Neon Genesis Evangelion – série animée – Hideaki Anno

evangelion integralePhénomène des années 90, Neon Genesis Evangelion a révolutionné le chara-design et les scénarii de l’animation japonaise du haut de ses 26 épisodes (seulement !). Réaliser une chronique sur le sujet qui ne soit pas une lecture fleuve est difficile mais lançons-nous !

En l’an 2000, un astéroïde a frappé l’Antarctique, entraînant une série de catastrophes naturelles qui a tué la moitié de l’humanité. Surnommé « Second Impact » l’évènement tragique a pourtant été perverti par les hautes instances de tous les pays pour mieux cacher la vérité aux survivants. Cette vérité, le jeune Shinji Ikari va la voir surgir alors qu’il se rend à Tokyo-3, nouvelle ville forteresse dans laquelle Gendo, son père, travaille depuis des années. Soudain, la terre tremble, des alarmes résonnent dans toute la cité et deux géants sortis de nulle part s’affrontent, détruisant tout sur leur passage. Pris en charge précipitamment par Misato Katsuragi, major au sein de la NERV, l’agence gouvernementale en charge de la défense de Tokyo-3, Shinji est conduit dans les locaux souterrains de la mystérieuse organisation et se retrouve nez à nez avec son père. Aucune embrassade, ni émotion, Gendo lui révèle d’un trait que le Second Impact fut la conséquence non d’une catastrophe naturelle mais d’une attaque ennemie dirigée par un être non-humain qui fut surnommé Ange. Depuis cette attaque, le père de Shinji a travaillé à la mise au point d’une arme de réponse sous la forme de mechas, des géants humanoïdes mélanges de haute technologie et de chairs inertes tant qu’ils ne sont pas commandés par des pilotes compatibles. Encore sous le choc de ce qu’il vient de voir et d’entendre, Shinji entend son père lui ordonner de monter dans l’EVA 01, un de ces mechas, et de combattre l’Ange qui vient de refaire surface. Interloqué, le garçon refuse. De quel droit ce père qui le nie depuis des années lui ordonne t-il d’aller risquer sa vie dans une machine infernale qu’il n’est de toute manière pas certain de pouvoir faire agir ? Pour toute réponse, Gendo lui tourne le dos et ordonne que le pilote qui vient d’être sérieusement blessé dans le combat en cours, reparte à l’attaque. Shinji est pétrifié. Pire, il voit que celui qui va prendre sa place est une jeune fille de son âge, tenant à peine debout mais résolue. Est-ce par sympathie pour elle ou pour défier son père que le garçon accepte finalement de tenter un essai ? Lui-même l’ignore mais dès qu’il entre dans l’habitacle de l’EVA 01, il ressent que sa vie ne sera plus jamais comme avant. Entre ses jeunes mains repose désormais la survie de l’humanité. Car les combats vont de succéder, chaque Ange abattu laissant la place à un nouveau, toujours plus puissant, toujours aussi énigmatique. Mais qui sont-ils ? Que sont-ils ? Que veulent-ils ? Autant de questions qui vont peu à peu s’appliquer aux EVA tant les réactions des pilotes et des mechas vont devenir symbiotiques, à la limite de la réalité… et du contrôle…

Dix huit ans après sa création, cette série déchaîne encore les passions, les réflexions et une grande fascination. Il n’est pas seulement question d’une révolution esthétique ou technique de l’animation mais aussi d’une approche très différente, moins puérile et même grave du scénario.

En dehors de quelques exceptions, les schémas types encore de mise dans les dessins animés japonais avant Evangelion étaient dominés par la légèreté, les valeurs morales et familiales, des aventures et des combats opposant des protagonistes définis, les Bons et les Méchants chacun de son côté. C’était alors le processus typique du manga shonen appliqué aux versions animées. Avec Evangelion, un monde nouveau s’est proposé aux spectateurs mais incidemment aux futures réalisations.

L’histoire commence avec des codes établis concernant les mechas mais très vite on trouve une noirceur inédite : l’évident conflit opposant le jeune héros à son père, le mystère qui entoure les ennemis comme les alliés de celui-ci, les secrets que renferment les EVA et les Anges, le lien qui se dessine lentement entre eux, les crises émotionnelles des pilotes, les accidents inexplicables, la férocité des combats, tous ces éléments se nouent pour offrir une vérité inquiétante tant aux personnages qu’aux spectateurs. Pour la première fois depuis longtemps (l’après-guerre et les années 70), le scénario d’une série d’animation s’enfonce dans les spéculations et les révélations dignes d’un roman d’horreur à la Stephen King. Les Anges et leur but reste mystérieux mais peut-être sont-ils simplement une forme de punition divine envoyée aux hommes… Les EVA se révèlent des créatures plus que des robots. Elles agissent, réagissent en dehors de la volonté de leur pilotes, font preuve d’une sauvagerie ravageuse quand elles parviennent à leurs fins, cherchent à les dominer psychiquement quitte à les tuer, laissent transparaître un désir de nouer des liens propres aux humains, au lien filial. Le fait que ces pilotes soient tous des adolescents perturbés n’aide pas (tous sont orphelins d’au moins un parent). Il devient évident que les sentiments des jeunes gens aiguisent les réactions voulues ou non, conscientes ou non, des EVA. Ainsi chaque combat demeure incertain non seulement en raison des capacités changeantes des Anges mais aussi et surtout parce que les mechas et leurs compatibles deviennent de plus en plus hors contrôle, d’une manière ou d’une autre. L’évolution de l’histoire n’épargne rien aux protagonistes : blessures physiques et psychiques, terreur, décès, accidents… Toute la panoplie est au rendez-vous !

Eva3.0_01cine_verano_anime_terraza_2012_evangelion_2_th596295-rei_ayanamiAu fil des épisodes, on découvre des indices concernant les différents protagonistes, on apprend leur passé, on touche du doigt leurs motivations. L’évolution de certains personnages est subtile et crédible : Shinji reste un garçon timide, emprunté et peureux mais quand il doit combattre, il le fait avec conviction ; Rei laisse doucement craquer son indifférence pour se rapprocher des autres quitte à se mettre en danger pour quelqu’un d’autre que Gendô qu’elle respecte plus que tout ; Asuka, troisième pilote, se cache derrière un orgueil de façade mais se brise peu à peu face à la violence des combats qui la renvoie à ses pires cauchemars, Misato affiche un caractère fort mais ses doutes l’emportent parfois essentiellement portés par l’affection qu’elle développe pour ces enfants… Le cheminement de chacun est traité avec des flash-back, des voix off, des réflexions qui se hasardent tant en pleine action que lors des rares journées de calme et de paix. A cela s’ajoutent les questions métaphysiques de la création d’une forme de vie sans matrice humaine (les EVA), des conséquences, de ce que représentent les attaques de ces Anges… En dépit de nombreuses références au dogme chrétien (Anges et les noms que chacun se voit attribuer par les humains qui sont bien des noms d’anges tels que Sachiel ; l’utilisation des appellations Adam, Lilith pour des créatures de laboratoire ; des clins d’œil à nombres de symboles chrétiens comme la croix), le créateur de la série, Hideaki Anno, a toujours affirmé que ce n’était là que jeux de mots et artistiques mais rien d’autre. Seule certitude : le scénario ne cache jamais sa particularité volontaire non seulement d’être différent mais surtout d’explorer la psyché humaine.

Côté esthétisme, la métamorphose fut tout aussi spectaculaire. Les EVA ne ressemblent alors en rien aux robots et autres mechas déjà apparus dans l’univers animé nippon. Géants certes, mais fins, squelettiques avec une impression de muscles à vif sous des couleurs criardes, des têtes comme sorties de cauchemars, des hurlements de bêtes…

94517EVA_02_Rebuild_Of_Evangelion_by_Deadklown25365_neon_genesis_evangelion403225_evangelion_aska-lyengli-soryu_mexa_robot_1680x1050_(www.GdeFon.ru)neon-genesis-evangelion-evangelion-01-evazhou-bigevas_00_roe_02Ils sont parfois plus inquiétants que leurs proies, les Anges, dont l’apparence est en contraste plus simplifiée. Le contraste est plus évident encore si l’on note que les EVA s’assimilent à l’apparence humaine tandis que les Anges rappellent différentes sortes d’animaux, des formes abstraites ou des créatures mythiques.

evangelion-shamshel-4-big732dtp_sachiel_1024Le traitement des personnages est aussi différent pour l’époque car il simplifiait les codes et les améliorait. Terminé le choix entre les grands yeux brillants ou les yeux lisses et sans expression, le chara-design est une sorte de mélange réussi des deux, les corps et différences physiques entre personnages sont simples mais caractéristiques. Le héros est un garçon malingre, passif, banal donc travaillé avec réalisme tandis que le personnage féminin phare de Rei définit un futur modèle pour les productions à venir, celui de l’héroïne d’apparence froide, muette, mystérieuse et détachée.

shinji-otherNeon.Genesis.Evangelion.full.1264443Dans l’ensemble, les décors ne sont pas trop impressionnants, l’accent est mis sur un réalisme pratique et novateur, le traitement de la lumière mettant en valeur scènes et personnages, et une attention à la couleur de superbe qualité.

0451805Déjà plébiscité pour ces qualités, cette série devint un phénomène suite à la manière dont Hideaki Anno présenta les derniers épisodes. Après une suite de révélations trop concentrées et sans vraies explications, une succession de scènes violentes malmenant tous les personnages auxquels on peut s’attacher, le spectateur est entraîné dans un flash-back assaisonné de réflexions sur le sens de la vie, la nécessité de passer à l’âge adulte… Et sans aucune réelle fin. Le pire pour les fans étant qu’aucune vraie réponse n’était apportée à toutes les pistes et tous les secrets véhiculés jusque là dans le récit ! Les réactions furent si violentes de la part du public japonais qu’Hideaki Anno dû se justifier : il manquait d’argent pour faire la fin qu’il souhaitait et celle-ci déplaisait de toute façon à la production (trop violente pour une série regardée par un large spectre de générations). Il a donc choisi de remanier au mieux son épilogue et de le présenter sous cette forme, arguant que le message final était qu’il ne faut pas fuir la réalité si dure soit-elle au sortir de l’enfance.

evangelion-1Est-ce le véritable message caché d’Evangelion, le « nouveau commencement » ? Une parabole superbe du passage de l’enfance à l’âge adulte, le monde sans pitié de la vie dépouillée des maigres protections offertes par la prime jeunesse ? Vous comprendrez que les réponses peuvent être multiples ! Et pourquoi Evangelion demeure une série à tiroirs infinis qui occupe encore bien des réflexions aujourd’hui.

Depuis 2006, Hideaki Anno travaille sur une tétralogie, Rebuild of Evangelion, soit une suite de films qui reprend l’ensemble de son histoire telle qu’il la voulait. On peut donc espérer obtenir certaines clés du monde étrange de Neon Genesis Evangelion.

Neon Genesis Evangelion
Créateur, scénariste, réalisateur : Hideaki Anno
Studio de Production : Gainax
26 épisodes
1995-1996
Disponible en France chez Dybex

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