Fortress – Stuart Gordon

Nous sommes dans le futur. Pour lutter contre la surpopulation, le gouvernement n’autorise qu’ un seul enfant par couple. Et c’est ce qui fait de John Brennick et sa femme des hors-la-loi. Car, après la mort de leur premier enfant, Madame Brennick s’apprête à mettre au monde un second enfant. Les voilà donc condamnés et envoyés dans une prison de haute sécurité high-tech. Une prison appartenant à une compagnie privée, d’où personne ne s’est jamais échappé. Secondé par Zed, un puissant ordinateur central qui surveille et contrôle les détenus en permanence, le directeur Poe veille au grain. Néanmoins John Brennick compte bien s’évader…

Nous sommes en 1992 et, à cette époque, pour son huitième long-métrage, Stuart Gordon n’avait déjà plus grand-chose à prouver. C’est qu’il avait déjà pondu trois films totalement cultes avant cela : Re-Animator (1985) , From Beyond (1986) et Dolls (1987). Pas mal, hein ? Cependant, on peut dire que, par la suite, ses trois œuvres suivantes (Robot Jox, Daughter of Darkness et The Pit and the Pendulum) dénotaient un certain ralentissement de carrière pour le Stuart. Il était même retourné travailler pour la télévision avec Daughter of Darkness.

Donc, Fortress, apparaît aujourd’hui comme un sursaut, un début de retour en forme, dans la filmographie du réalisateur. Sursaut vraiment, parce que, après Fortress, il retraversera une période un peu terne jusqu’en 2001 où il se fera à nouveau vraiment remarquer avec Dagon.

Mais revenons à Fortress. Considéré par certains comme un nanar, alors que d’autres le considèrent comme une excellente série B, c’est un euphémisme de dire que le film divise. Et quoi de mieux que ce bon vieux Christophe Lambert  pour illustrer ce côté clivant ? Même chez ceux qui apprécient le film, tout le monde y a pensé : Fortress n’aurait-il pas mérité une tête d’affiche plus impressionnante ? Un Dolph Lundgren, un Schwarzy, un Stallone?

Et pourtant, il ne démérite pas notre Christophe. Son jeu et son charisme sont ce qu’ils sont. On peut, par moments, trouver qu’il n’a pas les épaules pour ce genre de rôle. Mais dans Fortress il apparaît tout de même à un bon niveau. Et puis, niveau casting, les seconds couteaux l’encadrent bien. Parmi eux, il y a l’excellent Kurtwood Smith (vous savez l’acteur qui joue le méchant et sanguinaire Clarence dans Robocop 2, ainsi que le père pète-sec et tyrannique dans Le Cercle des Poètes Disparus, par exemple) acteur chevronné dans les rôles de salopards. Quelle gueule d’acteur taillée pour jouer les méchants ! Le rôle du directeur Poe lui va comme un gant. Sans compter que, au niveau de l’écriture du personnage, Stuart Gordon et sa bande auront réussi à le rendre certes monstrueux, mais tout en permettant au spectateur de pouvoir, peut-être, éprouver un peu de compassion envers cet excellent bad-guy. Subtilité assez inattendue pour ce genre de production.

Bien évidemment, parmi les autres personnages, certains sont très stéréotypés. Le rôle de Karen Brennick, l’épouse de John, apparaît comme un peu terne, même si l’actrice Loryn Locklin n’a pas grand-chose à se reprocher. Puis, il y a le vieux prisonnier afro-américain, sage et résigné, un peu en mode Morgan Freeman. Il y a le jeune latino, pas méchant et tombé là par un coup du destin, qui sera un bon sidekick pour Brennick. N’oublions pas le prisonnier vulnérable, mais hyper débrouillard et virtuose de la bricole (ce rôle étant attribué au grand habitué des films de Stuart Gordon : Jeffrey Combs). Ah et n’oublions pas un des grands classiques des films de prison : la grosse brute qui terrorise les autres prisonniers et devant qui il faut baisser pantalon. Là c’est l’acteur Vernon Wells qui s’y colle et fait le job. On se souvient de lui notamment en grand ennemi de Schwarzy dans Commando (1985).

Mais Fortress est bien plus qu’un simple film de prison à la sauce SF. On tient là une série B qui déborde de cette générosité si caractéristique du style Stuart Gordon. Cette prison du futur aura été un excellent terrain de jeu qui lui aura inspiré tout un tas d’idées géniales dont il gave son film jusqu’à ras bord. C’est cette créativité, cette imagination de fou, qui fait de Fortress encore aujourd’hui un bon petit film, si agréable à regarder. Ok, Christophe Lambert en tête d’affiche c’est un peu juste. Ok, le scénario est basique (survivre à la prison puis s’en échapper) mais à l’intérieur de ce cadre, quelle créativité ! Sans oublier que Fortress nous gratifie de son lot d’action pêchue et d’émotion. Et, comme il était de bon ton à l’époque (n’est-ce pas mon Paulo Verhoeven et mon Jamesounet Cameron?) le film joue habilement sur la peur que provoque en nous les avancées technologiques et en profite, en passant, pour envoyer un petit coup de coude à ces épouvantails modernes que sont les multinationales. Parce qu’elles le valent bien. C’est de bonne guerre et ça fait du bien !

Stuart Gordon nous a quittés il y a peu. Même s’il n’a pas fait que des bons films (ça arrive à tout le monde de se planter, même aux plus grands) il laisse derrière lui tout de même une flopée de bons films. Autant dire que c’est l’occasion de revisiter toute sa filmo, les enfants.

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