Entretien avec Lionel Cruzille, auteur de la trilogie Le Concile de Merlin

Bonjour Lionel. Vous avez un parcours d’auteur assez atypique si l’on peut dire, avec un certain nombre de vies parallèles ! Comment passe-t-on du Qi gong au service des urgences pour arriver sur la littérature de l’imaginaire ? 😊

Bonjour Arwen. Tout d’abord merci pour cette interview ! Il est vrai que cela peut paraître étonnant, mais le fil d’Ariane se trouve dans l’expérience même de ces étapes traversées. Le monde ultra stressant des urgences (mon premier poste était aux urgences de Lariboisière, à côté de Gare du Nord et Barbès) m’a poussé à m’interroger, à chercher aussi un sens à la souffrance, la pauvreté, la violence et la mort. Très jeune déjà je m’interrogeais sur ces questions fondamentales, telles que le sens de l’existence ou la souffrance, ces années m’ont propulsé au cœur d’un moteur d’interrogation plus fort encore. Voir la misère, les SDF, les prostitués, les plaies par armes blanches et armes à feu et des gens parfois mourir devant moi, tout cela m’a profondément changé. J’ai aussi cherché une voie différente concernant l’art de soigner. Vers 24 ans, j’ai croisé la route du Qi gong, puis la méditation. Un peu avant la trentaine, j’ai quitté le monde des hôpitaux, devenu trop dur pour moi, et me suis lancé en indépendant. En parallèle de ces années aux urgences, je faisais partie d’un groupe de musique (cela m’a peut-être sauvé aussi). Composant une bonne part des titres ainsi que des paroles, une fois le groupe séparé, l’écriture est restée. J’ai naturellement continué l’écriture et, au fil du temps, certains livres ont vu le jour.

Dans quel genre classeriez-vous votre trilogie Le Concile de Merlin ?

Je pencherais pour « fantasy historique ». Mais il possède, je crois, une touche initiatique et une pointe d’ésotérisme.

Pourquoi avoir choisi de mettre en avant la fille de Merlin et non pas Merlin lui-même (même s’il est présent dans l’intrigue) ?

D’abord, j’avoue que le mythe de Merlin m’a toujours passionné. C’est en lisant et en cherchant de-ci de-là que j’ai trouvé qu’il y avait dans la (les) légende(s) un amusant mélange de choses avérées historiquement (l’existence de Gildas par exemple, ou l’histoire d’un brittonique romanisé ayant fédéré des troupes locales pour se battre contre les Angles au sud de l’Angleterre) et de mythe pur et dur. Les écrits de Gildas (De Excidio et Conquestu Britanniae) existent vraiment et relatent une part de cette histoire.

En me penchant sur l’Histoire, plus précisément celle des alentours du VIe siècle, j’ai trouvé qu’il y avait une telle richesse d’événements que, pour un roman, c’était inespéré. Cependant, cela nécessitait de coller avec cette Histoire (en tout cas, celle qu’on connaît). J’ai aussi beaucoup réfléchi au fait qu’on avait tout raconté ou presque sur Merlin lui-même, ainsi qu’Arthur et tout ce qui tourne autour. Ce n’était pas très captivant, voire c’était même risqué, de refaire une énième aventure avec autant de précédents. Par contre, il y avait peu de chose sur l’après Merlin/Arthur. Proposer une vision de cela au travers du regard de la fille de l’Enchanteur pouvait donc être passionnant. Au-delà des icônes que représentent ces personnages, il y avait quelque chose à raconter sur la chute finale (qui s’est tout de même étendue sur presque un siècle) de ce monde brittonique. Les grandes invasions, saxes, angles, pictes ont marqué la fin de cette période et ont dû être très violentes. L’effondrement et le retrait de Rome ont aussi certainement tout changé. La montée du christianisme et son évangélisation jusqu’en Irlande ont aussi transformé l’Europe occidentale. Les rites païens ont dû reculer, se cacher, se transformer. Comment les personnages, après Merlin, pouvaient-ils vivre cela ? Quel pouvait être leur positionnement intérieur face à de tels bouleversements ? Leurs questionnements, leurs doutes, leurs peurs ou leurs espoirs ? Comment appréhenderaient-ils la transformation de leur monde, la perte de leurs croyances (face à l’Église), de leur organisation sociale puisqu’ils sont poussés à l’exil ? Voilà des questions que je pense intemporelles, puissantes et génératrices d’une belle aventure, mais aussi de drames terribles.

Dans votre roman, vous mêlez habilement Fantasy, Histoire, mais surtout histoire(s) religieuse(s). Pourquoi ce choix et comment fait-on pour trouver un juste équilibre entre tous ces sujets importants ? Avez-vous fait beaucoup de recherches ?

Merci ; oui, j’ai fait beaucoup de recherches, mais j’ai aussi la chance d’être passionné par cette période ainsi que les premiers temps du christianisme, qui paraît bien loin de ce qu’on connaît aujourd’hui. Je ne suis pas chrétien, mais j’ai beaucoup de respect pour les écrits sacrés et par exemple la sagesse des Pères du Désert (qui ont inspiré certains passages du livre). J’ai lu pas mal de textes de cette période (entre autres ceux de Jean-Yves Leloup), mais aussi des essais universitaires sur Gildas de Rhuys et l’histoire des premiers chrétiens. Bien sûr, de par ma pratique de la méditation, je suis aussi imprégné de la sagesse orientale, surtout indienne et tibétaine. Cela ressort aussi dans la trilogie. Ensuite, il a fallu se documenter aussi sur le nom des évêques, les événements de la période, comme la peste à Rome, l’invasion gothe, etc. C’était passionnant, mais compliqué ! Toutes les dates mises dans le livre, à quelques rares exceptions (car on ne peut être certain) sont authentiques.

J’ai essayé de trouver un équilibre entre l’Histoire connue et l’histoire du livre ainsi qu’entre fantastique et histoire religieuse. Au final, j’ai l’impression que ce sont les personnages eux-mêmes qui par leurs rencontres, leurs dialogues, leurs affrontements ou leur amour, ont fait l’avancée du récit et ont résolu par leur présence cette dichotomie seulement apparente.

Les romans sont haletants avec de l’action et des séquences de magie très intenses, mais en même temps, vous prenez le temps de faire évoluer vos personnages ; de les faire réfléchir et dialoguer. Comment avez-vous travaillé sur ces deux aspects ?

Honnêtement, je crois que j’ai mis un temps fou. Le temps d’écriture s’est étalé sur 6 ans et le projet mûrissait depuis au moins 4 de plus. Ensuite, les relectures extérieures m’ont aidé. J’ai retravaillé beaucoup le texte. J’avais vraiment envie que les lecteurs puissent sentir une évolution, comprendre comment de telles expériences pouvaient bouleverser et remodeler des personnages. Je me dis souvent : « imaginons que je les ai sous les yeux, juste-là assis devant moi, que diraient-ils ? Que pourraient-ils faire ? Quels pourraient être leur choix ou leur doute ? »

Aussi, je suis heureux de lire votre question !

On est surpris par le détachement que vous avez aussi bien sur les croyances païennes/celtiques que sur la chrétienté, mais aussi le bouddhisme/la méditation. Vous êtes très loin des clichés en mélangeant les trois sans prendre parti : est-ce parce que vous considérez que l’important reste les croyances et non pas un dogme ? En tout cas, c’est ce que l’on ressent avec le personnage de Gildas.

C’est ce que j’ai tenté de faire. Vous avez raison, tout le questionnement du roman pousse vers l’au-delà du dogme, de quelque appartenance qu’il soit. Je suis heureux aussi que cela puisse se ressentir. Ce qui compte alors est l’expérience, le vécu, l’action et la relation à l’autre et au monde. J’ai essayé de montrer que tous avaient leurs points forts et leurs points faibles, même Merlin.

Si vous deviez choisir un personnage dont vous êtes le plus proche, lequel serait-ce et pourquoi ?

Aucune idée ! Ils sont pour moi tous très attachants.

Comment jonglez-vous entre la gestion des éditions L’Alchimiste et votre écriture ? Et pourquoi avoir décidé de monter une structure ?

Eh bien, j’avoue, le métier d’éditeur prend énormément de place et de temps. Néanmoins, je ne peux me passer d’écrire. J’avance donc peu à peu sur mon prochain roman, dès que j’ai un peu de temps, j’écris !

Enfin, quels sont vos futurs projets ? Et ceux de la maison ?

J’ai donc deux livres (un roman en cours et un essai déjà achevé) en prévision pour le côté auteur. La maison d’édition poursuit quant à elle son chemin. Nous espérons publier à la fin du printemps l’anthologie « Temps Mort ». « Triangle » un thriller ésotérique, paraîtra bientôt ainsi que « Le Temps des nuages ». Nous recevons beaucoup de manuscrits, mais faisons également une sélection serrée, à la fois pour respecter notre ligne éditoriale spécifique et aussi parce que nous préférons publier moins et mieux.

Merci à Lionel Cruzille d’avoir répondu à nos questions! Et surtout, courez vite lire Le Concile de Merlin. :-)

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