LES METIERS DE LA MUSIQUE : entretien avec Yann Charles, photographe

Yann Charles est un de ces bonshommes que tu croises dans les pits photos et que tu n’oublies : rieur, professionnel dès que le son commence à résonner, il n’est jamais le dernier à boire une petite mousse. Regard atypique sur la photo de concert incoming ! 

eMaginarock : Bonjour, et merci de prendre quelques minutes pour répondre à ces questions. Pourrais-tu tout d’abord te présenter, et nous expliquer comment tu en es venu à la photo, et plus particulièrement la photo de concert ?

Yann : Salut. Je fais de la photo de concert depuis 7 ou 8 ans maintenant. J’ai toujours fais beaucoup de concerts en spectateurs, mais pour diverses raisons, j’avais arrêté. Et le virus des concerts m’a repris après un concert de BB King à Bercy. De là, je suis allé dans des lieux où l’on jouait du Blues à Paris, fais la connaissance de ce milieu et commencer à prendre quelques photos par plaisir. Et c’est là qu’un ami m’a dit que je devrais continuer car j’avais un “œil”. Et voilà, depuis je n’ai plus arrêté.
Il y a une montée d’adrénaline lorsque tu es devant une scène car tu sais que tu es limité pour shooter, pour faire le maximum en un minimum de temps, et c’est ce “challenge”, cette montée d’adrenaline qui fait que je peux pas me passer de cette passion addictive.

eMaginarock : Comment travailles-tu, quel matériel utilises-tu ?

Yann : Je shoote avec un Canon 6D et un Canon 7D MKII. Et en objectifs, Tamron 24-70mm F2.8 ainsi qu’un Tamron 70-200mm F2.8.
Quand au “travail” en lui même, cela dépend des conditions qui sont souvent changeantes. Donc il faut pouvoir s’adapter très rapidement aux conditions de lumières en place. Y a pas vraiment de recettes je pense. C’est un peu à l’instinct en fait.

eMaginarock : Comment travailles-tu en post-prod ? Quel logiciel utilises-tu ?

Yann :Après avoir utilisé Photoshop, je suis passé sur Lightroom qui permet un traitement en lot plus intéressant. Mais je ne maîtrise pas trop cet outil quand je vois les autres collègues photographes qui bossent avec, je me dis que j’aurais bien besoin de leçons. Ce que je vais certainement faire rapidement.

eMaginarock : Comment considères-tu ton boulot de photographe live ? Quelle est la vision qu’en ont les gens ?

Yann : Difficile de répondre à cette question !! Disons que le fait d’avoir plusieurs photographes devant un groupe ou une soirée, permet aux gens d’avoir des visions et des regards différents d’un même spectacle. Si tu n’avais qu’un seul photographe pour une tournée d’un groupe, comme cela est quelquefois le cas, tu n’aurais qu’une seule vision, et encore, celle que l’on veut bien donner. Voilà pourquoi je pense que c’est bien qu’il y ai plusieurs photographes à chaque fois sur un concert. Même si ce n’est pas moi !!!
Pour souvent faire des photos en Province, les gens ont souvent plus de respect pour le travail du photographe. Que ce soit pour les conditions devant la scène, ou les lumières.
A Paris, des fois ce n’est pas le cas. Mais, je considère quand même que cela reste une passion, et qu’il ne faut pas que cela devienne une contrainte. Il faut qu’il y ait du plaisir, l’envie de partager des moments avec des potes, s’amuser. Le jour où il n’y aura plus tout ça, je m’arrêterais.

eMaginarock : Quelle est la plus grosse claque que tu te sois pris sur un live (en tant que photographe) ?

Yann : Il y en a eu pas mal. Je me souviens d’un concert d’Iggy Pop à Lille où même si nous n’avions eu que 2 morceaux pour faire des photos, cela avait été grandiose.
Ah oui, il y a eu le concert de BB King au Nice Jazz Festival. Il était déjà malade, mais ce soir là avait été magique.
Mon plus grand souvenir restera quand même un concert de Buddy Guy à Enghien où, je sais pas si tu as déjà connu ça, je me sentais en parfaite communion avec lui et sa musique, comme si je savais ce qu’il allait faire. Bref très difficile à expliquer, mais grand grand souvenir

eMaginarock : Et a contrario quel est ton pire souvenir (en que photographe) ?

Yann : Quelques concerts où durant les morceaux pendant lequel tu es autorisé à faire des photos, l’artistes restent en fond de scène, et donc tu n’as rien, ou un petit bout de tête. Ca m’est arrivé plusieurs fois. Ou alors une quasi absence de lumières sur les trois premiers morceaux et par la suite des lights à tout casser, mais voilà, t’as plus le droit de faire des photos. Des concerts où au moment de rentrer dans la salle, le manager du groupe décide qu’il n’y aura pas de photos finalement, malgré ton accreditation. Donc 1h30 de route pour rien.
Mais c’est quand même assez rare.

eMaginarock : Le média pour lequel tu travailles te laisse-t-il toute latitude sur tes photos et tes choix de concert ?

Yann : Le ou les médias avec qui je collabore ont pour politique de ne faire que ce que l’on aime. On ne va pas faire du report ou des photos pour faire du remplissage. Si je n’aime pas, je ne fais pas. Façon, cela se ressentira dans les photos ou dans le texte. Exception faite des festivals où, là, même si tu n’aimes pas, tu te dois d’honorer l’accréditation que l’on t’a donné en faisant des photos même de groupes ou d’artistes que tu n’aimes pas.

eMaginarock : Comment fais-tu pour mener tes activités professionnelles et la photographie de front ? Car c’est tout de même un gros travail !

Yann : Ah. C’est la question qui ne faut surtout pas poser à ma femme (lol). Je bosse en décalé, donc cela me per01met d’avoir pas mal de disposition pour aller faire des concerts. Par contre c’est le temps de sommeil et de récupération qui en prend un coup avec des nuits de 3 ou 4 heures selon les semaines. Mais j’ai une femme formidable qui me laisse souvent partir en festival ou me laisse beaucoup de liberté pour ma passion.

eMaginarock : Fais-tu d’autres types de photographie que du live ?

Yann : J’habite dans une belle région boisée, donc oui, j’aime bien aller faire des photo de nature. Mais comme j’aime aussi la ville, j’adore faire des photos de villes, de rues, de street arts……

eMaginarock : Comment vois-tu le milieu musical actuel depuis les pits ? Est-ce difficile pour les groupes de se faire une place ? N’y a-t-il pas trop de groupes et pas assez de scène ou de public ?

Yann : Je pense que c’est vraiment très difficile pour les groupes effectivement d’avoir une possibilité de se faire une place. Ce n’est pas les salles qui manquent, mais souvent les budgets des groupes ne leur permettent pas de pouvoir se produire seul dans cette salle. Les lieux qui accueillaient les “petits” groupes disparaissent les uns après les autres, quels que soient le style de musique. Et puis il ya les “profiteurs” qui offrent une “pitance” pour que les gars puissent se produire. Même les grosses pointures ont du mal. Tu remarqueras qu’il y a de plus en plus de “double concert”. C’est à dire non plus une tête d’affiche avec un ou deux groupes en 1ere partie, mais bel et bien 2 “têtes d’affiche” qui se partagent la soirée. Cela limite les frais, et surtout cela permet de bénéficier du public de l’autre. Je pense que c’est peut être une solution pour les groupes plus “modestes” que de se regrouper pour une seulle soirée, quitte à jouer moins longtemps.

eMaginarock : Merci d’avoir pris le temps de répondre à ces questions et à bientôt au détour d’un pit photo !

Retrouvez le travail de Yann sur son Flikr ainsi que sa page Facebook !

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