Latium Tome 1, Romain Lucazeau

Latium est un roman coupé en deux tomes (choix éditorial souvent discutable mais qui prend tout son sens tant ce livre est dense et épais) écrit par Romain Lucazeau et publié dans la collection Lunes d’encres des éditions Denoël. Il s’agit d’un roman très dense, comportant de très nombreuses références philosophiques et non dénué d’une certaine prétention. Dans cette chronique je vous parlerai uniquement de la première partie, j’aborderai la seconde dans un prochain billet.

Dans un futur très lointain les humains ont disparu, suite à l’Hécatombe laissant en héritage les nombreux automates qu’ils avaient créés plus ou moins volontairement. Ces automates ont fini par se métamorphoser en nefs stellaires géantes, mais privées de leurs créateurs, sont plongées dans une léthargie où seules leurs névroses et leurs doutes sont en action.

Plautine est une de ces nefs, une des seules à croire au retour de l’humain, se laissant dériver dans le latium, jusqu’aux jours où elle perçoit un mystérieux signal qui la force à quitter sa léthargie pour comprendre et connaitre la source de ce signal. Ce qu’elle ignore, c’est à quel point son destin est lié à celui du proconsul Othon (une autre nef).

La couverture de Machu nous montre une nef géante accompagnée de petits vaisseaux marqués de la devise romaine SPQR, tendant dès le départ à nous indiquer un point de disgrétion avec notre histoire, un monde dans lequel l’empire romain n’aurait jamais cesser d’exister et serait l’ordre dominant. La couverture joue bien son rôle avec des couleurs et une ambiance spatiale intéressantes mais ne prend son sens que lorsqu’elle est accolée au tome 2 (voir en fin de chronique).

Le scénario est particulièrement intéressant, laissant la place belle aux personnages et à leurs interactions. L’intrigue est lente, nous abreuvant de très nombreuses descriptions et détails même les plus infimes. Le monde créé par l’auteur est riche de principes philosophiques nous renvoyant tantôt à Leibniz tantôt au théâtre antique. Nous trouvons à de très nombreuses reprises des mots et concepts écrits en grec donnant une ambiance particulière au roman, mais qui en une telle abondance peut rebuter le lecteur. Ces différents concepts prennent tout leur sens au fur et à mesure du roman, mais certains sont superflus et aussitôt oubliés après leur lecture. Le premier tome reste assez contemplatif, même lors de scènes d’action prenant bien le temps de tout prendre en compte. Certaines parties du scénario m’ont par moment dérangé, surtout sur les digressions écologiques et biologiques. En effet, par moment l’auteur rentre dans les détails profonds de ses concepts et nous les ressort complétement faux d’un point de vue scientifique (il est vrai que nous sommes dans un roman de science-fiction, il n’est cependant pas nécessaire de rentrer dans les détails scientifiques, non maitrisés par le grand public surtout quand il s’agit d’en ressortir un concept erroné). Cependant le scénario global est intéressant, préférant les longues réflexions à une action exacerbée qui viendra par la suite.

L’écriture de Romain Lucazeau, est tout comme son histoire particulièrement dense. Il n’est pas rare de voir une phrase courir sur plusieurs lignes, le tout avec un vocabulaire élaboré et une richesse structurelle évidente. Il est cependant à noter que cette écriture est certes très intéressante mais rend le roman difficile à lire en dehors d’un cadre de lecture optimal (peu de bruit et une concentration sur la lecture à 100 %). De plus ce n’est pas rare de devoir faire une pause dans la lecture afin d’intégrer les concepts que l’auteur offre à son lectorat tant ils peuvent être condensés sur une toute petite partie du roman. Il ne s’agit donc pas d’une lecture facile, rendant ce roman particulièrement élitiste et l’inscrivant davantage dans le cadre d’une lecture de réflexion que dans une lecture de détente (à éviter en période de stress donc).

Au sein même des personnages il y a une réflexion plus vaste. Plautine qui est une nef spatiale et donc une sorte d’intelligence artificielle, a découpé son moi en plusieurs parts qui sont spécialisées sur certaines actions de fonctionnement de la nef, entrainant une sorte de schizophrénie. Eurybiadès, un homme chien qui perd petit à petit tous ses repaires et finit par s’en remettre à lui-même. Notion très importante du roman, le carcan, sorte de regroupement des lois de la robotique proposées par Isaac Asimov, auquel Plautine se doit d’obéir. Il est très intéressant d’observer comment les différentes personnalités de Plautine peuvent rentrer en conflit pour une même action, afin d’obéir au carcan et ce en fonction de leurs rôles dans la survie de la nef.  Les Nefs permettent à l’auteur d’explorer d’une part les multiples personnalités d’un être, mais également la recherche d’un but de survie quand le conditionnement initial nous en empêche. L’utilisation des Homme-chiens nous conduit sur un raisonnement similaire mais tout de même différent, avec une quête de l’identité omniprésente, et une recherche de liberté de penser lorsque toutes les connaissances initiales reposent sur un message.

Pour conclure la première partie de Latium est un roman extrêmement riche en concepts et en réflexions pour le lecteur. A de très nombreuses reprises, le lecteur doit fournir un effort de lecture afin d’appréhender les différents enjeux de manière globale et cohérente. Les personnages que nous fournis Romain Lucazeau sont eux même riches en réflexion et en apprentissage sur nous-même. Le roman souffre en partie de sa richesse, donnant à plusieurs reprises l’impression que l’auteur ne cherche plus à nous emmener sur un chemin de réflexion à ses côtés, mais qu’il veut nous imposer sa pensée (un peu comme le personnage d’Othon finalement qui ne cherche pas à faire comprendre mais plus à imposer). Ce roman est donc très intéressant, et présage d’une seconde partie beaucoup plus rythmée et toujours riche en philosophie. Il ne s’agit définitivement pas d’une lecture d’évasion mais bien de réflexion. Ce n’est pas un coup de cœur pour moi mais il s’agit tout de même d’un livre qui vaut le détour et qui mérite que l’on s’accroche afin de découvrir sa richesse.

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