Altered Carbon – Laeta Kalogridis

Takeshi Kovacs, un ancien soldat d’élite appelé “Diplo”, se réveille un matin dans une prison, suite à son incarcération musclée. Il doit résoudre un meurtre pour un homme faisant partie de l’élite, Laurens Bancroft. C’est le seul moyen pour « racheter » sa liberté à la société. Ses faits et gestes sont surveillés par la police, en la personne de Kristin Ortega.

La série s’ouvre sur une scène d’action. Un appartement dans une ville post-apocalyptique digne de Blade Runner, un asiatique torse nu et une femme, se font attaquer par des soldats en armure avec armes et casques Hi-tech. Le visuel est proche du jeu vidéo, la science-fiction est à nos portes. Le ton est donné. Dans une ambiance chaotique, le personnage de Kovacs se fait attraper, et sa compagne est tuée sans ménagements. Il semblerait qu’un plot politique se cache derrière cette intervention musclée.

Nous retrouvons Kovacs dans une prison et comprenons rapidement que c’est une personnalité importante d’un groupe de combattants rebelles, mené par une certaine Quellchrist Falconer. Il en serait le dernier survivant et a été racheté par le plus riche et le plus vieux Math : Bancroft.

La société appartient aux Maths (ou Mathusalems), un groupe de personnes dont la fortune considérable leur a permis d’approcher l’immortalité.
Ils ont le pouvoir, ils ont l’argent, ils contrôlent les enveloppes et ont la main mise sur les piles. Evidemment, il y a quelques problèmes. Bancroft n’a pas racheté le dernier diplo pour la galerie (il aurait pu, c’est tellement classe d’avoir un diplo… c’est une légende), il a besoin de ce guerrier pour découvrir qui a essayé de le tuer. Lui. Le Math intouchable a été victime d’un meurtre…

Et là vous vous demandez comment un être humain mort peut être encore en vie ? Facile.

Les enveloppes. Comme je l’ai déjà dit les Maths contrôlent les enveloppes et les piles. Les enveloppes, ce sont les corps, customisables et malléables à souhait. Les piles, ce sont les âmes. Quand quelqu’un broie une pile, c’est la « vraie » mort. Celle dont on ne revient pas. Pour l’heure, presque tout le monde a le droit à une seconde chance. Ce n’est pas forcément glorieux ou ce que vous auriez souhaité comme apparence, mais c’est une vie. C’est déjà ça.

Bancroft, lui, peut se réincarner presque à l’infini. Il a les moyens de se télécharger comme et quand il veut, dans un autre lui. C’est pratique et cela lui permet de se poser 1000 questions sur qui, quoi, comment a voulu sa mort.

L’enquête commence. Kovacs a été réincarné dans le corps d’un ex-flic, ça tombe bien, le lieutenant Ortega ne le lâche pas d’une semelle depuis sa sortie de prison.

Kovacs se choisit un pieds à terre dans un hôtel géré par une IA : Poe. Le visuel est sympathique, quelque part entre un vieux film noir et un fantasme du passé. L’hôtel a quelques skills tout-à-fait étonnants à vrai dire, Poe est tout aussi surprenant dans certains aspects, il sera d’une aide précieuse dans la suite des événements.

L’enquête se situe dans tous les espaces temps. Le passé des diplos remonte à la surface avec un certain panache, le tout est orchestré par des flashbacks et nombre de scènes d’action, toutes chorégraphiées à la perfection. Apparaissent alors d’autres personnages très importants pour la compréhension de Kovacs et de Bancroft : Quellchrist, la grande prêtresse des diplos, celle qui a monté la rébellion et qui a formé ces soldats. Elle est forte, belle et emplie d’idéaux. Kovacs était l’un de ses disciples les plus fidèles. Elle fait même l’objet d’un véritable musée. C’est presque un culte de la personnalité qui s’installe à ce moment là.

Et puis il y a la fille de Vernon (un des suspects pour le meurtre de Bancroft), prisonnière numérique d’une boucle temporelle, véritable gageure pour Poe, qui propose d’aider Kovacs à recueillir son témoignage malgré un soucis de sociabilisation évident. S’il y parvient c’est toute l’histoire qui pourrait être renversée et cela occupera un certain temps Poe, que l’on découvre beaucoup plus humain qu’il n’y paraît de prime abord.

La trame de fond est plus complexe que prévue dans les grandes lignes et je ne vous ai pas parlé des quelques surprises du scénario (on va quand même pas tout raconter, soyons sérieux!), et la série, au final, a une image très léchée.

Parlons visuel justement.

Pour moi, on retrouve parfaitement l’esprit de Philip K.Dick dans le récit de Morgan. L’hommage est sous-jacent. C’est aussi, il semblerait, le point de départ d’un jeu de rôle récent que j’affectionne particulièrement : Eclipse phase (si vous ne connaissez pas et aimez l’univers du transhumanisme, foncez!). Je me suis donc forgée un certain nombre d’images mentales sur le sujet, aidée par les MJ et autres livres de ma jeunesse (révolue). Les piles, les enveloppes, la société parfaite des Maths et la ville, un peu craspouille, un peu désabusée avec toute la faune quelque peu fausse qui s’y balade. Les fantasmes de nature parfaite et l’idéologie d’une société égalitaire et juste, sont bien présents.

K. Dick était un maître dans la description de ces uchronies, très réelles et si proches. Il en est de même ici. La réalisation de la série tout entière se dirige vers cette option.

Quellcrist (dite “Quelle”) et les diplos représentent la perfection, ils sont lumineux dans leurs actions (même les plus violentes). Ils sont Amour, Humanité. La ville du présent est sombre et relativement « sale », à l’image de la société qu’elle décrit, remplie de crimes et de corruptions. La police est désabusée et tente de maintenir la tête hors de l’eau, de rester droite et honnête (le lieutenant Ortega souhaite garder jusque l’intégrité de son propre corps, à l’instar des Maths). Les Maths quant à eux, présentent une image propre et nette, la perfection, trop parfaite. En substance, ils sont pleins de travers, dominés par leur apparence (l’enveloppe), un cadeau, plein de vomi dedans. Les IAs semblent hors du temps et de l’espace, mais pas vraiment. Leur visuel s’apparente à des objets connectés parfois vintage, parfois moderne, mais dans tous les cas, au service des consommateurs.

La société est rapide, fournie, toutes les possibilités co-existent sans trop se poser de question, le corps est un objet qu’on utilise et qu’on avilit pour son propre plaisir sans aucun respect pour l’autre.

Kovacs est l’élément perturbateur, celui qui se bat, quelle que soit son apparence extérieure, il a quelque chose d’indestructible, renforcé encore par le physique de Joel Kinnaman, musclé et blond, comme le serait un aryen, dans une société fachisante parfaite. J’ai lu ici et là que les internautes trouvaient l’acteur trop inexpressif. Je ne suis pas d’accord. Joel Kinnaman m’avait déjà beaucoup surprise dans the killing, où il campait un flic totalement dominé par ses démons, et j’ai eu quelques difficultés à le remettre en contexte en le découvrant ici, froid, violent et beaucoup plus musclé. Son apparence contraste totalement avec le caractère très asiatique de Kovacs, espèce de force tranquille, larvée dans un corps non conforme avec ses idéaux.

La façon dont sont filmées les bagarres est d’ailleurs très efficace. On y croit et on y est. La chorégraphie est parfaitement bien exécutée et je salue le travail du directeur de la photographie qui accentue encore un peu plus les sensations de malaise et d’enfermement dans ce monde clos, en opposition avec la liberté de Quelle et ses diplos.

Alors Altered Carbon n’a pas de défauts ? Mais si, bien sûr. A commencer par les histoires d’amour, plus ou moins cachées au départ, qui prennent une ampleur certaine et qui à mon sens remettent le débat dans une dimension beaucoup plus humaine et moins détachée du corps que la société dépeinte ne veut le montrer.

On se perd parfois entre les enveloppes et les piles, mais finalement pas tant que ça. Certains reprochent à la série un manque de profondeur que je n’ai pas ressenti. Il n’est pas nécessaire selon moi, de tout expliquer. L’imaginaire de chacun peut parfaitement combler les trous et faire de cette série quelque chose de plus fouillé.

Il n’en reste pas moins que la série bénéficie d’un rythme et d’un visuel tout à fait réussi et homogène, aucun épisode ne m’a laissé un sentiment de mou (pourtant fréquent dans les productions netflix). J’ajoute que les décors et les costumes sont à mon sens, parfaits. Je n’ai pas lu le livre encore, mais je le ferai sans aucun doute, sous peu. Mon meilleur ami m’avait dit que cette histoire était pour moi, et il avait raison. D’ailleurs, si cela vous intéresse vous pouvez retrouver la critique du livre, faite sur ce merveilleux site, ici : http://www.emaginarock.fr/carbone-modifie-le-cycle-de-takeshi-kovacs-t1-richard-morgan/

Bref, Altered Carbon, j’ai aimé.

Altered Carbon, saison 1, créé par Laeta Kalogridis, d’après le roman de Richard Morgan

Avec : Joel Kinnaman, James Purefoy, Martha Higareda

Netflix

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