Artiste du Mois : Arthur Rackham

Arthur-RackhamArthur Rackham est né en 1867 à Londres, dans un quartier de petite bourgeoisie. Il n’était ni le plus jeune ni le plus vieux d’une fratrie de 12 enfants dont la moitié est morte au cours de leur petite enfance. Son père était un clerc de notaire qui gagnait correctement sa vie à force de travail et aimait, dans ses moments perdus, crayonner ses collègues ou lui-même dans la quotidien de ses tâches parfois fastidieuses. L’intérêt pour le dessin du jeune Arthur vient peut-être de là ou de son enfance passée à contempler la nature, imaginer, s’occuper seul. Mais dès son passage à la City of London School, il remporta des prix avec ses premières œuvres.

A l’âge de 18 ans, il suivit les pas de son grand-père et de son père en commençant à travailler comme clerc. Amusant de penser que ce genre d’emploi le plaçait dès lors dans le monde de Dickens dont il illustra par la suite tant d’histoires : l’auteur aimait introduire des clercs de notaire comme personnages plus ou moins centraux dans ses récits. Ne se satisfaisant pas de cet emploi, Arthur Rackham suivait en parallèle des cours à la Lambeth School of Art. Ses premières commandes furent des illustrations pour des magazines jeunesse tels que Scraps et Chums. En 1891 et 1892, il collabora étroitement au Pall Mall Budget en tant que collaborateur hebdomadaire.

wakenDans ses premières œuvres, on trouve de l’humour parfois grinçant ou enfantin mais aussi du romantisme, caractéristiques qui aidèrent beaucoup sa popularité naissante. En 1892 il décida de quitter sa place de clerc pour l’inconfortable statut d’illustrateur indépendant. Heureusement, il trouva rapidement un engagement pour le magazine hebdomadaire Westminster Budget. Ainsi non seulement il avait des commandes régulières avec un salaire assuré mais il tenait une nouvelle opportunité de se faire remarquer dans le milieu de l’édition. Bien que le fantastique et la fantasy ne soient pas encore ses thèmes de prédilection, on peut voir qu’il travaillait sûrement sur ces genres à travers d’autres commandes, qu’il se cherchait un style propre, à tel point que, sur les travaux de cette époque, on peine parfois à reconnaître une même main d’une image à l’autre.

Tout en travaillant donc sur des commandes pour gagner sa vie, Rackham s’est acharné à dessiner et mettre en couleur différentes autres œuvres, personnelles ou destinées à satisfaire d’autres éditeurs. Son premier livre est publié en 1893, c’est une sorte de compilation de ses travaux réalisés à la demande de divers magazines. Il faut attendre trois ans encore pour que Rackham travaille sur l’illustration d’un ouvrage intitulé The Zankiwank and The Bletherwitch et se distingue par ce qui dominera son approche technique et thématique tout le reste de sa carrière, le fantastique. Une décennie très riche s’amorce dès lors pour lui. Les commandes pour illustrer des magazines et autres publications destinées aux enfants pleuvent et l’artiste accumule expérience, doigté et imagination nécessaires à la publication d’un second recueil d’images titré In The Evening of His Days. Viennent également la mise en image d’A Study of Mr Gladstone in Retirement et Bracebridge Hall de l’auteur Washington Irving. La nature fantastique de son inspiration et la qualité imaginative de ses travaux permettent alors à l’artiste de réaliser une très grande quantité de travaux pour l’édition : The Money-Spinner and other Characters Notes, Captain Castle, A Tale of the China Seas, Charles O’Malley, The Irish Dragon… Le premier recueil marquant cette tendance grandissante est The Ingoldsbury Legends paru en 1898 et contenant 12 illustrations couleur et 80 dessins à l’encre. Poursuivant cette aventure créatrice, Rackham a mis en image Les Contes des Frères Grimm en 1900 (couverture couleur et 95 images au crayon et à l’encre) et Les Légendes d’Ingoldsby en 1907. Rackham a non seulement trouvé son thème de prédilection mais aussi son style et tous les dérivés l’attirent : Two Years Before the Mast, Mysteries of Police and Crime, The Argonauts of the Amazon, Brains and Bravery… Entre 1900 et 1904, Rackham aime donner une vie d’encre et de couleur aux histoires de fantômes, de criminels, de mythologie, de secrets et d’aventures. Son nom suffit à vendre des centaines d’exemplaires de chaque ouvrage qui met en image, son travail est unique dans le paysage, alliant séduction, nuances du Bien et du Mal, sensationnel, humanité, magie et terreur.

the little mermaidarthur14the ring of the niblungLe succès se poursuivit avec la mise en image des aventures de Peter Pan in Kensington Gardens (1906), Alice’s Adventures in Wonderland (1907), des contes des frères Grimm, de pièces de Shakespeare (Midsummer’s Night Dream en 1909), de contes européens tels que Ondine (1910), The Rhinegold and the Valkyrie (1911) et Siegfried and The Twilight of the Gods (récits reprenant la légende de l’Anneau des Nibelungen). Dans les décennies qui suivirent, il poursuivit son travail, illustrant les grands classiques de la jeunesse mais aussi d’autres histoires pour un public plus large : Christmas Carol, The Romance of King Arthur, English Fairy Tales, Cinderella, The Sleeping Beauty, Hansel and Gretel, Irish Fairy Tales, The Tempest, The Night Before Christmas, The King of the Golden River, The Pied Piper, Peer Grint… et sortit un recueil sobrement nommé The Arthur Rackham Fairy Book. Il mourut en 1939.

alicealice in wonderlandmidsummer nightSous un trait constamment sinueux, fin, adouci par l’eau des couleurs aquarellées, les éléments qui reviennent graduellement et rendent ses images reconnaissables comme des œuvres d’Arthur Rackham sont bien entendu les forêts, les arbres, toujours denses, aux branches tordues, un rien humanisées, animées visiblement d’une existence propre tout comme les racines. Ce seul élément pictural rappelle combien la forêt était et reste encore sujet de fascination, de craintes, de légendes, de contes, de mystères. Il faut également ajouter la présence récurrente de fées et lutins, toujours filiformes, aux attitudes puériles ou douces, oniriques bien qu’affichant des physiques parfois sensuels, juste dans la bonne mesure pour l’époque (telle qu’elle était sous-entendue dans le folklore anglo-saxon) ; des ogres et des trolls difformes, repoussants mais jamais assez pour être effrayants ; des animaux cachés ou mythiques, attentifs aux humains du récit, aux autres créatures qu’ils observent toujours avec une curiosité calme.

arthur rackham_midsummer night_04_medthe ring of the niblungscrooge-arthur-rackhamIl est évident que le style de Rackham est empreint d’une douceur, d’une naïveté toute infantile et de joie qui expliquent alors l’engouement de générations d’enfants et de leurs parents pour son travail. Il offrait un pendant efficace et magique aux conséquences les plus sombres mais quotidiennes du règne victorien marqué par l’accroissement de la pauvreté tout particulièrement palpable au cœur de la capitale londonienne. La dureté de l’époque victorienne, secouée par les conflits sociaux, l’abominable présence de Jack L’Eventreur, la famine et les maladies, fit naître une passion pour le spiritisme, la magie, les noirs récits de Dracula et de Frankenstein, et puis il y avait la rassurante vision qu’offrait Arthur Rackham. Que ce soit le changement de souverain, la première guerre mondiale ou l’avancée industrielle de son époque, Rackham a toujours su mettre dans son travail la même innocence, la même joie simple et puérile rappelant que l’enfant émerveillé que nous avons tous été et sommes encore, quelque part au fond de nous, ne demande qu’à lire et voir de nouveau ces images nous entraînant dans le monde du rêve et du merveilleux.

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Merci à JVJ Publishing Illustrators et à son site extrêmement bien fait et complet, toute la documentation dont j’avais besoin s’y trouve. Pour les passionnés, je ne peux que vous recommander l’excellent ouvrage de James Hamilton, Arthur Rackham, l’enchanteur bien-aimé, publié chez Corentin éditions.

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