Mandy – Panos Cosmatos

Pacific Northwest, 1983. Red Miller et Mandy Bloom mènent une existence paisible et empreinte d’amour. Quand leur refuge entouré de pinèdes est sauvagement détruit par les membres d’une secte dirigée par le sadique Jérémie Sand, Red est catapulté dans un voyage fantasmagorique marqué par la vengeance, le sang et le feu…

Plan aérien qui survole une forêt. Générique qui se donne un style rétro de film d’exploitation. Musique planante du groupe de rock prog culte King Crimson. Mandy annonce tout de suite la couleur. Le spectateur, s’il l’accepte, va plonger dans un trip, un film mystique, fou, barré, mais mijoté aux petits oignons et nourri de tout un tas d’influences. Par où commencer ?

Mandy (incarnée par Andrea Riseborough, une actrice au visage vraiment fascinant) est donc l’héroïne qui donne son nom au film. Elle a une cicatrice qui part du coin de son œil gauche et descend sur sa joue comme le sillon d’une larme d’ acide. Quelle belle idée ! C’est une jeune femme qui imagine des temples dans la jungle, qui rêve de forêts magiques et de mort ; on sent tout de suite qu’elle est spéciale. Toujours en contact avec ses rêves, ses souvenirs, mais aussi avec ses traumas d’enfance. Sa relation amoureuse avec Red (avec un Nicolas Cage en grande forme ! Youpi!) est infiniment touchante. Ces deux-là s’aiment vraiment, comme des enfants, en un sens. Cela se devine dans leurs gestes, dans leurs conversations. Il faut les voir, en train de manger, les yeux écarquillés devant un film qui passe à la télévision. De vrais mômes qui s’émerveillent quoi.

Mandy…Mandy…Avec son visage pâle, étrange, et son regard de chat avec un œil qui semble plus gros et plus sombre que l’autre. Elle est belle à sa façon, loin des canons de beauté à la mode. Le couple a également bon goût niveau look. Mandy porte un t-shirt Black Sabbath. Red arbore lui un t-shirt à manches orange, avec une tête de tigre. Comment ne pas les trouver cools ?

Bien cachés dans leur maison au milieu des pins, ils croient avoir trouvé un refuge. Mais leur vie paisible et pleine d’amour va néanmoins être chamboulée lorsque Mandy va croiser la route de Jérémiah Sand, le gourou d’une dangereuse secte. Immédiatement ce dernier tombe sous le charme de la jeune femme ; il la veut à tout prix. Le couple va alors basculer dans le cauchemar, la fantasmagorie, dans la violence et le feu. Et dans la pure vengeance.

Parlons-en de ce drôle de gourou. L’acteur qui l’interprète (Linus Roache) nous sort un sacré numéro. Allongé sur un lit, Jérémiah donne des ordres à des «  serviteurs » qui viennent tour à tour à son chevet, empreints de respect et d’adoration : on sent immédiatement l’emprise qu’il a sur eux. Le film esquisse efficacement, en deux coups de pinceau, les autres membres de la secte. Il y a le bras droit de Jérémiah, une sorte de fou de dieu à tête de comptable. Il y a la jeune femme qui sert d’esclave sexuelle. On trouve aussi la femme mûre à l’apparence (et pas que) de sorcière. Puis vient toute une bande de jeunes aux regards fous, qui semblent tous largués dans la vie.

Jérémiah est un musicien raté qui trouve dans son rôle de gourou le moyen d’être au centre, de se croire le petit monarque de son petit monde. Mais à la moindre contrariété, il se fâche comme un gamin capricieux, qui ne veut être vu que par des regards d’adorateurs. Sinon, il est perdu et demande à son miroir qu’est-ce qu’il doit faire : Miroir, ô mon beau miroir ! Cette secte est également liée à une bande de bikers mad maxiens, pour ne pas dire infernaux : les Black Skulls. Le film n’hésite pas à les montrer comme de purs démons, accros à une drogue surpuissante qui fait d’eux des créatures de cauchemar, chevauchant des motos rugissantes telles des bêtes de l’Enfer.

Empruntant au dessin animé, mais aussi au comic book (le film y puise abondamment, certains plans étant de pures vignettes de roman graphique) Mandy est un trip visuel, démarrant avec une première partie plutôt contemplative, avant d’évoluer vers un esprit plus marqué série B. Après tout, Mandy est aussi un film de vengeance. C’est également une œuvre d’enfant du rock avec son habillage sonore omniprésent, fait de nappes de synthé ténébreuses et hypnotiques associées à des riffs de guitare crépusculaires.

Oui, partir d’un pitch de film d’exploitation pour en faire quelque chose de plus auteurisant, ça n’est pas nouveau. C’est même assez à la mode. N’est-ce pas, Mr Refn ? Mais Panos Cosmatos a bien du mérite. Le Monsieur ne manque pas d’idées et n’est pas avare en effets visuels. Chaque plan, chaque image, est très travaillé. Le réalisateur ose beaucoup et se nourrit de plein de choses pour donner naissance à un film extrêmement ambitieux. Et même s’il ne se refuse aucune audace (filmer une nuit violette, rouge, rose par exemple! Quel travail au niveau des couleurs et de l’éclairage !) son film est tout de même plus chaleureux que ceux de Refn, qui, lui, est le grand spécialiste de l’ambiance mystique glaciale.

Impossible de ne pas parler de la performance de Nicolas Cage, acteur souvent décrié, mais qui ici est en pleine forme. Le film lui doit beaucoup. On entre rapidement en empathie avec son personnage, car il réussit à faire passer viscéralement toute l’immense souffrance qu’éprouve Red.

Si le fond est assez basique, la forme est époustouflante. Mandy nous offre son lot d’images pensées comme des toiles. C’est un film qui procure de l’émotion, qui offre du beau, de la poésie, du gore (c’est généreux en hémoglobine), du fou, du grotesque, du barbare, de l’irréel, de l’absurde, de l’envoûtement etc… Le final, riche en scènes marquantes, laissera le spectateur un poil déconcerté, mais conquis : où diable somme nous ? Sommes nous sur Terre ou bien dans le rêve perché de quelques démons assoupis ? Peu importe ! Le film est une bombe !

Mandy

Un film de Panos Cosmatos

Avec Nicolas Cage, Andrea Riseborough et Linus Roache

Disponible en DVD/Blu-Ray

One thought on “Mandy – Panos Cosmatos

  1. Je pense que c’est LE film que j’ai le plus détesté pendant le festival du film fantastique de ma ville. Comme quoi, on l’aime ou on le déteste. Mes accompagnateurs avaient été conquis.

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