujets impactant la société. Ce qui en ressort surtout est la possibilité pour chacun.e de pouvoir faire ce qu’iel veut et de pouvoir chercher son bonheur.
Si la société m’a fait rêver, ce n’est pas le cas d’Umo. Malheureusement, ce personnage dessert totalement le récit. Ses relations avec les autres sont particulières, surtout en ce qui concerne les femmes. Elles sont soit ses psychologues, soit ses amantes, soit les deux, comme s’il ne pouvait pas envisager d’avoir une simple amitié avec elles. Et je ne pense pas que ce soit dû à la société dans laquelle il vit où les relations sont moins cadrées : est-ce que vous avez envie de coucher avec toutes les personnes que vous croisez ? Parce que lui, oui. De plus, il a des comportements parfois égoïstes, ce qui n’est pas très cohérent avec le fait qu’il a horreur de l’ancien temps, celui du propriétarisme. Il faut attendre la fin du roman pour qu’il mûrisse un peu et soit moins insupportable.
En tout cas, c’est une version optimiste du futur que nous avons là. Pourtant, la société ne semble pas avoir progressé énormément d’un point de vue innovation, ce qui nous change des récits où l’utopie est atteinte grâce à la technologie. Dans Eutopia, les gens continuent de travailler et d’avoir une vie quotidienne semblable à la nôtre, ce qui nous permet plus facilement de se projeter dans cet univers. Cela permet de remettre en question sa propre existence et de se demander si un modèle pareil de société est vraiment possible.