Dimension de capes et d’esprits 1 – Eric Boissau (dir.)

Belle idée que cette anthologie confiée à Eric Boissau et qui traite de fantasy historique et plus particulièrement, d’une fantasy où il est question de capes et d’épées. La belle préface de Philippe Ward nous resitue toute la tradition de ces histoires de capes et d’épée. De Dumas et Gautier à Perez-Reverte. Du roman au cinéma. Des classiques aux éblouissants romans fantasy de Pierre Pevel. Tout le monde a un jour où l’autre voulu croire au romantisme d’une vie de mousquetaire du roi. Ce sont de nouvelles visions qui nous sont proposées ici comme nous l’indique la quatrième de couverture :

Vous allez participer à une enquête sur la disparition d’un bourgeois, connaître la vie d’une dryade à la cour du Roi-Soleil, assister à un combat naval pour la possession d’un dragon des mers, partager la vie d’un groupe de chiens de guerre dans une Europe uchronique, chercher qui tue de sombres crapules de l’armée du Roy, participer à une chasse au trésor, retrouver Djeeb l’estoqueur, faire la révolution avec un noble, assurer la succession de la plus fine lame du royaume, entrer en guerre contre le dieu Lug, voir que les guerres de religion ont des conséquences sur la vie d’un monastère, récupérer la belle d’un capitaine des mousquetaires.
Tous les ingrédients sont réunis dans cette anthologie pour vous plonger dans l’aventure, l’action, le mystère et pour retrouver, avec DE CAPES ET D’ESPRITS, votre enthousiasme d’enfant.

Ce sont douze textes sous la plume de treize auteurs qui ont été retenus pour ce premier volume de Dimension de capes et d’esprits. Présenté comme une anthologie de fantasy historique, il faut cependant vous prévenir que notamment les deux premiers textes ne relèvent pas de la fantasy, mais ils sont une excellente entrée en matière pour présenter ce que peuvent être des aventures de capes et d’épée. Cela n’est pas pour me déplaire, car le roman historique est un genre que j’apprécie également.

Ainsi ce n’est pas moins que le grand Jean d’Aillon qui ouvre le bal avec Le Bourgeois Disparu. Il n’est pas nécessaire de présenter le spécialiste du roman policier et historique qui enchante les amoureux des temps passés avec ses énigmes policières. C’est donc avec sa grande connaissance de l’époque et son style appliqué que l’auteur nous propose une énigme basée sur une histoire vraie où un bourgeois disparut de la circulation suite à des malversations orchestrées par des courtisans de Mazarin. Avec Les Voies du Seigneur, Leni Cèdre nous présente un jeune moinillon qui ne comprend pas la violence qui sévit dans son monastère pour de vulgaires mobiles politiques. Lorsque des moines meurent, on peut penser que la main de Dieu remet de l’ordre dans Sa maison, mais le destin est-il seul à l’ouvrage ? Une nouvelle qui nous restitue bien l’esprit monacal.

Lucie Chenu nous présente les mésaventures d’une dryade nommée Ayehannah. Lorsqu’un bûcheron décide d’abattre l’arbre avec lequel elle est en symbiose, la dryade essaye de sauver son partenaire végétal. Hélas, il est trop tard et elle commence à changer de nature. Une belle nouvelle qui nous parle de la nature intime qui persiste malgré les changements apparents, qu’on soit dryade ou humain. Pour Nicolas Cluzeau, c’est un Dragon des Mers qui est au centre de sa nouvelle. Dans ce monde uchronique, de nouvelles nations sillonnent les mers et parfois certaines mènent une chasse bien cruelle aux serpents de mer. Lorsqu’un capitaine spaniol amène à son bord une de ces créatures blessées, il sait qu’il risque de déplaire à un redoutable navigateur et bretteur franc. Une superbe nouvelle menée comme un assaut d’escrime.

Puis ce sont les deux plus courtes nouvelles de cette anthologie qui se succèdent et qui sont comme une agréable pause au milieu d’un volume assez dense. D’abord Lame Basque de François Darnaudet qui se situe lors d’une des nombreuses campagnes d’Italie de l’armée du roi de France. Des soldats, des héros, ou plutôt des superhéros combattent pour les différents camps soit officiellement soit en tant que mercenaires. Parmi eux, un Basque à la force redoutable qui dispose d’un atout inattendu. Un texte qui n’a certainement pas manqué de plaire à l’ami Philippe Ward. Puis c’est La main du Diable de Serguei Dounovetz qui nous présente un Mandrin autre que celui qu’on connaît. Toujours aussi épris de justice, il nous réserve une surprise. Fin de la pause.

Pierre Efratas nous présente La Vierge d’Englesqueville où tout commence quand Henri de Pontfol prête main-forte à deux gardes du Cardinal en fort mauvaise posture. L’homme est en manque de combat et, malgré la discrétion de ses nouveaux compagnons sur leur mission, il décide de veiller à ce qu’ils arrivent à bon port. Il ignore qu’il participe là à l’écriture de l’histoire. Une nouvelle érudite, sans fantasy même si de petits espoirs félins peuvent la laisser miroiter. Pour ma part, j’ai trouvé cette nouvelle très bien écrite, mais l’histoire semble trop tortueuse pour être facilement compréhensible. Laurent Gidon vient ensuite avec son personnage récurrent Djeeb. Ici, il nous propose Djeeb l’Estoqueur. Djeeb est un des meilleurs élèves d’un maître d’armes. Quand la fille de ce dernier est enlevée par de mystérieux spadassins au masque blanc, il décide de la sauver coûte que coûte. Il ne sait pas encore dans quoi il a mis les pieds. Une nouvelle qui met en avant l’enseignement de l’art de l’estoc et nous apprend l’importance de la mesure dans sa pratique. La fantasy est ici sous-jacente sans être exposée. Bien joué.

La Patte Gauche d’Atropos par Jess Kaan nous plonge dans les brumes qui précédèrent la Révolution Française. Le héros est un aristocrate qui sert sa caste, mais surtout un mystérieux Conseil d’Aquilons. L’Evocation est leur ennemi, c’est ce qui fait que divers écrits permettent au peuple d’entrevoir certaines possibilités et donc c’est ce qui risque de changer radicalement le monde. Une belle mise en perspective, rudement bien écrite. La nouvelle suivante aussi est superbement bien rédigée et nous la devons à David S. Khara. Avec La Botte du Diable, il nous parle d’un redoutable duelliste qui ne trouve pas d’adversaire à sa hauteur et qui tue par dédain. Mais en ces temps-là Mazarin avait fait interdire cette pratique. Non seulement notre héros va se voir condamné par un édit royal, mais il risque de rencontrer l’adversaire tant attendu.

Les hommes de l’ombre de Jean-Luc Lafrance sont issus d’une expérience dont James reste le dernier exemplaire. Lorsque leur chef, le mystérieux Monsieur, décide de l’envoyer en mission afin de récupérer une arme aux pouvoirs ancestraux, il ignore qu’il va devoir livrer le plus dur combat qu’il ait eu à mener. Une superbe fresque mêlant fantasy, histoire et complots. Ce sont Oksana & Gil Prou qui clôturent ce volume avec L’œil de la Nuit. Il s’agit là pour un capitaine des mousquetaires et ses hommes de sauver la dulcinée de celui-ci des griffes d’un redoutable bandit. Pour cela, ils devront pénétrer dans un endroit dangereux qui n’a rien à envier, selon les rumeurs, à l’enfer même. Une histoire qui, pour le compte, respecte parfaitement la thématique de la présente anthologie. Menée à un train d’enfer, on regrettera cependant les noms alambiqués de certains protagonistes, mais cela reflète également l’époque.

Le volume se termine avec une présentation succincte de chaque auteur. Il n’était pas certain de réussir à composer une telle anthologie et pourtant les auteurs ont été nombreux à proposer des textes et nous aurons même un troisième volume qui devrait paraître en 2012. Certes les textes ne sont pas tous égaux, mais c’est le propre de toute anthologie. Même si l’aspect capes et épées l’emporte parfois sur le côté fantasy, il en va autrement dans certains textes. Peu mêlent harmonieusement les deux, mais cette anthologie a le mérite d’avoir ouvert la voie. Loin d’être désuètes, les aventures de capes et d’épées enchantent encore les lecteurs et embrasent l’imaginaire des auteurs. Une fois de plus Rivière Blanche a eu le nez creux en donnant sa chance à cette thématique.

Dimension de capes et d’esprits 1
Anthologie dirigée par Eric Boissau
Couverture illustrée par Anthony Geoffroy
Black Coat Press
Collection Rivière Blanche
2010

20,00 €

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