Metal Hurlant Chronicles Saison 1 – Guillaume Lubrano

Difficile de comprendre cette série sans savoir d’où elle vient. Petit retour sur la saga Metal Hurlant pour ceux qui ne la connaissent pas.

Au départ, Metal Hurlant est une revue de bande dessinée de science-fiction, apparue en 1975. Estampillée “pour adultes”, les histoires contiennent tout ce qu’il faut de matériel irrévérencieux pour l’époque : sexe et violence. La revue créée par Jean-Pierre Dionnet a vu passer dans ses rangs les grands noms de la BD : Druillet, Bilal, Caza, Moebius, Corben, etc. Philippe Manoeuvre y entre en 1976, et avec lui une orientation “rock”. La revue propose également des critiques de romans “de genre”, et le style n’y est pas spécialement policé…

En 1977 parait la version américaine (Heavy Metal), sans lien rédactionnel avec la version française, mais dans la continuité éditoriale.

Metal hurlant, le film – sort en 1981. C’est un animé Canadien, inspiré par des histoires parues dans les deux magazines, français et anglais. Il présente une  anthologie de courtes histoires, reliées entre elles par un élément unique : une sphère maléfique “verte” qui se promène dans l’univers et pervertit tout ce qu’elle approche. Le film a pour habillage musical des morceaux considérés à l’époque comme du hard-rock : Trust, Blue Öyster Cult, Nazareth, Black Sabbath.

Un deuxième film sort en 2000, intitulé sobrement Heavy Metal 2000, avec la même formule, anthologie et musique metal (System of a down, Pantera, QOTS, etc).

L’ensemble a pas mal inspiré le monde de la SF des années 80 et 90, romans et cinéma :  Jacques Goimard a ensuite dirigé les éditions Pocket-SF, le 5e élément possède pas mal de similitudes avec le premier segment du premier film, etc.

Bref, on est face à du culte comme on n’en fait plus. Même si le premier film a beaucoup vieilli, il reste une référence pour l’amateur de SF.

2012 voit donc l’apparition de Metal Hurlant Chronicles, série “live” de Science-Fiction française (!), réalisée par Guillaume Lubrano, illustre inconnu. Les scénarios sont repris ou inspirés des BD parues dans les magazines de l’époque et abordent à peu près l’ensemble du spectre de la SF : space opéra, post-apo, fantasy technologique, etc.

Certains segments sont plutôt réussis, formellement et scénaristiquement (Protège-moi), même si l’on sent souvent venir le “twist” final une fois qu’on a saisi le principe de la “comète maléfique qui corrompt tous ceux qu’elle approche”. D’autres sont moins intéressants : on a quand même progressé depuis les années 70 et ce qui passait à l’époque peut paraître un peu léger aujourd’hui…
Produire une série de SF française (bien que tournée en anglais) est une gageure, tant le domaine de l’imaginaire est méprisé dans nos contrées. Il en résulte un budget très limité -complété par un financement participatif sur Ulule…-, et malgré toute la bonne volonté du réalisateur, cela se voit. Les images de synthèse, sans être horribles, semblent dater des années 90. Les décors en carton sont pires…
Certains acteurs ne jouent pas très bien, même si on peut croiser parfois certaines têtes connues (Dominique Pinon, Rutger Hauer !). Bref, l’ensemble fait quand même très cheap, nous qui sommes abreuvés de films Zuhessiens aux standards visuels désormais hallucinants.

Et puis il va falloir vendre la série à l’international… Pour cela, on va éliminer tout le côté irrévérencieux qui faisait le sel de l’original. Exit la musique metal, exit le sexe évidemment. Ou alors de façon tellement légère que n’importe quelle série HBO en montre beaucoup plus. Aujourd’hui, on ne peut plus vraiment choquer dans ce domaine. Ou alors pour le coté sexiste de la chose…

Et on touche là une autre limite de la démarche : la contre-culture des années 70 n’a plus rien de “contre”… Elle est même devenue mainstream maintenant que les geeks de l’époque atteignent des postes à responsabilités. Ce qui permet à cette série d’exister, mais qui lui enlève le côté rebelle de ses aînées. Difficile de provoquer, et encore moins choquer un public pour qui tout cela est devenu courant. Aujourd’hui, le “choquant” se trouvera dans les films malsains de “l’étrange festival”, mais certainement pas dans un programme télévisuel pour chaîne grand public…

Reste malgré tout quelques épisodes sympa, qui plairont peut-être aux fans hardcore de Science-Fiction, toujours en manque malgré les excellentes séries disponibles.
Aux nostalgeeks d’une époque révolue – ça marche bien la nostalgie…
Aux curieux pour qui le petit coté kitsch and cheap ne pose pas de problème.
Et puis 6 épisodes de 20 minutes, ça passe vite…

Metal Hurlant Chronicles Saison 1

Création, réalisation, scénario  : Guillaume Lubrano

Avec : Michelle Ryan, Dominique Pinon, Rutger Hauer

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