La machine à remonter les rêves : Les enfants de Jules Verne – Richard Comballot et Johan Heliot (dir.)

Le 24 mars 1905 s’éteignait dans sa demeure amiénoise le nantais Jules Verne. En 2005, il était normal de lui rendre hommage avec La machine à remonter les rêves. Les lecteurs et les auteurs actuels savent ce qu’ils doivent à Jules Verne et à ses créations. C’est pour cela que les éditions Mnémos ont confié à Johan Heliot et Richard Comballot la mission de diriger cette anthologie en réunissant, autour du thème du grand homme, 19 écrivains qui nous livrent 18 visions de Verne et de ses œuvres. La quatrième de couverture permet d’imaginer le challenge qui s’est offert aux auteurs :

Père du roman de science-fiction tel qu’il s’est ensuite développé en France, Jules Verne est devenu un classique. Aujourd’hui, la France entière et tout le milieu de la science-fiction reconnaissant célèbrent le centenaire de la mort du grand maître. Deux anthologistes, Richard Comballot (Les Ombres de Peter Pan, Mission Alice), et Johan Heliot, auteur du roman steampunk désormais culte, La Lune seule le sait (Jules Verne y enquêtait sur la lune) lui rendent un vibrant hommage : ” Sans ce vieux Jules, bien malin qui pourrait dire où nous en serions tous, à commencer par nos auteurs, puis vous, lecteurs, enfin nous, modestes passeurs, le temps d’un livre. Certainement quelque part où le goût des aventures nous paraîtrait frelaté. Où il manquerait à la jouissance de l’amateur d’anticipations scientifiques la part belle, n’en doutons pas de nostalgie qui amalgame dans le plaisir passé et présent. “

Permettez que je vous les présente, ces enfants de Jules Verne. Cuit dur par Xavier Mauméjean : On découvre ici un Jules Verne qui s’est installé comme détective privé à L.A. Il n’a pas renoncé à la plume, mais son agent, un certain Lovecraft, ne trouve pas son style assez halluciné. Alors Jules se contente de ses enquêtes jusqu’à ce qu’on lui demande de retrouver une statuette de faucon… Une histoire amusante, peuplée de personnages « verniens » et rehaussée par l’érudition littéraire de Mauméjean. La Guerre des mondes a bien eu lieu par Pierre Stolze : Une belle nouvelle épistolaire qui nous parle du testament de Verne et des relations de ce dernier avec H. G. Wells. Une bonne nouvelle qui nous parle de ce que la science-fiction aurait pu devenir… frustrante à souhait. La Mystérieuse Antarctide par Christian Vilà : Ici, nous retrouvons Jules Verne le voyageur. Il nous a parlé de sa vision du futur et des révolutions que les découvertes scientifiques de son temps pouvaient laisser présager. Il nous fait aussi voyager autour du monde, et pas seulement en 80 jours. Vilà utilise le style si propre à Verne pour nous décrire voyage de l’écrivain vers un continent inconnu de notre monde : l’Antarctide. Un bel exercice de style.

Le retour de Wilhelm Storitz par Daniel Walther : Dans cette histoire, tout commence avec un roman particulier intitulé « Le secret de Wilhelm Storitz ». En effet, il est le dernier que Jules Verne remettra à son éditeur, Hetzel. Le point final de ce roman sera aussi celui qui clôturera la vie du grand homme. Ici, Jules trouve son Moriarty en la personne de Storitz qui va aller jusqu’à lui révéler son secret. Ne lui restera plus qu’à trouver le courage d’un Holmes pour aller au bout de sa mission rédemptrice. Amusant. Magicis in Mobile par Pierre Pevel : Que se passe-t-il à Paris des Merveilles ? Cette crue qui recouvre tout et oblige ses habitants à se réfugier sur les hauteurs est préoccupante. Et que dire de ce vaisseau étrange qui est apparu sur les quais de Seine, ce vaisseau qui ressemble tant au Nautilus de Jules Verne ? Un mage, une ex-fée et le cinéaste Méliès vont devoir réparer tout cela. Une nouvelle loufoque et pleine d’humour. Remarquable. On a volé le pôle magnétique ! par Hervé Jubert : Imaginez que vous soyez conservateur d’un musée-bibliothèque d’où tous les ouvrages de Jules Verne auraient disparu. Imaginez que Jules ait préféré la carrière du barreau à celle de l’écriture. Deux héros vont remonter le temps et kidnapper Jules pour l’emmener dans une aventure qui va lui redonner le goût de l’écriture. Une bonne idée, bien exploité.

Le Dieu mécanique par Richard Canal : Un monde qui ressemble au nôtre… à quelques détails près, un savant biologiste qui décide de recréer Jules Verne au travers de ses écrits et qui, tel le bon docteur Frankenstein, espère sa créature, tels sont les ingrédients de cette nouvelle qui finit en apothéose. Une écriture virtuose pour une nouvelle sublime. Blanc partout par Michel Lamart : Malaise. Je n’ai jamais vécu cela. Ou plutôt, j’ai déjà ressenti cela lors de la lecture d’essais, mais jamais avec du roman. Trop d’érudition, trop touffu, ce texte. Je dois l’admettre, je n’y ai rien compris. Est-ce que je deviens fou ? Le doute est semé… Détestable. Décalage temporal par Philippe Curval : Quand un savant découvre que les conséquences de sa dernière invention se retrouvent dans l’œuvre du défunt Jules Verne, que fait-il ? Il crée une machine à remonter le temps afin d’aller demander des explications au grand homme. Une belle évocation de la personne et du personnage.

Non-absinthe par Ugo Bellagamba : Qu’y a-t-il de pire que la mort de son amour ? Un homme veut retrouver celle qu’il aime et que la mort a emportée loin de lui. Un étrange individu lui confie une fiole d’un liquide qui pourrait être ou ne pas être de l’absinthe et dont la consommation au moment idoine pourrait faire réapparaître l’être manquant. Le secret de cet instant rare est dans l’œuvre de Jules Verne, aussi notre héros s’en va parcourir la Bretagne en quête… du rayon vert. Une belle histoire romantique. Le Véritable Secret de Wilhelm Storitz par Michel Pagel : Où on retrouve une fois encore dans ce recueil, le personnage de Wilhelm Storitz. Où un voyageur temporel argumente et raconte les circonstances de cette aventure. Où l’incroyable Michel Pagel se plonge dans ce dernier roman de Verne qui, au fil des découvertes, me paraît de plus en plus tentant. Beau changement de perspective. La journée d’un écrivain français en 2889 par Jean-Pierre Hubert et Serge Ramez : En 2889 les progrès de la génétique sont si importants qu’on peut reconstituer un être vivant à partir de quelques soupçons d’ADN. Et dire qu’on en a trouvé sur un manuscrit de Jules Verne… Qui donc sortira de l’éprouvette ? Jules, son fils Michel, Hetzel son éditeur… à moins que… Une bonne histoire pleine d’un humour sain.

Eve, à tout jamais par Michel Jeury : Si un Jules Verne a décrit, peu ou prou, le monde dans lequel nous vivons… ne dispose-t-il pas d’un pouvoir spécial ? Alors, imaginez un monde parallèle où un Julian Verne est un scientifique spécialisé dans les variations statistiques. Une histoire pleine de sens et de symbolisme. Une Visite au pavillon Jules Verne par Jean-Jacques Girardot : Des écoliers viennent avec leur institutrice rencontrer Jules Verne. Pour le vieil homme, cela dure depuis bien longtemps, mais il ne sait pas que cela se passe dans son futur. Une belle histoire initiatique racontée avec le talent inégalé de Jean-Jacques Girardot. 20.000 lieues dans l’espace par Jean-Pierre Vernay : Une fresque amusante qui transpose le chef d’œuvre de Jules Verne quelque part parmi les étoiles. Un exercice bien mené.

Intervention forcée en milieu crépusculaire par Fabrice Colin : Sous un titre à la Houellebecq se cache la troisième évocation de Wilhelm Storitz. Il faut dire de ce dernier roman a la particularité d’avoir été remanié par Michel Verne, le fils de Jules, à la demande d’Hetzel. Cela lui donne un mystère supplémentaire dont Fabrice Colin se sert dans cette histoire pour en faire une visite psychohistorique de l’œuvre du génie. Attention, cette nouvelle se lit à rythme d’enfer. Epuisant. Le Gouffre aux chimères par Serge Lehman : Qu’est-ce qui motive nos choix et nos vies ? S’il s’agissait de nos lectures, encore faudrait-il savoir lesquelles nous on marquées et pourquoi ont-elles eu ce rôle essentiel pour nous. On suivra avec attention ces hommes de la place Beauvau qui explorent les âmes de nos génies afin d’en extirper le roman fondateur. Une histoire bien intrigante. The Incredible Dream Machine (La Machine à remonter les rêves) par Jacques Barbéri : Où on découvre un Verne érotomane et pornographe que son psychiatre martien va présenter à un savant qui va mettre entre ses mains une étrange machine avec laquelle il va assouvir ses désirs… Assez bizarrement, le Verne historique était également ainsi.

Après l’émotion de la lecture et les images qui remontent à la surface, je crois que nous sommes tous des enfants de Jules Verne. Il ne faut pas s’arrêter à ce qu’il a écrit, mais aussi penser à ce qu’il donne encore à imaginer à nombre d’auteurs ainsi que se réjouir des découvertes qu’y feront les enfants à naître. Nantes a su donner au monde de grands enfants qui ont su sculpter le monde que nous connaissons et Monsieur Verne n’est pas le moindre. Une bonne lecture, la découverte d’auteurs et une initiation de qualité à l’uchronie.

La machine à remonter les rêves : Les enfants de Jules Verne
Anthologie dirigée par Richard Comballot et Johan Heliot
Couverture illustrée par Gil Formosa
Editions Mnémos
Collection Icares
2005

19,00 €

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