Cloverfield Paradox – Julius Onah

En 2008 sortait Cloverfield, un sympathique film où un gentil petit monstre décapitait la statue de la Liberté et transformait New York en un joli tas de gravats (bon plus à cause du bourrinage de l’armée américaine, mais passons). En 2016, nous avons eu le droit au 10 Cloverfield Lane, un film psychologique vaguement oppressant soporifique où on suivait la survie de deux hommes et d’une femme  dans un bunker (ça en fait des possibilités) alors que le monde est attaqué par…le suspense est à son comble… une grosse créature pas contente du tout. Mais voici qu’en 2018, la société de J.J Abrams nous fait la surprise de sortir un nouveau film autour de cet univers, sur Netflix qui plus est. De plus, on m’annonce dans l’oreillette qu’un autre film sortirait en fin d’année, quelle joie…

Une équipe de scientifiques envoyée en orbite pour sauver la planète d’une destruction imminente se retrouve face à une sombre réalité alternative.

Avec un résumé aussi alléchant, mon côté sadique se réveille d’un coup. Il m’est impossible de passer à côté de ce délectable moment de visionnage de film et surtout d’écriture. Fait amusant, sur d’autres sites nous trouvons un tout autre synopsis :

Après un accident avec un accélérateur à particules, une station spatiale américaine découvre que la Terre a disparu. Les résidents de la station vont alors être confrontés à l’étrange présence d’une autre station spatiale tout près de leur position.

Autant vous le dire tout de suite, ce résumé-là est uniquement aguicheur. L’autre station spatiale étant uniquement évoquée durant quelques secondes, mais passons.

Le film commence sur un effroyable constat : les réserves mondiales d’énergie sont bientôt épuisées. On décide donc de créer une station spatiale pour une mission expérimentale de la dernière chance : produire de l’énergie à l’aide d’un accélérateur de particules, appelé Shepard.

Quoi de plus typique, pour bien appuyer sur les problèmes énergétiques que de montrer une longue file de voitures attendant de pouvoir faire le plein. Lorsque les routiers bloquent les routes et les raffineries, nous avons également la même chose. Sauf que la majorité des personnes qui provoquent ces queues sont des personnes du 3ème âge en Citroën, désirant uniquement mettre 5€ d’essence. Ceci leur permettant de rouler pendant encore 2 mois.

Dès lors la mission est extrêmement simple. Le fonctionnement du Shepard permettrait d’acquérir une source inépuisable d’énergie et donc de sauver la Terre. Grosso modo, l’engin a juste besoin d’énergie pour démarrer, par la suite il pourra s’autoalimenter et produira assez d’énergie pour le monde entier. Nous devrions aller dire deux mots aux têtes pensantes du LHC, histoire qu’elles fassent la même chose. Cependant je doute fort qu’une source infinie d’énergie fasse cesser les conflits lorsqu’on voit les bras cassés à la tête des 193 pays…

Le Shepard est donc installé dans la station spatiale Cloverfield. Celle-ci est composée de 7 membres d’équipage censés montrer une sorte d’union mondiale. Nous avons donc :

1 Chinoise => Tam. L’actrice Zhang Ziyi est réellement chinoise.

1 allemand => Thomas Schmitt. L’acteur Daniel Brühl est allemand.

1 irlandais => Mundy. Chris O’Dowd est véritablement irlandais.

1 Britannique => Ava Hamilton. Gugu Mbatha-Raw est britannique.

1 américain => Kiel. David Oyelowo est malheureusement britannique. J’imagine qu’il est difficile de trouver de bons acteurs aux États-Unis.

1 russe => Volkov. Aksel Hennie est norvégien. Nous savons tous que la Russie est meilleure en production de vodka et en armes diverses, mais je suis sûr qu’il était possible de trouver un acteur pas trop mauvais.

Et enfin, 1 brésilien. “Monk” Acosta, joué par John Ortiz qui a des origines latinos.

Vous aurez remarqué que certains ont une identité complète tandis que d’autres ont simplement le nom de famille…ceci en dit long sur l’intérêt desdits personnages.

Rare photo d’une partie des acteurs découvrant le scénario du film

Dans tout film catastrophe qui se respecte, il nous faut un héros, un traître et enfin un guignol. Nous passerons sur les personnages de type « figurant » car ils n’ont aucun intérêt.  Et là, c’est tout simplement magique. Julius Onah, le réalisateur, me fait le plaisir d’un tiercé gagnant. Le héros pourrait correspondre à Kiel, car d’une part il est américain, d’autre part c’est le commandant de la station.

Étonnamment, si le héros est américain, le traître devrait être russe. Oh surprise, nous avons un russe dans notre équipage. Il faudra donc qu’il soit teigneux et que l’on ait une mauvaise opinion de lui dès son apparition. Sacrebleu c’est encore le cas. La petite cerise sur les clichés est la présence de poupées russes dans ses quartiers. Il ne manquerait plus qu’une balalaïka et un ours en peluche grandeur nature pour que ça soit complet.

Et enfin, le comique de service, qui logiquement ne devrait pas durer longtemps, est assigné à Mundy. Cependant, notons que comme on suit la Britannique depuis le début, nous pouvons être certains qu’elle survivra.

La station en elle-même est plutôt futuriste et bien plus design que l’espèce de tas de ferraille qui gravite à 300km au-dessus de nos têtes actuellement : un énorme cylindre flanqué de 4 espèces d’essoreuses à salade et d’une antenne tout au bout. On imaginera que grâce aux essoreuses, il n’y a pas d’apesanteur et donc le côté amusant de pouvoir voler n’existe pas, quelle tristesse. Enfin l’antenne doit permettre soit de communiquer avec la Terre, soit d’envoyer l’énergie qui sera produite par le Shepard.

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Le film doit donc nous montrer un équipage sous tension, miné par les échecs à répétition du Shepard. Malgré cela, nous sommes affligés de voir l’Irlandais et le Brésilien jouer tranquillement au babyfoot et rigoler comme si de rien n’était. Heureusement que le Russe est là pour casser l’ambiance.

La pression augmente d’un cran lorsque l’on apprend qu’il n’y a assez de carburant que pour 2 essais supplémentaires. Vous vous en doutez, l’essai suivant sera le bon…permettant au scénario de pleinement commencer.

Le premier moment de panique apparaît quand l’équipage s’aperçoit que la Terre a disparu suite à l’utilisation de l’accélérateur de particules. Alors que chacun tente de localiser la Terre, Mundy ne trouve rien de mieux à dire, pour caractériser la Terre « balaise, bleue, plein de gens en colère ». Ceci peut sembler caricatural et pourtant c’est un bel exemple de ce qu’est l’humour de ce film : facile. Vu que le scénariste est tombé dans cette facilité, je vais faire de même une seule et unique fois par le biais de l’image ci-dessous.

Espérons qu’il soit gaucher

Notons tout de même que bien qu’ayant perdu un bras, Mundy aura toujours le même humour foireux. Ce petit boute-en-train nous manquera.

L’humour n’est pas la seule facilité. Les ficelles utilisées dans le scénario sont si grosses qu’elles ne font même plus illusion. Le spectateur est bringuebalé durant ces péripéties : la disparition du gyroscope, l’apparition d’un astronaute clandestin dans les cloisons de la station, la trahison surprise de Volkov après qu’il se soit transformé en Jeanne d’Arc, sont autant de moments d’actions qui me font pousser un bâillement.

Malgré cela, il nous faut des révélations quant au pourquoi de toute cette chienlit. Une première explication nous est donnée par Schmidt, le physicien de l’équipe : « Les particules interagissent les uns avec les autres entre deux dimensions. Deux réalités distinctes au sein d’un multivers qui se battent pour occuper un même espace. »

La dernière explication proviendra de l’astronaute clandestin : l’accélérateur a fracturé un Boson de Higgs, provoquant une surcharge. La fameuse Particule de Dieu et qui était également le nom provisoire d’un hypothétique film de J.J Abrams : God Particle.

Le hasard scénaristique faisant bien les choses, les derniers survivants réussiront une nouvelle fracturation et reviendront devant la Terre. Leur Terre. J’imagine que par manque de budget, il était impossible de créer une nouvelle surcharge et donc de nouvelles explosions en tout genre.

Schmidt et Hamilton ont accompli leur mission. L’accélérateur fonctionne, il y a une nouvelle source d’énergie. Il reviennent donc tranquillement sur Terre. C’est fini. Ou presque…

Récapitulatif des morts :

1er mort : Volkov => se fait manger de l’intérieur par des vers.

2ème mort : Tam => est passée au congélateur.

3ème mort : Mundy => voulait se réchauffer un peu avec de l’oxygène.

4ème mort : Kiel => se devait de concurrencer Bruce Willis dans le sacrifice.

5ème mort : Monk => avait envie d’une sieste en plein milieu d’un couloir.

6ème mort : L’astronaute intrus (qui s’appelle Jensen) => souhaitait chanter « I believe I can fly » dans l’espace.

Au final qu’avons-nous ? Un bon divertissement ? Un film de science-fiction intéressant ? Malheureusement non. Un bon divertissement n’aurait pas voulu nous emmener dans des considérations pseudo-métaphysico-scientifico-philosophiques…

Cependant, rien n’est négatif, nous avons effectivement de belles images, dont celle qui clôt le film. La musique n’a rien d’exceptionnel si ce n’est celle du début et encore…sans être d’une exigence extrême. Elle est sympathique, mais, comme pour bon nombre de films, n’atteindra jamais le rang de chef d’œuvre, au même titre que ce film. Pourtant le réalisateur n’a pas à avoir honte de cet échec. Il y a des réalisateurs qui feront des films similaires et qui pourtant se gargariseront de leur pseudo talent.

L’univers Cloverfield me laisse pantois par les deux derniers films. L’espèce de thriller que l’on souhaitait, ou en tout cas que l’on aurait souhaité avoir, n’est pas. La bonne surprise de découvrir un nouveau film passe rapidement, rattrapée par la lassitude des scènes, les moments de flottement, d’accalmie qui laissent hâtivement la place à des moments d’actions.

Qui veut un petit bisou?

Cloverfield Paradox

de Julius Onah

scénario de Oren Uziel

avec Daniel BrühlElizabeth Debicki, Gugu Mbatha-Raw, Zhang Ziyi

Bad Robot / Netflix

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