Roi du matin, reine du jour – Ian McDonald

Emily Desmond, Jessica Caldwell, Enye MacColl, trois générations de femmes irlandaises, folles pour certains, sorcières pour d’autres. La première fréquente les lutins du bois de Bridestone quand son père, astronome, essaie de communiquer avec des extraterrestres qu’il imagine embarqués sur une comète. La seconde, jeune Dublinoise mythomane, se réfugie dans ses mensonges parce que la vérité est sans doute trop dure à supporter. Quant à Enye MacColl, katana à la main, elle mène un combat secret contre des monstres venus d’on ne sait où.

Ian McDonald est un auteur irlandais prolifique et maintes fois primé. On peut aimer ou ne pas aimer son style, on peut accrocher ou moins accrocher à ses récits, il n’empêche que pour ce que j’en ai lu, il ressort un travail de qualité et même de chercheur tant il approfondit la moindre marotte de ses personnages. Il y a également autre chose qui ressort de ses écrits : son rapport au lieu où se passe l’action. La Maison des Derviches ne pourrait se dérouler ailleurs qu’à Istanbul, Luna ne pourrait se dérouler sur un autre astre que la lune et Roi du matin, reine du jour ne pourrait se dérouler sur d’autres terres que celles d’Irlande.

L’Irlande donc, terre de légendes par excellence, vertes contrées à l’histoire orageuse où mythes et religions s’entrelacent et qui accueillent ce récit en trois parties, pour trois générations de femmes. De la très jeune rêveuse Emily, passionnée de légendes, à la guerrière Enye, qui ne sait pas trop où elle en est dans sa vie, en passant par l’adolescente Jessica, menteuse compulsive en quête d’attention.
Trois femmes intimement liées et brillantes, bridées dans leurs désirs, souhaits et rêves, voire carrément malmenées, poussées à refouler, à enfouir avec honte ce qui les meut ou les a blessées.

L’auteur explore ici l’inconscient, le rapport au père, à la mère, au désir, aux non-dits et aux secrets, aux mythes et à la spiritualité. Vaste programme, mis en oeuvre en usant de techniques de narration différentes pour chacune des trois protagonistes. Si l’on suit dans un premier temps le destin d’Emily au travers de journaux intimes et d’échanges épistolaires qui proviennent tant d’elle que de ses proches, on alterne dans la deuxième partie au fil des chapitres entre Jessica, son psy et deux mystérieux vagabonds, et on suit exclusivement Enye par le prisme d’une narration chronologiquement décousue dans la troisième partie, qui est aussi la plus longue. C’est très clairement à cette dernière partie que va ma préférence.

La structure n’est pas exactement conventionnelle mais il s’agit bien là d’un seul récit. L’histoire en elle-même est prenante et intéressante, sa dimension “fantastique” ou “fantasy”, les deux genres s’entremêlent, est très originale et on a rapidement envie de savoir ce qu’il va arriver à chacune de nos trois protagonistes. J’ai par contre trouvé les personnages secondaires assez anecdotiques, si ce n’est le vieux M Antrobus, propriétaire du logement qu’occupe Enye et qui offre à mon sens les dialogues les plus beaux de l’ouvrage. Ces dialogues, qui tournent autour de la spiritualité, de la vie, de la mort, de la folie, de l’acceptation de soi et de notre rapport au temps offrent au livre une pointe de poésie, de profondeur et constituent clairement la part du récit qui m’a touchée.

J’ai donc apprécié Roi du matin, reine du jour. Il a plus parlé à ma curiosité qu’à ma sensibilité mais il est suffisamment intéressant pour qu’on ait envie d’en savoir la suite rapidement, suffisamment profond pour donner matière à réflexion et à analyse et les trois protagonistes sont touchantes, drôles, agaçantes et terriblement vivantes. Il n’est pas de ces livres que l’on oublie aussitôt refermés.

Mais, car il y a un mais, mais la fin. Je ne vous en révélerai pas plus, bien évidemment, si ce n’est qu’elle m’a déçue. Je la trouve un peu facile et elle n’est pas à mon sens à la hauteur du reste de l’ouvrage, et encore moins de la partie d’Enye. Ian McDonald nous place, dans les trente dernières pages environ, une conclusion un peu poussive et qui jure avec le féminisme présent dans le reste de l’ouvrage. N’oublions pas qu’il a été publié pour la première fois en 1991 maiiiiis…

Ce point négatif ne retire heureusement pas tout le bien que je pense par ailleurs de ce livre, dont je conseille vivement la lecture à tous ceux qui souhaitent plonger au cœur d’une histoire originale qui vous fera voyager entre les mystères d’une ancienne forêt irlandaise et la ville de Dublin.

Ma conclusion :

-Une oeuvre ambitieuse, sur le fond comme sur la forme
-Trois protagonistes fortes et désireuses de s’affranchir des limites qui les contraignent
-Un fantastique qui explore les mythes avec originalité

Je vous laisse avec les premières pages.

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Roi du matin, reine du jour
Ian McDonald
Couverture illustrée par Michel Koch
Éditions Denoël
2009

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