Le Dragon Griaule – Lucius Shepard

Lucius Shepard fait partie de ces auteurs d’imaginaire bien connus des lecteurs français. Mais Le Bélial, maison d’édition publiant notamment la revue Bifrost, nous invite à découvrir un pan méconnu de son œuvre : le Dragon Griaule. Cet ensemble de textes regroupe tout ce que l’auteur a écrit concernant ce vaste projet : 6 novellas bien différentes mais ayant l’étonnante capacité à mettre en scène un seul personnage omniprésent : Griaule.

La couverture de Nicolas Frutus illustre à merveille un passage du premier texte proposé. Même si je ne suis pas forcément fan de ce type de graphisme je dois reconnaître la capacité de l’illustrateur à coller au récit qu’il embellit. Un mot sur les illustrations intérieures : personnellement je n’ai pas du tout aimé ce que l’illustrateur a proposé, trouvant les images trop étranges, trop dérangeantes à mon goût. Certaines ne m’ont d’ailleurs pas parues esthétiques…

En 1853, dans un lointain pays du Sud, en un monde séparé du nôtre par la plus infime marge de possibilité, la vallée de Carbonales, une région fertile entourant la cité de Teocinte et réputée pour sa production d’argent, d’acajou et d’indigo, était placé sous la domination d’un dragon nommé Griaule. Il y avait d’autres dragons en ce temps-là, vivant pour la plupart sur des îlots rocheux à l’ouest de la Patagonie — de minuscules créatures irascibles, dont la plus grande avait à peine la taille d’une alouette. Mais Griaule était l’une des Bêtes géantes qui avaient régné sur un âge antique. Au fil des siècles, il avait grandi jusqu’à mesurer sept cent cinquante pieds au garrot et plus de six mille pieds de la queue au museau…

J’ai découvert Lucius Shepard assez récemment et je dois dire que je n’ai jamais été déçu par son inventivité et son style extrêmement poétique. Le Dragon Griaule ne fait exception à la règle avec un ensemble de récit mettant en scène le personnage quasi-divin de Griaule. Omniprésent, néfaste, inquiétant, le dragon fait planer un air sulfureux sur l’ensemble  de la communauté vivant sur son dos. Du point de vue de l’imagination, l’auteur nous propose un récit étonnant, aux multiples facettes, que le lecteur prendra plaisir à découvrir dès le début. L’Homme qui peignit le Dragon Griaule est un texte magnifique, empreint d’une mélancolie, d’une tristesse surprenante. On en croirait presque que Lucius Shepard était pris par la nécessité d’expulser cette histoire hors de lui, de l’accoucher, tant les différents éléments coulent de source. Toutefois au-delà de ce premier moment du recueil de texte j’ai eu du mal à rester concentré, à me focaliser. A mon sens cela ne tient pas aux capacités de l’auteur à écrire des histoires puisque l’ensemble est parfaitement cohérent et immersif, simplement je n’ai pas su m’attacher comme il convenait à ce récit.

Le vrai mystère au final, pour moi, a été de savoir si le dragon allait se réveiller, allait trouver et manipuler quelqu’un pour revenir à la vie, balayant en quelques mouvements d’ailes les siècles d’emprisonnement que le mage lui a fait subir. Derrière cette image de Dragon Griaule se dégage toute une problématique de la nature domptée, de l’Humain tentant sans cesse de dominer son environnement, le tout développé dans un univers de fantasy où Lucius Shepard nous propose une vision presque anthropologique des habitants de Griaule. Bref, malgré ma déception de lecteur je dois reconnaître que l’auteur mérite une palme pour avoir su faire vivre une idée finalement assez délirante…

D’un point de vue stylistique tout est en tout cas parfait. Le traducteur a fait un magnifique travail puisque je pense que Lucius Shepard n’est pas l’auteur le plus simple à traduire du fait de sa plume très ciselée. Toutefois il est parvenu à rendre toute la poésie qui se dégage de bout en bout du récit.

Le Dragon Griaule restera donc pour moi une déception malgré les nombreuses critiques élogieuses qu’il a reçu. Sublime par son style, innovant par sa thématique, il n’a toutefois pas su me séduire, me laissant au fil des pages de plus en plus dubitatif devant l’intérêt de développer autant une thématique. Personnellement le plaisir du premier texte m’aurait amplement suffi. Je le conseille toutefois aux amateurs de fantasy très stylisée, aux scénarios et à la plume élaborée, qui se régaleront avec ce récit conséquent.

Le Dragon Griaule
Lucius Shepard
Traduction de Jean-Daniel Brèque
Illustrations de Nicolas Fructus
Le Bélial

25 €

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