LES METIERS DE LA MUSIQUE : entretien avec François Phoenix, photographe

Dans les pits photo on croise toujours des passionnés, des gens qui vivent par la musique et la photo. Vous avez, avec cette nouvelle série, pu en découvrir quelques-uns déjà. Et François Phoenix, notre invité du jour, n’est pas des moindres puisque de mon point de vue d’amateur de la photo et photographe moi-même, il fait partie des cinq meilleurs français dans la discipline. Découvrez donc ce qui se cache derrière Pics N’ Heavy ! 

eMaginarock : Bonjour, et merci de prendre quelques minutes pour répondre à ces questions. Pourrais-tu tout d’abord te présenter, et nous expliquer comment tu en es venu à la photo, et plus particulièrement la photo de concert ?

François : Salut ! Je suis François, photographe de Pics ‘N’ Heavy. Je suis également photographe et secrétaire de l’association / webzine MusikÖ_Eye.

Écoute, depuis gamin, j’ai toujours aimé figer les paysages sur pellicule. Mais j’en ai réellement pris conscience il y a quelques années seulement. Du coup, ça fait environ dix ans que la photo s’est imposée à moi comme passion ! Peu de temps après j’achetais mon premier reflex… j’étais foutu !

J’ai commencé la photo live il y a cinq ans. Des concerts, j’en avais déjà fait beaucoup, mais un jour je me suis retrouvé à la barrière pour un show. C’était la première fois que je voyais vraiment les photographes de concert à l’oeuvre. C’est alors devenu une évidence pour moi, je devais allier mes deux passions, la photo et la musique. J’ai créé mon site photo Pics ‘N’ Heavy et j’ai cherché un webzine (j’ai passé quelques superbes années chez Scholomance, merci à eux :-) )… l’aventure était lancée !

eMaginarock : Comment travailles-tu, quel matériel utilises-tu ?

François : Je suis équipé de deux 5DMkIII et de diverses optiques Canon. Comme on dit, c’est le photographe qui fait la photo, pas le matériel… mais dans des conditions aussi extrêmes que la photo de live, la qualité du matériel est importante…

Comment je travaille dépend surtout de l’endroit dans lequel je shoote. Tu imagines bien que shooter dans un Olympia ou un Zenith, avec de la place dans le pit photo et de superbes lumières, est complètement différent de photographier un groupe dans une petite cave sombre de la capitale, au milieu des pogos ! Pour moi, c’est le choix de l’optique qui fait la différence… et surtout ce que propose le groupe sur scène, évidemment ! L’énergie que s’échangent le groupe et le public ainsi que l’énergie intrinsèque de la musique, et la manière dont je la ressens, me permettent de capter plus ou moins bien ce qu’il se passe sur scène. C’est impossible à décrire… cela se vit :-)

eMaginarock : Comment travailles-tu en post-prod ? Quel logiciel utilises-tu ?

François : J’utilise exclusivement Lightroom. J’essaie de booster l’image pour avoir un rendu dynamique sans toutefois trop dénaturer le cliché initial… mais cela dépend beaucoup de la lumière proposée sur scène…

Réponse courte… je n’aime pas spécialement la post-prod ! Je préfère le côté instantané de la prise de vue… mais l’un ne va pas sans l’autre ;-)

eMaginarock : Comment considères-tu ton boulot de photographe live ? Quelle est la vision qu’en ont les gens ? 

François : Je me considère avant tout comme un passionné de photo et un passionné de musique live. Même si je m’investis pour être le plus pro possible dans ma démarche, la photo de concert est, et restera, “seulement” une passion, ce ne sera jamais un boulot. Le jour où cette passion sera mise à mal, je crois que je n’aurai pas la force de continuer.

C’est compliqué de savoir ce que pensent les gens de mon taff et quelle est la portée de mes photos… parfois, j’ai envie d’arrêter… je me dis que toute cette énergie dépensée ne mène nul part… mais il suffit d’un verre pris avec les copains (photographes, musiciens ou amoureux de la musique), d’un sourire ou de quelques mots touchants d’une personne qui a aimé une photo, pour se dire que c’est avant tout une aventure humaine. Alors, je fais simplement de mon mieux en espérant que le public y trouve un minimum d’intérêt… je n’ai pas répondu à ta question je crois !!

eMaginarock : Quelle est la plus grosse claque que tu te sois pris sur un live (en tant que photographe) ?

François : Indéniablement, Epica à l’Olympia en Janvier 2015 ! Je suis super fan du groupe (et de Simone… ben ouais !), c’était la première fois que je les prenais en photo et c’était mon premier Olympia… les lumières étaient incroyablement belles… émotionnellement, c’était chargé !!

En plus, on a pu shooter tout le concert, c’était vraiment énorme !

Mais en réalité, des grosses claques, il y en a régulièrement. Chaque fois que tu shoote un groupe que tu aimes, tu prends un plaisir fou !

eMaginarock : Et a contrario quel est ton pire souvenir (en que photographe) ? 

François : Comme je le disais plus haut, je shoote aussi bien dans les grandes salles que dans les endroits sombres de la capitale (j’ai besoin de garder le contact avec la scène locale)… la palme de la pire galère revient à un bar insalubre dont je tairai le nom pour ne pas leur faire de pub… un seul mini spot rouge en guise de light… l’enfer ! Ce soir là, j’ai tout de même eu la satisfaction de tirer quelques images sympas des copains qui jouaient là bas… eux en étaient contents en tous cas !

Mais quelque part, ce n’est pas pire que les (rares) artistes qui, dans les grandes salles, font le noir quasi complet pendant les trois titres autorisés aux photographes. Puis, une fois le pit photo vidé, allument en grand les lumières… si vous ne voulez pas de photographe, dites le ! Cela nous évitera de perdre notre temps !

eMaginarock : Le média pour lequel tu travailles te laisse-t-il toute latitude sur tes photos et tes choix de concert ? 

Chez MusikÖ_Eye, on essaie de se laisser une grande liberté dans le choix des lives que l’on désire couvrir. Je pense que c’est important que le photographe conserve cette envie d’aller au concert. Il ne faut pas oublier que nous sommes bénévoles, que cela nous coûte du temps et de l’argent… la passion est notre seul moteur. S’il y a trop de contraintes, la lassitude s’installe vite…

Cela dit, cela m’arrive d’aller shooter un groupe que je ne connais pas… et on n’est jamais à l’abri d’une belle découverte !

eMaginarock : Comment fais-tu pour mener tes activités professionnelles et la photographie de front ? Car c’est tout de même un gros travail ! 

François : Compliqué… c’est beaucoup de fatigue ! La photo est une deuxième activité qui prend énormément de temps. Entre le travail, les concerts et le post-traitement… tu es obligé d’apprendre à dormir peu !! “Métro boulot dodo” est devenu “Métro boulot photo post-traitement mini-dodo putain-je-suis-en-retard” ;p

Et puis, tu poses des congés pour partir couvrir les festivals… les festoches, c’est tellement plus reposant que les vraies vacances !!

Cela étant dit, quand tu vis ta passion, toutes ces contraintes importent peu ;-)

eMaginarock : Fais-tu d’autres types de photographie que du live ?

François : J’ai commencé par faire de la photo animalière et des photos de vieilles pierres (églises, châteaux, cimetières…). Depuis que je fais du live, j’ai peu de temps pour autre chose mais je m’essaie à la macro de temps en temps… sans aucune prétention, juste pour le plaisir !

D’ailleurs, j’ai depuis peu créé une nouvelle page Facebook sur laquelle je publie, occasionnellement, des photos hors live. Une sorte de prise de risque pour moi !

eMaginarock : Comment vois-tu le milieu musical actuel depuis les pits ? Est-ce difficile pour les groupes de se faire une place ? N’y a-t-il pas trop de groupes et pas assez de scène ou de public ? 

François : Depuis le pit, on ne voit pas grand chose… on est coincé entre la scène et le public… souvent on ne voit même pas le stand de merch :p

Plus sérieusement, c’est un vaste débat. Les groupes ont de plus en plus besoin de tourner pour faire un peu d’argent alors qu’avant il “suffisait” de vendre des disques. Dans le même temps, il est de plus en plus simple pour un jeune groupe de se montrer sur internet et de monter sur scène dans les petits festivals ou petits concerts organisés un peu partout en France, au risque d’être noyé dans la masse. Ce qui est certain, c’est que le public n’a pas les moyens financiers d’être partout et cela se voit dans certaines salles peu remplies.

Et paradoxalement, les crowdfunding fonctionnent et les concerts des gros groupes sont soldout malgré le prix exorbitant des billets… honnêtement, je ne sais pas trop quoi penser !

eMaginarock : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions et à bientôt au détour d’un pit photo !

François : Merci à toi pour le coup de projecteur. Je retourne dans l’ombre ;)

Retrouvez le travail de François sur sa page Facebook

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