Blade Runner “Final Cut” – Ridley Scott

Blade_Runner-final cutInspiré du roman Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ? de Philip K. Dick paru en 1966, Blade Runner est toujours considéré comme LA référence cyber-punk devant  Ghost in the Shell  dont je vous ai déjà parlé sur eMaginarock. La comparaison ou plutôt la filiation est évidente dès les premières images et à la lecture du roman.

Los Angeles, novembre 2019.
Au cœur d’une obscurité quasi-permanente, conséquence d’une pollution qui oppresse la Terre au point que nombre d’humains ont émigré vers des colonies spatiales, des véhicules planent entre les hautes tours de la cité qui semble s’étendre jusqu’à l’horizon et crachent de gigantesques flammes à la face du ciel. Plantée fièrement au cœur de la ville, la tour de la Tyrell Corporation trône, affirmant la supériorité de son génie qui créé les « réplicants », des humanoïdes proches de l’humain destinés aux pires travaux. Les réplicants imitent si parfaitement les hommes que seul un test de réflexes d’oscillation des pupilles peut révéler leur nature. La vigilance reste de mise car il peut arriver que ces réplicants deviennent défectueux et de vrais prédateurs pour les hommes, sa cachant au cœur de la population. Lorsque cela arrive, l’unité des Blade Runners, des enquêteurs spécialisés dans la traque des réplicants, est appelée. Dans les locaux mêmes de la Tyrell Corporation, un Blade Runner est victime d’une attaque. Le réplicant responsable est un modèle dernier cri, un Nexus 6, l’humanoïde créé d’après des souches d’ADN humain. Face à la perfection de ces Nexus 6, le chef de l’unité doit faire appel à son meilleur élément, fraîchement retraité, Rick Deckard.

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Dans les rues crasses de pluie et de pollution, Deckard mange un morceau quand il est sommé de se rendre auprès de son ancien chef. Ce dernier lui explique les faits : quatre Nexus 6 se sont échappés d’une colonie spatiale quelques jours auparavant, tuant plus de vingt humains et volant une navette. L’attaque à la Tyrell Corporation prouve qu’ils sont de retour sur Terre. Deckard est resté le meilleur Blade Runner, il ne peut refuser. Néanmoins, il ne connaît pas les caractéristiques des Nexus 6. Alors qu’il visite la Tyrell Corporation pour comprendre ses cibles, Deckard apprend que leur durée de vie est limitée à 4 ans et rencontre Rachel, une jeune femme qui ignore être un réplicant. La perfection de sa conception étonne Deckard.

Rachel

Son apparence et ses réactions émotionnelles sont tellement proches de l’humain que l’ampleur de la tâche se dessine. Les quatre réplicants rebelles seront des adversaires difficiles pour Deckard, plus encore parce que sa rencontre avec Rachel va éveiller en lui un désir dangereux de les comprendre. Et si ces androïdes avaient une conscience propre ?

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Bien que l’époque décrite dans le roman soit à présent très proche de nous, cette réalité temporelle disparaît dès que l’on se laisse immerger dans le monde créé par Ridley Scott. Il aura fallu attendre et travailler sur ce projet près de quatorze ans pour qu’il devienne plus qu’une nébuleuse vision onirique.
Dès sa sortie en librairie, le roman de Philip K. Dick avait séduit l’industrie hollywoodienne mais les premières tentatives d’adaptations scénaristiques trahissaient tant l’œuvre de l’écrivain que celui-ci avait même demandé s’il lui fallait casser la figure du scénariste pour qu’on l’écoute. Droits vendus, oui, mais pas à n’importe qui… C’est un acteur, Hampton Fancher, qui en avait fait l’acquisition. Après avoir approché de grands noms de la réalisation tels que Martin Scorsese, le projet est finalement arrivé entre les mains magiques d’un Ridley Scott débutant à la réalisation, en mal de créativité face à la lenteur de pré-production de Dune. David Webb People (Ladyhawke, Impitoyable, L’Armée des Douze Singes) se met alors à la tâche. Sous sa plume, l’histoire est rebaptisée Blade Runner. Il persuade Scott de rester fidèle au roman. Le travail n’est pas aisé quand on connaît la richesse des thèmes abordés par Philip K. Dick, mais le résultat satisfait scénariste, auteur et réalisateur. La pré-production avance lorsque le principal producteur, Filmways, doit plier bagages suite à des problèmes financiers. A dix jours du premier tour de manivelle, le budget de 21 500 000 dollars est bouclé grâce à de nombreuses tractations et des accords avec trois différentes autres sociétés de production. Cette opération aura de lourdes conséquences sur la production car les géants du porte-monnaie imposeront leur vision finale du film !
Le chemin de croix n’est pas terminé : trouver l’acteur qui jouera Deckard relève du parcours du combattant. Dustin Hoffman, Al Pacino, Nick Nolte sont approchés mais c’est Harrison Ford, auréolé de ses succès commerciaux avec Stars Wars et Les Aventuriers de l’Arche Perdue qui remporte le rôle. Il est non seulement celui qui s’impliquera le plus dès la lecture du scénario mais est aussi chaudement recommandé par Spielberg qui a deviné combien l’acteur souhaitait approfondir son jeu dramatique. Sean Young et Daryl Hannah sont peu ou pas connues. Au final, c’est Rutger Hauer qui apparaît comme le seul comédien « évident » aux yeux de Scott tant il l’a apprécié dans ses précédents films.

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Les décors sont créés et installés dans les studios hollywoodiens. Scott les trouve superbes mais il peine à s’adapter au système américain. Il est anglais, sa formation et son expérience professionnelles sont celles de chef opérateur, c’est son premier film comme réalisateur. Les tensions sont récurrentes sur le plateau : Scott avec les techniciens, Scott avec Harrison Ford qu’il laisse sans consignes précises sur la direction à donner à son personnage, car il le pense suffisamment expérimenté… L’ambiance qui régnait sur le plateau se ressent dans le film. Une tension omniprésente, renforcée par l’obscurité d’une nuit qui apparaît sans fin, une pluie abondante, crasse et pesante, presque incessante, des éclairages durs, des secrets lourds de conséquences que le spectateur cherche à deviner, à anticiper.

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La photographie est stupéfiante. Elle illumine d’une tonalité tantôt froide tantôt chaude ce thriller fantastique aux connotations philosophiques. Les intérieurs dans lesquels vivent les humains, les rues crasses envahies d’une population internationale qui parle toutes les langues mais survit dans une pauvreté omniprésente baignent d’une lumière chaude tandis que les espaces dédiés à la mise en scène des réplicants sont striés d’un éclairage blanc et bleuté, perçant les zones d’ombre. L’humain crée mais reste maître de sa créature, s’assurant une emprise absolue sur ses “choses”. Et le doute s’insinue dans l’esprit du spectateur comme il a visiblement pris possession de celui de Deckard depuis longtemps. Au fil du film, on comprend que Deckard ait voulu une retraite anticipée à laquelle on l’a arraché. L’hypocrisie des humains est prégnante car les termes eux-mêmes sont significatifs : on ne tue pas les réplicants, on les retire de la circulation.

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Sean Young et Daryl Hannah, débutantes mais conquérantes, sont comme deux poupées que tout oppose et qui sont les deux faces de la même pièce. Bien qu’ils interprètent des personnages destinés à s’attirer et se détruire mutuellement car ils aspirent inconsciemment à la même chose, le jeu de Rugter Hauer est tel qu’il prend l’ascendance sur celui d’Harrison Ford. Ou est-ce parce que la finalité de Deckard demeure, pour lui-même comme pour le spectateur, abstraite jusqu’aux derniers instants tandis que le but ultime de Roy Batty est explicitement exposé ?

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"J'ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire..."
“J’ai vu tant de choses que vous, humains, ne pourriez pas croire…”

Leur combat entre les murs d’un immeuble déserté et fantomatique reste un des meilleurs moments du film et du cinéma SF. Il n’est pas trop long, il est sublimé par le travail sur la lumière, il laisse deviner les sentiments contradictoires de chacun, le fait que Roy cherche à se faire tuer car il a perdu sa compagne, sait que son temps est arrivé à son terme. Il est évident qu’il se plaît à terrifier Deckard, lui montrer la chance qu’il a de connaître la peur, le désir, bref, d’être un humain. Son legs à cet adversaire est la reconnaissance de la valeur de sa vie. Le monologue qu’il prononce avant de s’éteindre est exceptionnellement porteur d’émotion.

Le “final cut” est de qualité et reste la version que je recommande. Il respecte le souhait de départ de Ridley Scott avec une mise en valeur de prises de vues, qui pousse encore plus haut la qualité de la photographie et donc l’atmosphère post-apocalyptique, et une fin différente de celle voulue par les producteurs. En comparaison avec le premier montage présenté en salle lors de sa sortie, j’avoue avoir été surprise par une impression de “restée sur ma faim” mais après coup, cette fin du réalisateur est plus appréciable et cohérente que celle des producteurs. Elle ouvre sur une conclusion qui n’a plus besoin d’être dite par un monologue en voix-off tant elle est visuellement évidente grâce au jeu d’Harrison Ford. On en arrive même à se demander si Deckard ne serait pas un réplicant qui s’ignore…

Grandiose monument du cinéma, Blade Runner n’a non seulement pas pris une ride mais il n’a cessé de se grandir en qualité au fil des rééditions et travaux de son réalisateur, rendant hommage à l’œuvre de Philip K. Dick mais aussi et surtout aux millions de fans à travers le monde.

Bande annonce pour le final cut en VF

Blade Runner “Final cut” – Ridley Scott
Harrison Ford, Rugter Hauer, Sean Young, Daryl Hannah…
Sortie initiale en salles : 1982

3 thoughts on “Blade Runner “Final Cut” – Ridley Scott

  1. Merci pour cette chronique !
    Oui, en effet, Deckard serait un réplicant (et Scott l’a confirmé d’ailleurs confirmé).
    Un film qui m’a certe moins ébloui que la déflagration d’Alien en 79, mais un monument tout de même.
    Un grand film de Cyber-Punk dont en effet, Ghost In The Shell et la suite logique dans le Cyberspace.
    Et le remaster du Blu-ray est somptueux !

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