Golem, le tueur de Londres – Juan Carlos Medina

Londres, 1880.
Une série de meurtres secoue le quartier malfamé de Limehouse. Selon la rumeur, ces crimes ne peuvent avoir été perpétrés que par le Golem, une créature des légendes hébraïques d’Europe centrale. Scotland Yard envoie Kildare, l’un de ses meilleurs détectives, pour tenter de résoudre l’affaire. Mais c’est la première affaire de meurtres de Kildare, limogé suite à des rumeurs sur son homosexualité. Parviendra-t-il à faire éclater la vérité, au-delà des croyances populaires?

Le film vient de sortir (le 23) en DVD, Blu-ray et VOD. En sélection officielle au PIFFF, en fin d’année dernière, mais aussi au TIFF, Golem, le tueur de Londres, adapté du roman de Peter Ackroyd Dan Leno & The Limehouse Golem, n’est PAS – contrairement à ce qu’on lit partout – un film d’épouvante! Encore moins un film horrifique. C’est un thriller gothique d’une belle qualité; bien mieux ficelé  que La Dame en noir par exemple.

La première chose qui frappe c’est que le réalisateur a réussi à ne pas nous faire penser à Jack l’Éventreur! Ce qui n’était pas une tâche aisée au vu de l’époque et ambiance choisies.

Les meurtres du “Golem” sont un prétexte pour mettre en avant les problèmes d’une société Victorienne trop puritaine et renfermée sur elle-même. Ainsi, on parle ici d’homosexualité, de sexualité et pulsions refoulées, du traitement des enfants, mais aussi celui des pauvres… Le divertissement et la faim du public pour les scandales, barbaries et autres affaires sanglantes sont au coeur du film. Une époque connue pour le développement notamment des fameux “penny dreadful” qui faisaient fureur. Une époque également qui commence à développer le divertissement, ici avec le musical qui à la fois attire et révulse les gens (les danseuses et autres acrobates étaient considérées comme des prostituées). De là, découle aussi un sujet important: la place des femmes dans cette société très masculine:

  • Dan Leno se costume en femme et se moque souvent de leur petites habitudes et comportement. C’est un jeu. Lui est d’ailleurs le personnage qui les respecte le plus. Lui, le vrai chevalier qu’Elizabeth va laisser tomber sans se rendre compte qu’il est le seul à la considérer à sa juste valeur. Douglas Booth est d’ailleurs excellent dans le rôle: impertinent, juste et drôle.

  • Enfant, Elizabeth subit les assauts des marins à qui elle apporte leurs voiles réparées, puis les regards et suggestions lubriques quand elle rentre au théâtre.

  • John Cree se prétend être un preux chevalier blanc, mais n’attend au fond que sa première nuit de noces avec sa jeune épouse.
  • Aveline passe de l’acrobate charmeuse à la bonne maîtresse. etc..

Tout ceci permet d’ancrer le thriller dans une réalité historique sombre et loin de toutes considérations fantastiques, justement. Car si les meurtres sont sanglants et mis en scène comme une pièce de théâtre, Kildare cherche à trouver LA vérité. Pas celle des journaux à sensation ou celle des croyances populaires (qui déjà pointent du doigt les Juifs..), mais une vérité de justice qui remet le “Golem” à sa place: un meurtrier dont le but est de jouer avec le public; lui donner ce qu’il veut. Et c’est aussi là l’intérêt de l’histoire! Remettre en cause la société de spectacle où tout est un show. Un sujet au final très actuel.

Kildare justement, déteste le théâtre grand-guignolesque; le cabaret, le musical. Il n’en comprend ni l’humour ni l’intérêt. Bill Nighy, comme à son habitude, est magistral dans son rôle de détective droit et sincère.

L’enquête de Kildare glisse peu à peu sur une autre: prouver qu’Elizabeth Cree n’a pas empoisonné sur mari. Car il est aussi persuadé qu’il est le Golem. Leur relation est touchante et s’apparente à un père et sa fille. La jeune femme est alors touchée qu’un homme soit réellement son protecteur sans arrière-pensée.

Mais alors qui est vraiment le Golem? Et bien Kildare enquête sur plusieurs personnes (dont Karl Marx!) dans des séquences particulières où le détective se projette dans la tête des tueurs potentiels. Des séquences baroques qui font alors appel à toute l’inquiétante étrangeté du gothique. La découverte du tueur est une révélation étonnante qui laisse Kildare dans une bien mauvaise posture.

Il manque peut-être au film un peu de structure au niveau de l’enquête et un manque d’évolution dans le personnage de Kildare qui le rend parfois un peu mou; un peu effacé.

Le film est visuellement superbe avec une très belle photographie et une reconstitution historique de qualité. Un plus également pour les minutieux costumes qui permettent une plongée élégante dans un univers sanglant et sauvage.

CONCLUSION

Pourquoi le film ne sort-il pas en salles chez nous? Aucune idée! Car le scénario de Jane Goldman (Kick-Ass, X-Men : Le Commencement), la réalisation de Medina, la photographie et les acteurs, font de ce film un thriller réussi qui aurait largement mérité d’être vu par le plus grand nombre.

Golem, le tueur de Londres

de Juan Carlos Medina

scénario de Jane Goldman

avec Olivia Cooke, Bill Nighy, Douglas Booth, Eddie Marsan, Daniel Mays, Sam Reid

Number 9 Films Ltd.

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