Le démon de l’île solitaire – Edogawa Rampo

demon-ile-solitaireOn a déjà dit tout le bien qu’il faut penser de Wombat, qui a rejoint Asphalte, Kyklos, les Moutons Electriques et bien d’autres dans le clan des petits éditeurs inventifs qui tentent de faire bouger les lignes (et qu’on trouve au fond, à droite, derrière les têtes de gondole…). Sa collection Iwazaru, défricheuse de littérature japonaise, nous donna déjà les excellents « Hell » et « La fille du chaos », témoignages d’un fantastique purement exotique à même d’emballer les amateurs… Là, on s’attaque à un monstre sacré avec cet inédit d’Edogawa Rampo, maître japonais faisant partie de ces auteurs dont on entend parler dans toutes les histoires du genre, mais que bien peu ont lu… Malgré une décevante adaptation par un Barbet Schroeder qu’on a connu plus inspiré (« Injun, la bête dans l’ombre ») et quelques bandes dessinées, à part l’indispensable Philippe Picquier, les éditeurs ne se sont pas vraiment bousculés pour publier cet auteur à part : peut-être justement à cause de son idiosyncratisme défiant les modes ? Car dans l’œuvre de l’auteur qui prit pour pseudo la traduction phonétique d’Edgar Allan Poe, on trouve à la fois le romantisme moderne de l’auteur du « la lettre volée », mais aussi le grotesque touché par l’ange du bizarre  des « Aventures d’Arthur Gordon Pym », le roman de détection alors en vogue, le gothique, le fantastique… Un mélange résolument à part teinté de citations de ses maîtres occidentaux (provocation dans un Japon encore furieusement nationaliste) teinté cependant de particularismes nippons qui, des décennies avant, préfigurent l’avènement de la « culture geek ». Difficile de croire que ce roman remonte à 1930 tant il est moderne, sans doute grâce à une traduction qu’on imagine inspirée. L’ensemble commence comme un roman à énigme avec deux meurtres en chambre close, mais là où le genre tel qu’il triomphait en occident restait très froid, Rampo y ajoute une dose de romantisme : la première victime est le grand amour de Minoura, le narrateur, et c’est par amour sans espoir pour Minoura que son ami Michio Moroto se joint à lui (les exégètes de la littérature LGBT ont amplement commenté ce personnage d’homosexuel, inspiré par un ami proche de l’auteur, résolument positif et même attendrissant.) Sans déflorer, l’intrigue prend vite un chemin vers le grotesque, avec sa fabrique de monstres mené par un criminel démoniaque rappelant que Rampo fut d’abord feuilletoniste, et qui pourrait bien être un de ces démons à visage humain chers à la tradition nippone. Inutile de dire qu’ici, le plaisir de lecture n’est nullement limité à l’archéologie… Un livre à part donc, ou le roman populaire se mêle à la qualité littéraire, d’une modernité impressionnante de par son mélange de genres tout en se jouant des codes de chacun. Qui plus est, comme tout les Wombat, ce livre est un bel objet d’une grande qualité de fabrication qu’on a plaisir à mettre dans sa bibliothèque ou à offrir. Que demander de plus ?

Le démon de l’île solitaire (Koto no Oni, 1930),
Edogawa Rampo
trad. Miyako Slocombe
Editions Wombat

23 €

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