Une soirée avec Charlotte Bousquet à la BMI d’Epinal-Golbey

Un festival comme celui des Imaginales se prépare toute l’année. Aussi il n’est pas surprenant qu’en dehors de cette délicieuse semaine de mai d’autres événements ponctuent l’année culturelle et littéraire spinalienne. Un partenariat avec la BMI – Bibliothèque Multimédia Intercommunale – nous permet de retrouver l’ambiance des Imaginales grâce à des rencontres avec des auteurs. Après Pierre Pevel qui a inauguré cette série de rencontres le 18 novembre dernier, ce fut au tour de Charlotte Bousquet de nous enchanter en ce jeudi 26 janvier à 20h dans l’auditorium de la BMI.

C’est devant un public d’une soixantaine de personnes – souvent des gens qu’on a plaisir à retrouver chaque année lors du festival – qui s’est déplacé ce soir. En présence de Bernard Visse, le directeur du festival, c’est Stéphanie Nicot, la directrice artistique des Imaginales, qui a mené l’entretien avec Charlotte Bousquet.

L’auteur avait rencontré dans l’après-midi une classe de collégiens qui participent aux prix Imaginales des collégiens. Charlotte Bousquet est d’ailleurs en lice pour le titre avec La Nuit tatouée, premier volume de sa pentalogie en cours La Peau des rêves dont le second tome sortira le 8 février prochain

Dès l’enfance, elle était une lectrice compulsive et est venue à l’écriture pour partager des histoires. L’écriture plus sérieuse est arrivée en même temps que les études. Son premier roman publié a été Zaïna et le fils du vent et cela par un éditeur marocain, les éditions Yomad. Assez étrangement, ce texte a connu de bonnes ventes depuis plus de dix ans dans la région alors qu’il est écrit en français et… vient seulement d’être traduit en arabe. Bien entendu, comme tout auteur à ses débuts, elle a commis les erreurs classiques comme de proposer ses textes à des éditeurs avec une ligne éditoriale différente du genre desdits textes.

Elle est venue à la fantasy et au fantastique par ouverture sur le monde. Elle n’a pas pratiqué l’enfermement propre au journal intime et ne s’est donc pas orientée vers l’autofiction à la française. Pour elle, c’est une chance d’avoir fait une rencontre humaine avec Charlotte Volper et les éditions Mnémos, et c’est une relation de confiance qui s’est instaurée. C’est ainsi qu’un travail d’écriture a été mené et a donné le jour aux trois volumes de L’Archipel des Numinées. Ecrire c’est un travail, mais c’est surtout un travail à plusieurs. Le rôle d’un directeur littéraire est très important dans le processus de création.

Le conte, les légendes sont à la source basés sur des conceptions humaines et c’est pourquoi cette matière inspire Charlotte Bousquet. Pour Cytheriae, second tome de L’Archipel des Numinées, on ne peut s’empêcher de penser à une Venise baroque servant de décor à l’histoire. Pour cet ouvrage, elle a reçu le prix Elbakin ainsi que le prix Imaginales l’an passé. Ces deux prix comptent beaucoup pour elle et lui ont apporté une grande joie. Stéphanie Nicot lit des extraits de quelques œuvres de Charlotte, en commençant par la nouvelle La stratégie de l’araignée qui ouvre l’anthologie 2011 des Imaginales intitulée Victimes et Bourreaux.

La violence est assez présente dans les univers de Charlotte Bousquet, mais c’est parce que la société où l’on vit est elle-même violente. Il n’est alors pas surprenant que cette violence se retrouve dans des récits. Même s’il y a de la violence dans La Nuit tatouée, alors que ce roman s’adresse à un public jeune, ce sont plus certains enseignants qui ont tiqué que les jeunes lecteurs.

Dans les trois volumes de L’Archipel des Numinées, dans cette fantasy type XVe siècle mythologique, qu’a-t-elle voulu faire passer ? Cette Venise décrépite est dotée de reflets qui peuvent permettre d’entrevoir un autre monde. Dans ces trois romans, il y a aussi des histoires d’amour. Même s’il ne s’agit que de romantisme ou d’amour raté pour le dernier volume. Les sentiments comptent beaucoup dans les textes de Charlotte Bousquet. Ainsi dans La Nuit tatouée, les sentiments sont les seules expressions de l’espoir dans cette société postapocalyptique. Dans L’Archipel des Numinées, les sentiments sont souvent sources de conflits, car souvent en échec.

Pourquoi l’auteur recourt-elle si souvent à des citations, notamment dans La Nuit tatouée ? L’action se passe dans un théâtre et il est normal que les grands textes du passé entrouvrent la porte. Car il s’agit bien là de voir dans ces citations des portes d’entrée pour l’auteur, mais également pour les lecteurs.

Le prochain roman historique de Charlotte Bousquet sera Venenum qui se déroule pendant la Fronde et qui commence avec la mort de Descartes en Hollande. C’est la pupille du grand homme qui va chercher l’origine de cette mort et cela va l’amener en France. C’est un roman extrêmement positif.

La liberté est un thème qui traverse l’ensemble de l’œuvre de Charlotte Bousquet. Pour elle, la liberté représente tout ce qu’il reste au bout d’un moment, même si cela se borne à la seule liberté de penser. C’est une valeur qui lui tient beaucoup à cœur et qu’on ne doit pas accepter de voir se réduire dans une société qui ambitionne justement de la juguler.

On a parlé fantasy et fantastique, mais Charlotte peut écrire dans d’autres genres, hormis la science-fiction où elle s’est essayée, mais dont elle n’est pas satisfaite des résultats obtenus jusqu’à présent. Elle a cependant écrit du postapocalyptique, notamment avec La Nuit tatouée. Elle travaille actuellement à un roman policier. Elle a commencé par écrire des romans plutôt que des nouvelles. Ce n’est pas la même façon de penser l’écriture, même si elle écrit dorénavant également des nouvelles.

Comment naissent les personnages ? Cela dépend. Parfois, cela vient de textes déjà écrits dont les personnages continuent de grandir dans l’esprit de l’auteur. D’autres fois, c’est l’envie de plonger dans d’autres cultures. D’autres personnages sont construits comme dans un jeu de rôle ou sont volontairement très éloignés de l’auteur pour les expérimenter. Dans Venenum, l’héroïne est quelqu’un qui a intégré toute la pensée de Descartes et voit le monde au travers de ce prisme et c’est cette pensée qui construit le personnage.

Les projets en cours et les sorties à venir : Charlotte a un roman graphique en cours, le tome 2 de La Nuit tatouée va sortir le 8 février, les tomes 3 et 4 se dérouleront à Berlin et le dernier à Barcelone avec quelques révélations d’importances qui concluront cette pentalogie. Sont aussi prévu un abécédaire décalé avec Stéphanie Rubini intitulé Précieuses, pas ridicules, un jeu de rôle avec Elvire de Cock et Fabien Fernandez, un roman policier chez Rageot et d’autres projets top secret.

Pour finir cet entretien, Stéphanie Nicot a passé la parole au public pour quelques questions à l’auteur. Ce fut une superbe soirée avec un bel échange entre ces deux femmes qui apportent beaucoup à un festival comme nos Imaginales, l’une en tant que directrice artistique et l’autre en tant qu’auteur à l’écoute de ses lecteurs et qui aime à partager son expérience avec le public.

Prochain rendez-vous : avec Jean-Philippe Jaworski à la BMI le jeudi 29 mars prochain à 20h toujours.

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