D&D, père de tous les JdR, et sa cinquième incarnation française.

Quand on est rôliste depuis le milieu des années 1980, se préparer à écrire quelques mots autour de Dungeons & Dragons a quelque chose d’intimidant. C’est un peu, j’imagine, comme si demain je pouvais taper la causette avec Kiefer Sutherland ou Benedict Cumberbatch : le genre de truc qui rend les mains moites et qui assèche les lèvres. Parce que là, en fait, ce n’est pas de Jo le rigolo dont il est question, mais de la cinquième mouture du jeu qui est à l’origine de tous les autres Jeux de Rôle: Dungeons & Dragons, connu sous les surnoms de D&D, AD&D, Donj’, l’ancêtre, et tant d’autres…

C’est lors d’un dimanche pluvieux à Dieppe en 1981 que ma vie de jeune adolescent a basculé. En effet, pour occuper la journée, je suis allé chez un marchand de journaux et mon père m’a acheté un magazine. À l’intérieur de ce dernier, il y avait, entre autres, un article dans lequel le journaliste racontait sa découverte du jeu de rôle. Il y était question de petites chambres d’étudiants à Paris, de la création d’un personnage (un voleur) et d’un combat épique contre une araignée. J’étais piqué. À vie.

Alors avoir entre les mains la version française du Player’s Handbook de la cinquième incarnation de D&D (grâce aux bons soins de Black Book Éditions et de Damien Coltice), ben ce n’est pas rien.

Parce que même si ma découverte de l’Ancêtre s’est faite autour de la Red Box, je m’étais très rapidement procuré le Player de AD&D (celui avec le mage et sa barbe de 12 mètres de long sur la couverture) et les autres livres du triptyque de base (avant d’engloutir tout mon argent de poche dans l’intégralité de la V1 et de la V2, mais c’est une autre histoire).

Cette cinquième édition est celle du triptyque.

Beaucoup d’encre a coulé autour de cette VF. Bien en amont de sa sortie. Espérée, puis à priori annulée, puis ensuite revenue d’actualité (après que deux autres jeux, Dragons et Héros & Dragons, bâtis autour du SRD fourni par Wizard, aient été annoncés – et financés). Les réactions ont été nombreuses suite à cette annonce, tantôt enthousiastes, tantôt frustrées (rapport à ceux qui avaient investi dans les deux jeux précédemment cités, par exemple). Des discussions ont fleuri à droite et à gauche, mais ce n’est pas ici le sujet de ce papier.

Le fond ou la forme ?

L’intérêt (pour moi) n’est pas tant de traiter le fond de D&D (qu’est-ce que c’est qu’un JdR, qu’est-ce qu’on y trouve, etc…). Non, je vais m’attacher à ce qui me tient à cœur, c’est à dire à ce qu’en a fait BBE pour cette traduction. Je pars donc du postulat que le lecteur aura une connaissance ne serait-ce que minime de ce qu’est un jeu de rôle d’une part, et de l’univers de D&D d’autre part.

Cependant, cette cinquième itération est celle qui m’a définitivement réconciliée avec D&D. À la lecture du livre, j’ai retrouvé le même plaisir que lors de ma découverte de la première version de l’Ancêtre : un système – relativement – simple et facile de prise en main, et un retour aux source de ce qu’est réellement D&D et qui en a fait LE jeu fondateur de tous les autres. Finies les dérives des versions précédentes qui avaient fait que bon nombre de joueurs de la première heure s’étaient tournés vers d’autres cieux. Avec cette mouture, WotC revient aux bases de son jeu et c’est tout ce qu’on pouvait souhaiter.

La forme, donc.

La traduction n’est pas quelque chose qui s’improvise. Surtout dans certains milieux, comme celui du Jeu de Rôle. En effet, il faut, outre le fait de savoir se “démerder” en anglais (notez les guillemets) et de ne pas être une tanche dans la langue de Molière, savoir jongler avec de très nombreuses contraintes : le temps, le respect de l’oeuvre VO, le temps, le respect de certains termes imposés, le temps, des contraintes de signes à ne pas dépasser (sinon c’est le maquettiste qui s’arrache les cheveux) … Ah, et j’oubliais : le temps !

J’ignore quel est le signage total du livre (je dirais facilement 1.500.000 caractères) et le temps dont l’équipe a disposé (équipe composée de 3 personnes à la trad’ et d’un peu plus à la relecture si j’en crois l’ours), mais la tâche était considérable.

Note : j’ai rédigé ce retour sur mon temps libre. J’ai pris le temps de faire une lecture approfondie, en y mettant tout mon cœur de fan de la première heure. Je n’ai (malheureusement) pas pu passer l’intégralité du livre au crible ; je me suis arrêté dans cette relecture détaillée après un peu plus de 170 pages, la suite n’ayant été que survolée. Par respect pour BBE qui nous a gentiment envoyé le Player en SP, il me semblait hors de question de différer trop la parution de ce papier. Cependant, je pense avoir assez de matière pour pouvoir étayer ce retour le plus honnêtement possible. 

Ceci étant précisé, allons-y.

Le contenant

L’ouvrage est beau, classe, lourd, imposant avec ses 300+ pages et sa magnifique couverture. Du solide et du résistant. Et ce n’est pas un euphémisme.

Voilà ce qu’il en est aujourd’hui de mon PH VO. Certes, il a été ouvert et refermé plus d’une fois, mais j’ai l’habitude de prendre soin de mes livres et de ne pas les maltraiter. Et pourtant, la reliure a complètement lâché et un bloc de 120 pages s’est détaché. Alors que pour avoir manipulé tout autant la VF ce derniers jours, rien n’a bronché. Le livre est toujours impeccable. Et ça, c’est bien.

En ce qui concerne la maquette, elle est très proche de celle de la VO. À certains endroits, des images ont changé de place, soit pour coller à la mise en page ou pour alléger la maquette. Quant à la police, elle est, si mes vieux yeux ne me trompent pas, différente de celle de la VO, et plus lisible. Un second bon point, parce que lorsqu’on doit se plonger dans la lecture d’un paragraphe particulier, il est bon de ne pas se ruiner les yeux. Sinon, le toucher du papier glacé est très agréable et ajoute encore un peu à cette touche “luxe” de l’ouvrage.

Le livre est donc impeccable et BBE a réussi à faire mieux que WoTC. Un bel objet qui se tient et qui ne se dégrade pas au fil du temps.

Le contenu

Je suis parti dans l’idée de lire le livre sans me soucier de la VO et de me référer à cette dernière seulement lorsque quelque chose me semblait peu clair. 

Il faut l’avouer, je me suis arrêté de bien nombreuses fois dans ma lecture. À chaque fois que cela se produisait, j’allais donc voir la VO et faisait un comparo entre les deux versions. Puis, avant de noter quoi que ce soit, j’allais vérifier dans l’errata mis en ligne par l’éditeur sur son forum pour voir si la coquille avait été repérée. Si ce n’était pas le cas, je la notais.

Au final, ce sont en gros 5 pages de notes que j’ai conservées (notes qui seront confiées à BBE, évidemment).

Il y a quoi, dans ces pages ? Un peu de tout. Des coquilles de typo, des tournures de phrases un peu bancales, des ratés, des oublis, des confusions, du superficiel et du un peu plus gênant… Superficiel lorsque c’est juste des coquilles orthographiques, gênant quand le texte vient à transformer la VO et à en modifier le sens. (Non, je ne ferais pas une liste des erreurs relevées, le sujet ici n’est pas de plomber le travail de l’éditeur mais de faire un topo général sur la VF).

Les coquilles de trad’, ce n’est pas d’aujourd’hui. Je me souviens encore avec un petit sourire aux lèvres de la première fois où j’ai lu la VF du player d’AD&D 2ème édition. Il y avait des trucs mémorables. Des ratés ou des mauvaises interprétations ont sans doute dû se glisser ici et là. Est-ce que cela m’a empêché de passer de très nombreuses années à jouer à AD&D2 à l’époque ? Non, pas du tout. Ce qui signifie que, pour un joueur 100% francophone, même s’il remarquera certainement certaines des coquilles à la lecture, son plaisir de jeu n’en sera pas réduit pour autant.

De mon point de vue, c’est un peu différent. Parce que j’ai eu la chance de pouvoir faire la comparaison entre les deux versions. Et il y a certaines différences notables entre les deux. Maintenant, il faut mettre les choses à plat et faire la bonne analyse.

  • Est-ce que j’aurais fait mieux ? Il est toujours facile de critiquer à posteriori. Mais c’est beaucoup moins évident quand on a les mains dans le cambouis. Donc, là-dessus, il faut être honnête : sur certains points, peut-être (c’est le vieux fan de DD qui parle ici, et qui aurait peut-être remarqué certains trucs particuliers). Mais il n’est pas impossible que je me sois vautré à des endroits où l’équipe de BBE n’a pas fait de boulettes.
  • Est-ce que les erreurs sont rédhibitoires ? L’erreur est humaine, dit-on. Donc non, foncièrement, aucune de ces erreurs n’empêche de jouer. Et heureusement.

Ben alors, il est où le problème ?

Il n’y a pas de réel problème (des “vrais” problèmes, il y a en beaucoup dans la vie de tous les jours, et ils sont bien plus importants), mais, pour ma part – et cela n’engage que moi – une certaine frustration. Évidemment, on veut toujours le meilleur pour ce que l’on apprécie, et on a envie d’avoir entre les mains l’objet le plus parfait qui soit. Peut-être ai-je trop fantasmé cette VF de l’Ancêtre et je suis un peu déçu des coquilles qui s’y sont glissées. Mais, d’un autre côté, la critique est facile quand on parle de quelque chose auquel on n’a pas été confronté. Parce qu’au final, on en est où ?

Conclusion ?

Au final, que retenir de cette VF ? Plein de choses, à mon sens. Sa principale qualité, c’est qu’elle va permettre à un nombre considérable de joueurs anglophobes de (re)découvrir le vénérable jeu fondateur, celui qui est à l’origine de tous les autres. Donjons & Dragons, le jeu qui a donné naissance à plusieurs générations de rôlistes est lisible dans la langue de Molière. Et ça, ce n’est pas rien. Il ne fait aucun doute que cette VF va permettre de convertir de nouveaux joueurs à ce loisir si longtemps décrié, et va aider à le démocratiser et à le faire connaître. Alors certes, de mon modeste point de vue d’ultra fan, cette VF n’est pas parfaite ni exempte de défauts. Mais qui l’est réellement ?

Cette traduction de la  cinquième édition de D&D a le mérite d’exister, elle remplit parfaitement son job. Je ne souhaite qu’une chose : c’est qu’elle ne fasse que s’améliorer encore avec le temps. Rien que pour cela, chapeau bas aux Hommes en Noir !

La suite ?

Et bien la suite, ce sera le Monster Manual (reçu il y a quelques jours). Ensuite, devrait sortir le dernier du triptyque de base, c’est à dire le Dungeon Master Guide (septembre, à priori). Il ne fait aucun doute que BBE fera tout son possible pour encore améliorer la qualité des volumes à suivre pour sublimer définitivement cette cinquième édition.

Et n’oubliez pas que les dés ne sont là que pour faire du bruit derrière le paravent !

Bien évidemment, aucun Tipee n’a été blessé lors de la rédaction de cet article.

 

2 thoughts on “D&D, père de tous les JdR, et sa cinquième incarnation française.

  1. Cet artcle m’a emu car il me replinge 30 ans en arriere… j’aimerai respurer a nouveau ce bon air de ad&d…

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