Photonik – volume 1 (années 1981 – 1982) – Ciro Tota

Photonik 1Nostalgie bis

Cette fin d’année 2013 nous aura vus être témoins d’une synchronicité troublante : le retour des nombreux « sup’héros » des années 1980 créés par des artistes français, à l’époque où LUG dominait le marché du comic-book via ses traductions de Marvel. Nous avons déjà eu les Mikros Archives chez Delcourt (prévues en quatre tomes), puis l’intégrale de l’Archer blanc chez Original Watts et enfin voici qu’arrive celui qui est sans doute le plus populaire de ces personnages : Photonik, inventé par Ciro Tota dans les pages de Mustang en 1981 ! Il faut croire que c’est le zeitgeist qui est à l’œuvre ici… (et encore ne vous ai-je pas encore parlé du jeu de rôle Hexagon Universe…)

Ce sont cette fois-ci les éditions Black&White qui s’y collent et nous proposent une intégrale en deux épais volumes des aventures de l’Homme-lumière. Le premier de ces tomes est sorti en novembre et c’est un beau bébé de plus de six cent pages contenant vingt six épisodes de la série.

Et la lumière fut…

Photonik est donc une création originale du tout jeune Ciro Tota. À l’époque, LUG désirait consacrer un de ses magazines (Mustang) à la publication de « sup’héros » made in France (ou Europe, Ozark étant une création italienne) et demanda à certains auteurs maisons de plancher sur des concepts. Outre Mikros donc, on vit ainsi apparaître le lumineux Photonik !

Et il faut bien avouer que le succès de ce personnage s’explique assez aisément : il suffit pour cela d’analyser le travail de scénariste de Ciro Tota. Appliqué et humble, celui-ci décide en effet de construire son héros en suivant la tradition Marvel initiée par Stan Lee en personne. Avant même de nous présenter son surhomme, il prend soin de lui créer un alter-ego civil : un jeune homme fauché, affligé d’une disgracieuse bosse dans le dos, cible de moqueries de la part des étudiants de l’université new-yorkaise où il travaille comme laborantin. Un profil à la Peter Parker – mais en pire ! Ciro Tota pousse même le vice jusqu’à reprendre l’allitération typique des noms des héros Marvel : Taddeus Tenterhook. Ce personnage – qui n’a pour l’instant rien d’un super-héros – se retrouve affublé de pouvoirs extraordinaires après un accident causé par l’arrivée sur Terre d’un belliqueux extra-terrestre, qui sera le super-vilain du premier arc de la série. L’auteur lie ainsi dès le départ le héros à son adversaire.

On le voit, l’ADN même de Photonik – très inspiré par la Maison des Idées – est à l’origine de sa popularité. D’autant que Ciro Tota ne se limite pas à cela. Il définit très clairement les capacités surhumaines du personnage et lui adjoint deux compagnons aussi opposés que complémentaires afin d’introduire un peu de variété : le Docteur Ziegel est un vieux télépathe et inventeur fou à ses heures perdues tandis que Tom Pouce est un enfant bravache et bondissant. De même, impossible de ne pas évoquer le talent graphique de Ciro Tota : malgré son jeune âge à l’époque des débuts de la série, son trait est déjà affirmé, d’une élégance qui tend vers l’épure à certains moments. Dynamisme et inventivité sont les maîtres-mots de ses épisodes – toujours plein d’action, d’humour et d’une tonalité parfois douce-amère qui n’est pas sans rappeler le Spiderman de Lee & Dikto.

Bref, il y a dans Photonik une maturité étonnante et une parfaite maîtrise des codes qui font un bon récit de super-héros – ce qui explique aisément la qualité constante de cette série depuis ses premiers épisodes.

Que la lumière soit, donc…

La première saga de l’Homme-lumière est son désormais célèbre combat contre le Minotaure – une créature d’outre-espace venue conquérir la Terre et qui trouvera sur son chemin Photonik et ses deux compagnons. Une histoire qui couvre rien moins que les douze premiers numéros ! Et quelle maestria y déploie Ciro Tota : présentation et origine du super-héros, rencontre avec ses acolytes, arrivée du super-vilain, multiples affrontements, révélations en pagaille, coups de théâtre et cliffhanger, développement du passé de chaque protagoniste (même parmi les adversaires), etc. Un story-arc exemplaire qui de nos jours encore n’a pas pris une ride.

Les aventures suivantes permettent de continuer à explorer le monde de Photonik et de le confronter à encore plus de super-vilains (le Sorcier N’Kala ou le faux Photonik) – avec toujours ce souci de permettre au lecteur de s’identifier au héros (qui doit parfois retourner à la vie civile pour donner le change, qui est recherché par les autorités, qui reste un jeune homme idéaliste avant tout…). À noter que certains épisodes (trois dans ce tome) ont été réalisés par le stakhanoviste Jean-Yves Mitton afin de combler le retard pris par Ciro Tota.

Grand luxe

Les éditions Black&White ont mis les petits plats dans les grands à l’occasion de cette édition du premier volume de l’intégrale de Photonik.

On a ainsi droit à un épais volume au papier glacé, sous une couverture souple à la sobriété du meilleur effet. Comme pour les Mikros Archives, l’éditeur a dû se résoudre à publier les épisodes en noir et blanc – la restauration de la couleur aurait en effet été trop coûteuse à réaliser. Cela peut sembler dommage, mais le trait de Ciro Tota – fin et sobre – ne souffre pas du tout de ce choix : il rend très bien ainsi.

Chaque épisode est pour sa part précédé de la couverture du magazine où il fut publié jadis (Mustang ou Spidey) et d’un commentaire de l’auteur : Ciro Tota y livre ainsi quelques confidences sur son processus créatif, ce qui est toujours agréable pour le lecteur.

Le seul défaut que l’on pourrait trouver à ce volume est justement sa densité : particulièrement lourd, il n’est pas toujours aisé à lire dans les meilleures conditions de confort. Mais ma foi, comment se plaindre de tenir entre les mains un véritable omnibus contenant plus de vingt cinq épisodes d’une telle série !

Sup’héros un jour…

À la (re)lecture de ce volume 1 de l’intégrale de Photonik, on comprend mieux pourquoi l’aura de l’Homme-lumière est restée intacte après trente ans. Ciro Tota est un artiste complet qui déjà à l’époque brillait par son talent rare. Son super-héros est une création majeure de la culture populaire française et c’est un grand plaisir que de voir arriver une réédition de ses aventures – que le vieux lecteur se plonge dans ses souvenirs ou que le jeune découvre un personnage qui n’a rien à envier aux actuels, tout le monde y trouvera son compte !

En espérant que le volume 2 arrive vite afin de dévorer la suite et fin de la saga de Photonik.


Une bande-dessinée éditée par Black&White
608 pages
49 € + 11 € de frais de port – vente par correspondance exclusivement

Trois questions aux éditions Black&White, éditeur de Photonik tome 1

eMaginarock (M) : L’Archer blanc, Mikros… Cette fin d’année 2013 voit le retour de nombreux vieux « sup’héros » ! Qu’est ce qui vous a donné envie de rééditer Photonik ?

Black&White (B&W) : L’envie est la depuis longtemps et je pense qu’il y a un temps pour tout. La rencontre avec Phil Cordier (avec qui nous avions évoqué dès le début la publication de Photonik) arrivait une période où Ciro Tota était prêt à accepter la réédition de son personnage, suite à notre proposition d’en réaliser une intégrale en noir et blanc.

M : Quel travail éditorial avez-vous effectué sur cet ouvrage ?

B&W : Ce livre fait partie de notre collection « Author’s cut » où l’artiste nous donne sa vision et participe étroitement à l’élaboration du livre.

Ciro Tota est totalement impliqué dans cette réédition. Après des essais de remise en couleur, le choix du noir et blanc lui est apparu comme indispensable. En effet, une remise en couleur aurait été un long travail et, Ciro supervisant tout, l’ouvrage ne serait jamais paru par manque de temps de son créateur. Cela aurait été trop onéreux également.

Nous avons donc utilisé les planches originales – heureusement, Ciro Tota et Jean-Yves Mitton les avaient quasiment toutes gardées (un signe du destin certainement !). Elles ont été numérisées et nettoyées : un véritable travail de restauration. La galerie d’hommages s’est imposée toute seule et nombreux ont été les auteurs à demander de pouvoir réaliser un dessin, Ciro ayant été un déclencheur dans leur vocation. Le fait qu’un Français puisse ainsi entrer dans le monde du comic-book en a débridé plus d’un et il est à l’origine de bien des carrières.

M : Black&White a-t-il l’intention de continuer dans le créneau des « sup’héros » ?

B&W : Est bien sûr prévu Photonik volume 2, clôturant la réédition de ses aventures, pour septembre 2014.

Pour le moment il n’y a pas d’autre publication « sup’héros » prévue chez nous. Mais une publication inédite est prévue et nous en reparlerons très vite.

Propos recueillis par Romain d’Huissier

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One thought on “Photonik – volume 1 (années 1981 – 1982) – Ciro Tota

  1. Hou. Toute une époque, je me souviens, l’auteur m’avait envoyé une dédicace en Nouvelle Calédonie ;) Il faut que je ressorte mes vieux magazines lug, :)

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