Edge of Tomorrow

eMaginarock egde afficheFutur proche. Les sociétés humaines ont été balayées par une invasion extraterrestre. De ces Mimics les survivants savent peu de chose hormis le fait avéré qu’ils sont très organisés, rapides et sans pitié. Forcées à la coalition pour combattre cet ennemi implacable, les nations ont créé l’UDF, l’United Defense Force. Une récente victoire a surpris l’armée, celle de Rita Vrataski, une jeune femme sortie de nulle part qui a tué plus d’une centaine de Mimics dès son premier combat à Verdun. Un argument de choix pour William Cage, major certes mais surtout chargé des relations publiques qui met en avant l’image de cette jeune et belle guerrière pour encourager les civils à rejoindre l’armée. Manque de chance pour ce gratte-papier, le général Brigham lui ordonne un beau jour de rejoindre le terrain dès le lendemain à l’occasion d’une opération dont il devra couvrir le déroulement pour le public. Couard se croyant plus malin, Cage tente de se soustraire à cette mission mais est rapidement mis aux arrêts. Inscrit comme déserteur, il se retrouve en plein enfer sur une plage française et meurt dans une explosion… pour se réveiller au matin précédent le combat et se faire tuer de nouveau quelques heures plus tard. D’abord incrédule, Cage se rend à l’évidence : chaque fois qu’il meurt, il revient à son point de départ et endure, encore et encore, une mort violente. A l’occasion d’un énième combat sur cette même plage, il approche Rita Vrataski qui semble deviner sa situation. Elle lui demande de venir la voir lorsqu’il se « réveillera ». Cage parvient à survire assez longtemps pour la retrouver et apprendre l’impensable : dès son premier jour, il aurait mêlé son sang à celui d’un Mimic et assimilé une partie de son pouvoir, agissant sur le temps et entrant dans une boucle temporelle. Pour en sortir, Cage devra survivre à cette journée sans fin pour chercher, trouver et anéantir le Mimic Oméga qui contrôle les autres. Aidé de Rita qui a vécu la même chose, Cage s’entraîne à devenir un soldat d’élite, utilisant tout ce qu’il apprend avant chacun de ses décès.

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Lorsque l’industrie américaine du cinéma s’empare d’un roman étranger à succès pour en faire un film, on tremble toujours un peu. Sur Edge of Tomorrow, force est de constater qu’on a raison de penser que les scénaristes américains ne peuvent s’empêcher de faire du ciné US… La mention « d’après le roman de Hiroshi Sakurazaka » est évidemment obligatoire pour éviter toute poursuite mais il est bien dommage que l’adaptation respecte si peu les grandes qualités du roman.
Heureusement, quelques principes et idées majeures sont là, offrant au spectateur n’ayant jamais lu le livre, du bon spectacle.

En bon réalisateur de films d’action, Doug Liman remporte ici le défi de la Sf et propose une pure figure de style blockbuster, sublime les scènes de combat menées avec une virtuosité qui se passe d’emphase où tout bouge et va très vite, contrastant entre le choc de la mort et celui du réveil du héros, encore et encore. Alignant les images en un bon élève, il donne corps à un scénario qui a choisi son camp, loin derrière le pathos nippon, si unique et inimitable et visiblement incompatible avec la culture US.

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Férus de complot militaire, les scénaristes ont ainsi transformé le héros de soldat lambda souhaitant seulement échapper à une mort certaine en quinquagénaire plus prompte à tromper son monde sur le papier que dans la vie. Anti-héros à sa manière, William Cage n’est donc pas le symbole d’une jeunesse sacrifiée mais un couard qui préfère envoyer les autres à la boucherie, convaincu que seul son talent de publiciste peut apporter de quoi grossir les rangs de l’armée. Cet orgueil se trouve vite flétrit face à la mort, mais offre la part belle à une intelligence jusque-là inexploitée : sa capacité à tirer parti de toutes les situations ajouté à un zest de malice. Pour autant, Cage meurt encore et encore avant de souhaiter véritablement sauver autre chose que sa carcasse. Ainsi donc, le héros, le sauveur se trouve, par le plus grand des hasards, être un égoïste de première. Personnage certes occidentalisé mais assez bienvenu, le héros perd quand même de cette originalité lorsque le déclic qui le pousse au changement se trouve être une jolie jeune femme… Rita Vrataski est assez fidèle à son homologue de papier. Même nom, même parcours, même mauvais caractère et sens du sacrifice, elle est l’anti-thèse de Cage et si leurs personnalités opposées se rejoignent finalement, même sentimentalement, cela ne reste qu’au service d’une seule cause : LA mission donnée par le destin.

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La nature même de Cage et de Rita fait que leur relation laisse filtrer quelques scènes et répliques source d’un humour décalé, très américain mais agréable, renforçant la personnalité de Cage.
La succession des journées se répétant, la fatalité de chaque mort, la douleur et la brutalité s’amenuisent pour le spectateur comme cela semble être le cas pour les héros. Pourtant, on peut regretter que l’accent ne soit pas plus mis sur la corrélation entre peur primale et douleur intense subies pas Cage comme cela est le cas dans le roman All You Need Is Kill de Hiroshi dont le héros décrit la répétition de ses blessures mortelles et l’accumulation des souffrances, premier moteur de sa volonté de survivre chaque fois plus longtemps à cette journée infernale.
Le principe majeur du film, la boucle temporelle, est bien mis en scène. Les rencontres qui se renouvellent, les présentations, le déroulement du combat avec ses ratés auxquelles échappe peu à peu Cage, les astuces pour ne plus être entravé dans son action ni par les Mimics ni par les autorités militaires qui sont maintenant devenues un ennemi d’un autre genre… Rien ne manque et les incohérences sont absentes.
On apprécie la mise en place du cœur de cette histoire, sa compréhension par les deux héros, leur rencontre, la mission, les moyens à mettre en œuvre et la sobriété de leur romance. On décroche un peu dans le dernier tiers du film qui, non content d’expédier rapidement les évènements, glisse franchement sur la pente du blockbuster US avec ses rôles secondaires qui agissent bêtement et se font tuer de suite, le face à face glorieux et le super happy end… En dehors du fait que cela se passe non au Japon comme dans le roman ni aux USA comme la plupart des films Sf récents mais en Europe, on regrette les écarts de plus en plus grands avec l’œuvre originale.

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Les acteurs se débrouillent pas mal avec ce scénario dont on s’étonne qu’il ait mobilisé autant de mains. Tom Cruise, Mr Blockbuster Sf depuis Minority Report et un peu vieux pour le rôle (52 ans à la sortie en salle), fait du Tom Cruise, à l’aise en toute circonstance mais pas mieux qu’un autre acteur du même gabarit. Emily Blunt surprend par sa stature physique, son ton glacial, son assurance de soldat aguerri dans un corps si menu, sa détermination. Elle est la réelle bonne surprise du casting alors que des pointures telles que Bill Paxton et Brendan Gleeson sont inexploitées.

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Artistiquement, c’est du sans faute. Tout dans les décors successifs évoque l’état de guerre et de désolation, un siège à échelle mondiale. Les combi mécanisées de combat avec leurs accents Starship Troopers valent le détour de même que les vastes étendues d’affrontement devenues charniers géants où tout explose.

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La grande réussite reste l’apparence et la dynamique des Mimics qui sont franchement très esthétiques, vifs, aussi voire même meilleurs visuellement que les machines ennemies jurées du monde de Matrix, celles avec des tentacules brillantes grignoteuses de métal. Ici, les Mimics sont de parfaites alliances mi-animales, mi-bestiaire fantastique, mi-machines. Elles bougent très vite, insufflant immédiatement la peur chez leurs opposants humains et un suspense de poids chez le spectateur. Comment vaincre ça ?!

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Par contraste, le duel final laisse un arrière-goût amer de facilité, de dénouement expédié bien trop vite en dépit d’une superbe vue plongeante.
La musique très électro s’accorde à l’image, accentue le suspense et l’ambiance post-apocalyptique sans espoir, zone de guerre féroce et de mort assurée.

Edge of Tomorrow peut être qualifié de bon film Sf à ceci près qu’il américanise beaucoup trop l’œuvre originale d’Hiroshi Sakurazaka et que, contrairement à nombre de films qui mériteraient d’être plus courts, il aurait grandement bénéficié d’une fin plus soignée, quitte à s’allonger un peu. En conclusion, lisez le roman APRES avoir vu le film, vous profiterez ainsi mieux des deux versions.

 

Edge of Tomorrow
Réalisateur : Doug Liman pour Warner Bros., Village Roadshow Pictures
Scénario : Dante Harper, Joby Harld, Alex Kurtzman, Christopher McQuarrie, Roberto Orci, d’après le roman All You Need Is Kill de Hiroshi Sakurazaka
Photographie : Dion Beebe
Direction artistique : Oliver Scholl
Musique : Christophe Beck
Avec : Emily Blunt, Tom Cruise, Brendan Gleeson, Bill Paxton, Jonas Armstrong…
Sortie France : 4 juin 2014

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