MMXX – Sons Of Apollo

 

 

Trois ans après un Psychotic Symphony de haute volée et la parenthèse d’un live sorti en 2019 (Live With The Plovdiv Psychotic Symphony), Sons Of Apollo nous revient avec un nouvel album studio sobrement intitulé MMXX (soit 2020 en chiffres romains).

Sons Of Apollo n’est autre que la formation d’un super groupe composé de Jeff Scott Soto au chant (Yngwie Malmsteen, Journey, Talisman, Trans-Siberian Orchestra…), Ron “Bumblefoot” Thal à la (double) guitare (Guns N’ Roses, Asia…), Billy Sheehan à la (double) basse (Mr Big, Steve Vai, The Winery Dogs…) et des 2 ex-Dream Theater que sont Derek Sherinian aux claviers et le prolifique Mike Portnoy à la batterie (on ne compte plus la foultitude de projets du batteur depuis son départ du Théâtre du Rêve).

Il faut bien le reconnaître, il n’est pas rare (pour ne pas dire fréquent) que les super groupes accouchent de… Super mauvais disques. En effet, la réunion de musiciens techniquement éblouissants au sein d’une même formation ne rime pas forcément avec l’écriture de compos inoubliables. Et les exemples sont légion (non, pas de noms !). Avec Sons Of Apollo, l’écueil est purement et simplement évité. Car nos musiciens l’ont bien compris, la réussite d’un album passe avant tout par la qualité des chansons qui le composent et non pas par la surenchère de démonstration technique, n’en déplaise aux mathématiciens de la musique (lol).

MMXX début avec le sophistiqué Goodbye Infinity et son intro aux claviers. Une constante d’ailleurs sur ce nouvel album : la mise en avant du travail de Derek Sherinian. Très sûrement bien davantage que sur le premier album du groupe. Mais nous y reviendrons. Goodbye Infinity ouvre donc MMXX de manière magistrale et intelligente puisque les instruments viennent progressivement renforcer une intro principalement amorcée aux claviers et ce avec l’adjonction de plans “Portnoyens” déjà bien sentis !  On ne pouvait pas rêver plus belle entrée en matière ! À 2’22”, le chant arrive enfin et attaque le premier couplet. On se régale déjà de la voix de Jeff Scott Soto et de cette espèce de timbre groovy qu’il possède. Le bougre chante bien, c’est vraiment un euphémisme que de le dire ! Jamais d’envolée lyrique à la James LaBrie (Dream Theater) ou Bruce Dickinson (Iron Maiden). C’est pas le genre de la maison. Là réside d’ailleurs une des clés de l’originalité de Sons Of Apollo : le choix de Jeff Scott Soto. Car il ne s’agit pas du tout du même style de chanteur que l’on rencontre bien souvent dans le metal prog’. Il faut cependant reconnaître que le groupe ne propose pas non plus un metal prog’ pur et dur. En effet, une bonne dose de rock groovy et pêchu fait également partie du lot comme le démontre le titre qui suit : l’incroyable Wither To Black. Pourquoi “incroyable” ? Imaginez un peu une chanson qui serait l’aboutissement d’un croisement entre Led Zeppelin et Dream Theater et vous aurez la réponse ! Son intro de batterie, caractérisée par un groove à la John Bonham, nous donne déjà des frissons. Mais quand la guitare et la basse arrivent, on tombe carrément sur le cul !!! Argh ! Quel groove mes amis ! Excellent de bout en bout, appuyé par des ambiances de claviers aux sonorités d’orgue Hammond, Wither To Black est un PUR REGAL ! Un petit chef d’oeuvre de rock mêlé à des influences prog’. Quelle réussite ! Les solistes s’en donnent à coeur joie, à commencer par un Ron “Bumblefoot” Thal au style assez atypique puisqu’il dispose d’une double guitare avec laquelle il alterne entre des solos avec manche à frettes ou bien sans. Derek Sherinian n’est pas en reste et se révèle omniprésent. Même sur un Wither To Black au style plus organique que Goodbye Infinity par exemple, le claviériste nous rappelle qu’il est l’un des patrons de Sons Of Apollo (il est coproducteur de l’album avec Portnoy) et nous envoie le solo qui tue. Bref, le changement entre les 2 premiers titres de MMXX est pour le moins surprenant tout en demeurant cohérent dans le son. Avec Asphyxiation et son intro de guitare syncopée, l’auditeur est soudainement plongée dans une ambiance hypnotisante, sombre, malsaine et violente. Le titre sonne tel un avertissement, une urgence. Tour à tour rock et plus prog’ (le break notamment), le tempo ne varie pas et reste (assez faussement) rapide. Une fois encore, nous avons droit à une belle réussite car le titre se révèle de par son propos fort différent des 2 premiers morceaux. L’outro est également très bien amenée, notamment grâce aux variations de plans de batterie de Portnoy. L’auditeur ressort d’Asphyxiation un peu… Asphyxié, c’est le cas de le dire ! Vous reprendrez bien un peu de changement d’ambiance ? Desolate July est là pour vous servir ! Le son diffus d’une cloche d’église, un piano mélancolique, une guitare électrique toute en retenue, le chant de Jeff Scott Soto nuancé… L’intro est douce. Jusqu’à l’arrivée du premier refrain ! Ceci dit, point d’affolement. Même si le titre prend une tournure brutalement plus heavy avec l’arrivée de tous les autres instruments, le tempo demeure lent. Mais furieusement groovy ! Première grosse cassure depuis le début de l’album, Desolate July n’en demeure pas moins captivant de par ses ambiances, ses solos de claviers et de guitare ainsi que son gros chant renforcé de choeurs. L’outro nous ramène à une atmosphère assez similaire à l’intro et Desolate July se termine de fort jolie manière. Alors que l’on croit le titre terminé, une progression se met en place et il faut jeter un oeil sur le time code du lecteur pour s’apercevoir qu’on a effectivement changé de morceau. Enchaînement hyper bien amené entre Desolate July et son successeur donc : King Of Delusion. Il est vrai que l’auditeur demeure durant toute sa très longue intro aux claviers dans le même registre mélancolique que celui de Desolate July. Mais rapidement, ce sentiment se renforce et vire carrément au lugubre et inquiétant avec des voix chuchotées en arrière plan. C’est beau et sombre à la fois. On adore ! Sherinian se positionne sur ce début de King Of Delusion en maestro. Quel régal que cette intro dont le mouvement de piano m’a fait songer ni plus ni moins à du Frédéric Chopin (notamment entre 0’37” et 0’50”) ! Le morceau débute véritablement à 1’22” avec l’arrivée de tous les instruments en version “Paf ! Dans ta figure !”. King Of Delusion est un modèle de variation des ambiances. Mais c’est surtout son break qui fait mal. LE break de l’album. Bon, autant l’avouer tout de suite : j’ai totalement craqué pour King Of Delusion ! Ce titre est une réussite à tous les étages. Nous avons déjà parlé de l’intro mais bien entendu les couplets / refrains ne sont pas en reste : c’est heavy et ça groove grave ! Le point d’orgue se situant donc avec ce long interlude entre 3’58” et 7’04” et un piano / batterie simplement magique à 6’13”. Comme si cela ne suffisait pas, Ron Thal vient ensuite nous gratifier d’un superbe solo avant que l’ensemble ne redémarre en trombe. Puis nous avons droit à un nouvel échange de solos de claviers / guitare (lequel m’a d’ailleurs fait songer à du Yngwie Malmsteen !). King Of Delusion se termine en fanfare avec le retour du chant et nous laisse pantois. Quelle merveille ! Et “Boum !”, l’intro de Fall To Ascend à base d’un plan caisse claire / toms vitesse supersonique nous débarque en pleine face. La construction du morceau est plus classique que celle de son prédécesseur et les ambiances bien variées entre des couplets assez sombres tant musicalement que dans le chant et des pré-refrains / refrains nettement plus enlevés et accrocheurs (très certainement un malheur en live). Une fois de plus, le break tape dans le mille (quel riff de gratte !) avec force solos claviers et guitares, le tout à un tempo élevé. Ça joue méchant les amis ! Mais jamais ô grand jamais ce n’est… Chiant ! Le côté prog’ se faisant tout de même bien ressentir sur ce long interlude. La sortie de break (un pré-refrain instrumental en fait) signée Mike Portnoy est tout simplement ahurissante ! Le bougre met décidément tout le monde d’accord et c’est le modeste batteur que je suis qui vous le dit. Quel drummer mes aïeux et quelle pêche que ce Fall To Ascend ! On en redemande ! Resurrection qui suit se révèle comme étant le seul titre un peu en dessous du reste de l’album. La faute à un refrain pas spécialement très original et à une succession de solos de (dans l’ordre) : guitare / claviers / basse (!) / guitare / claviers / basse (!!) qui sent un peu le remplissage. Par contre les pré-refrains comportent beaucoup de charme avec ce petit côté oriental dans le ton et amènent les refrains de fort jolie manière. Encore une fois, dommage que ceux-ci ne soient pas du même acabit. Ceci dit, vu la qualité des autres morceaux depuis le début de MMXX, on ne fera pas la fine bouche. Resurrection est juste un peu moins original. Ce n’est certainement pas un hasard si le groupe a placé le titre en avant dernière position sur l’album. En guise de conclusion (doux euphémisme), le titre New World Today et ses 15’51” !!! Bon, là on est fixé avant même de l’avoir écouté : c’est du prog’ ! (lol). La compo est découpée en 6 phases dont chacune comporte son propre nom et s’enchaîne l’une à l’autre. La première intitulée Ascension nous présente un instrumental claviers / guitare très planant et magnifique. On rentre ensuite dans le vif du sujet avec New World Today et son motif de guitare façon “Cosmos 1999” (les plus vieux lecteurs comprendront !). Le titre est accrocheur, plutôt rock avec ce son d’orgue Hammond en arrière plan. L’enchaînement avec Blind Tomorrow est brutal. Le titre est rapide et bien pêchu. Encore une fois, Sons Of Apollo maintient l’attention et l’intérêt de l’auditeur en variant les tempos et les mélodies tout en restant cohérent. Exercice d’autant plus difficile qu’il s’agit d’un seul et même morceau de plus de 15′ ! Adventures In Bumbleland prend la suite. Il s’agit de nouveau d’un instrumental. Les variations sont nombreuses. Du pur prog’ ! Puis vient le très joli (malgré son titre !) Day Of The Dead. Il s’agit d’un instrumental sombre et inquiétant. Les claviers de Sherinian sont de nouveau à l’honneur, le tout dans un tempo très assis. Ron Thal vient y greffer un bien joli solo sur la fin avant que le thème “Cosmos 1999” ne refasse son apparition finale avec The New Reveal. Quelques jolies descentes de toms de Mr Portnoy puis le chant refait surface avant une longue partie finale de toute beauté, renforcée d’un long solo de Ron Thal. 15′ me dites-vous ? On n’a pas vu le temps passer !

En guise de conclusion, Sons Of Apollo fait donc partie de ces groupes de super musiciens qui savent éviter l’écueil des disques démonstratifs et sans âme. Bien entendu, nous avons affaire ici et avec ce MMXX à des musiciens hors pair et les amateurs du genre s’y retrouveront forcément. Pour autant, le tour de force réside ici dans le subtile alliage entre des compositions musicalement (très) techniques et dont le dosage entre metal, rock et prog’ a été savamment maîtrisé mais aussi, surtout et AVANT TOUT par la qualité des mélodies distillées tant musicalement que sur le plan vocal. Ainsi, MMXX saura plaire à une très large audience et pas seulement aux uniques musiciens. Soulignons encore une fois la véritable plus-value apportée par le chant de Jeff Scott Soto, plutôt atypique dans ce registre et qui amène une véritable originalité au style. Les membres de Sons Of Appolo ont souhaité nommer leur nouvel album MMXX en référence à la nouvelle décade qui commence. Quand on écoute le résultat, on se dit qu’elle ne pouvait pas mieux commencer !

N.B. : À l’heure où j’écris ces lignes, Sons Of Apollo a malheureusement été contraint de reporter la quasi totalité de sa tournée européenne pour cause de Corona Virus. Seulement “reportée” ? On l’espère !

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