Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps – Laurent Queyssi

 Avec Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps, les éditions ActuSF rassemblent, hormis le récit éponyme inédit, une série de nouvelles précédemment publiées dans d’autres supports comme les revues de genre (Black Mamba, Fiction, Galaxies) ou les anthologies thématiques (Dimension Philip K. Dick aux éditions Rivière Blanche et Les Nombreuses vies de Fantômas aux Moutons Electriques). Au total, huit nouvelles qui permettent d’explorer les multiples registres de l’auteur.

 Sense of Wonder 2.0 décrit un futur très proche dans lequel chaque individu est étroitement affilé à une marque, et où l’existence ne tourne guère qu’autour d’un centre commercial et de l’autel Logo. Un récit qui est bien évidemment l’expression d’une impasse, d’un « no future » dont seul une drogue nouvelle permet par contraste de prendre pleinement conscience. Une science-fiction qui, comme souvent, dépeint le présent avec une acuité particulière, un présent irrémédiablement figé et dont l’auteur nous jette au visage l’irréductible et désespérante vacuité.

Avec Fuck City, Laurent Queyssi nous propose une nouvelle tendue, nerveuse, servie par des caractères crédibles et des dialogues savoureux, un récit qui capte l’esprit de la science-fiction classique et le réinjecte de façon quasiment jubilatoire dans le monde contemporain. Si la fin peut apparaître en légère rupture de ton, le lecteur pourra considérer qu’elle ne constitue qu’une issue parmi une infinité d’autres possibles, la thématique développée étant celle des univers parallèles.

Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps décrit, de manière également savoureuse, le microcosme des scénaristes de films hollywoodiens et des séries télévisées ainsi que leurs coutumes. On ignore s’il s’agit de rituel fictifs ou réels (l’auteur, lui-même scénariste, s’est sans doute inspiré d’éléments dont il a eu connaissance), mais la nouvelle ici aussi est tendue, pleine d’humour, et Laurent Queyssi parvient à surmonter les aspects purement liés à l’époque pour développer une fin élégante, inattendue, sur un mode parfaitement intemporel.

 Avec La scène coupée, un texte de commande, l’auteur met en scène un Fantômas existant réellement et intervenant, de manière bien évidemment machiavélique, aux côtés de Jean Marais dans le tournage des films consacrés à son personnage. Une idée amusante, une fiction non pas dans la fiction, mais autour d’elle-même.

 707 Hacienda Way est un très beau récit destiné aux amateurs de Philip K. Dick. Sans doute obscur pour ceux qui ne connaissent pas cet auteur, il ravira les dickiens par ses références sans nombre, dans un monde parallèle où Dick n’a jamais existé mais où sa soeur mort-née, Jane, a survécu et a écrit des ouvrages très proches des siens. Notons au passage que les dickiens trouveront de multiples références à cet auteur dans d’autres nouvelles du volume.

 Rebecca est revenue s’inscrit également, par sa thématique et sa qualité, dans le cadre de la science-fiction classique. A leur seizième année, les humains peuvent désormais se créer, dans un monde pas tout à fait réel, des sortes d’avatars grâce auxquels ils pourront voyager à travers ce qui tient lieu de monde. Certains refusent le système et décident de se déplacer réellement. Une nouvelle ici encore intemporelle – elle aurait pu être écrite à l’âge d’or de la science-fiction – mais qui, à l’heure de la fuite du réel et de l’engouffrement dans les réseaux dits sociaux, trouve aussi des échos très contemporains.

 On sourira volontiers, et à plus d’une reprise, à la lecture de Planet of sound. Si cette nouvelle est riche de références musicales destinées aux seuls initiés, on y voit planer l’ombre du journalisme gonzo à la Hunter S. Thompson et de la critique rock (branche littéraire ignorée et art à part entière) façon Lester Bangs. Un texte « pop culture » qui mêle théories délirantes et personnages non moins délirants, et qui montre une fois de plus que rock’n’roll et soucoupes volantes font particulièrement bon ménage.

 Pour finir, avec Nuit noire, sol froid, Laurent Queyssi nous entraîne une fois encore sur un thème très classique, celui du vaisseau spatial dans lequel se succèdent de nombreuses générations humaines à la recherche d’une terre habitable. Un thème bien connu mais sur lequel, avec une certaine poésie, il parvient à broder une variante originale.

 L’ouvrage est agrémenté d’une préface quelque peu cryptique de Xavier Mauméjean (une compilation de citations tirées pour la plupart de l’ouvrage lui-même) et chaque nouvelle bénéficie d’une note de présentation par l’auteur. S’il fallait faire un reproche à ce volume, ce serait le nombre de coquilles résiduelles, en particulier les confusions répétées entre futur et conditionnel. Ce détail mis à part, le bilan reste largement positif. Avec « Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps », Laurent Queyssi nous propose ici une science-fiction référentielle et pourtant facile à lire, et compose, d’une écriture nerveuse et tendue, un recueil de récits efficaces, dickiens et rock’n’roll, comme on aimerait en lire plus souvent.

Laurent Queyssi

Comme un automate dément reprogrammé à la mi-temps

Couverture : Greg Vezon

ActuSF

12 euros

 

 

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