Boygenius – boygenius (EP)

Mes ami.e.s, il y a des jours comme ça où l’on pense passer une journée totalement banale. Et puis on ouvre sa playlist des nouvelles sorties et on se retrouve à pleurer dans son café dès le matin.

Pourquoi donc ? Eh bien parce que l’EP boygenius est sorti. « Mais qu’est-ce que boygenius ? » me direz-vous. Un petit peu de patience, j’y viens.

Boygenius, c’est une alliance magique du fleuron rock indé féminin. C’est Julien Baker, Phoebe Bridgers et Lucy Dacus qui décident de s’enfermer pendant quatre jours aux Sound City Studios de Los Angeles pour créer un EP ensemble. La règle pour cela : tout faire elles-mêmes et se faire confiance. Confiance les unes vis-à-vis des autres, mais également vis-à-vis de soi-même. D’où le nom boygenius, faisant référence aux hommes très confiants en eux-mêmes et à la volonté du trio d’avoir cette assurance.

Comment peut-on imaginer que ces jeunes femmes n’aient pas confiance en elles-mêmes, tant leurs albums solos sont d’une qualité incroyable et d’une forte maturité alors qu’aucune d’elle n’a encore 25 ans ? Julien Baker a récemment retourné la Maroquinerie de Paris avec sa tournée pour promouvoir l’album Turn out the lights, Phoebe Bridgers a remporté le cœur des critiques avec son premier album Stranger in the alps, de même pour Lucy Dacus et Historian.

On part ainsi sur une base très solide, d’autant plus que les trois musiciennes sont amies : Julien Baker et Phoebe Bridgers ont déjà tourné ensemble (Baker ayant par ailleurs aidé Bridgers dans la réalisation de son album), et la maison de disque Matador compte parmi ses rangs Julien Baker et Lucy Dacus. Cet EP de boygenius est-il ainsi à la hauteur de ce qu’il promet ?

La réponse est bien évidemment un franc « Oui ». Chaque musicienne a apporté au studio d’enregistrement 1 morceau quasiment fini et une idée de morceau à travailler avec les autres. C’est ainsi avec un morceau majoritairement de Lucy Dacus que s’ouvre cet album : Bite the hand. L’on y voit très vite l’esprit de l’album : des harmonies entre ces trois voix assez différentes et qui forment un magnifique mélange. On navigue musicalement entre le rock indé, impulsé par Dacus, la folk emblématique de Phoebe Bridgers (Me and my dog) et ce mélange entre les deux, lorgnant vers l’emo, de Julien Baker (Stay Down).

https://www.youtube.com/watch?v=ljOonyYsMJI

Le travail sur les idées de morceau est surtout très intéressant. On peut très facilement imaginer l’émulation en studio et le travail incroyable qui a été effectué en seulement quatre jours. Salt in the wound en est l’exemple parfait : on ne sait pas vraiment de qui était l’idée de base tellement les voix et les styles musicaux se mêlent dans cette parfaite progression, pour arriver à une vraie explosion. On y a le plaisir d’entendre Julien Baker dans un registre de guitare plus rock et noisy (hérité sans doute de son ancien groupe post-punk, Forrister), encouragée pour cela par ses consœurs.

L’album se clôt par une idée de Phoebe Bridgers, Ketchum ID. Qu’est-ce que ce titre étrange ? Il s’agit en fait de la ville de Ketchum en Idaho. Les trois musiciennes partagent un rêve d’aller en Idaho mener une vie plus tranquille lorsque le rythme de musicienne itinérante ne fonctionnera plus pour elles. Le morceau, magnifiquement folk, parle ainsi de ces problématiques que les trois artistes partagent. Leurs voix se rejoignent et se mêlent à la perfection (ayant de plus été enregistrées à trois sur le même micro) sur la phrase emblématique du morceau : « I’m never anywhere, anywhere I go. When I’m home I’m never there long enough to know ». Car ce qui rapproche aussi les musiciennes, c’est leur vécu et leurs vies qui sont très similaires.

L’album forme ainsi une sorte de boucle. Bite the hand forme une réflexion sur les relations aux fans (Dacus affirmant « I can’t love you how you want me to », repris en chœur par Bridgers et Baker), Ketchum ID sur la solitude inhérente à la vie de tournée. Entre les deux, un tourbillon d’émotions et des voix qui promettent de vous chambouler et de vous hanter.

En maths, si l’on multiplie des nombres positifs on ne peut obtenir qu’un résultat positif (suivez ma métaphore, promis il y a une finalité). Dans boygenius, si on multiplie les talents on ne peut obtenir qu’un talent plus grand encore. Si les talents ont sorti des albums les plus beaux parmi ceux de 2017 et 2018, eh bien on obtient sans doute l’album le plus beau de 2018. A écouter sous un plaid pour les longues soirées d’hiver approchantes.

Boygenius
Boygenius
Matador Records
2018

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