Tous pour un ! Régime diabolique

Tous_Pour_UnEt un pour tous !

Ce début d’année 2014 semble devoir faire le bonheur des amateurs de cape & épée ! En effet, après les Lames du Cardinal et en attendant XVII – au Fil de l’Âme, voici que débarque en nos contrées Tous pour Un ! Régime diabolique, une traduction d’un jeu américain par l’équipe de Sans Détour – ceux-là même qui viennent pourtant d’éditer les Lames susnommées. (un choix expliqué dans l’interview qui suit cette chronique)

« Abondance de choix ne nuit pas », comme dit le proverbe : aussi penchons-nous sur ce manuscrit plein de promesses.

Le régime diabolique

Nous sommes donc en France, sous le règne de Louis XIII alors que le pays – sous la guidance du premier ministre Jean-Armand du Plessis de Richelieu, Cardinal de son état – est engagé dans de nombreux conflits à travers toute l’Europe.

Mais la véritable guerre, presque personne n’en a connaissance : elle se livre contre un ennemi indicible, insaisissable mais pourtant bien réel. C’est lui qui tire les ficelles et répand la désolation dans le Vieux Monde : le diable en personne, dont les séides – monstres et démons – sillonnent le pays pour tenter les humains ou plus simplement les massacrer.

Seul rempart face à cet adversaire de taille : les mousquetaires du Roi ! Tous pour Un propose aux joueurs d’incarner des membres de ce corps prestigieux et de se lancer dans des aventures qui emprunteront autant au genre cape & épée (scènes d’action dynamiques, intrigues alambiquées, complots et romances…) qu’à celui du fantastique (horreur et magie au programme). Bien que ce choix de création puisse sembler un peu limité, il n’en est rien car avant d’être mousquetaire, le personnage peut avoir exercé divers métiers : espion, duelliste, prêtre, alchimiste, soldat, etc. ; et ainsi disposer d’un vaste panel de compétences – de quoi aisément diversifier le groupe.

Dans l’univers de Tous pour Un, l’histoire romancée à la Dumas se conjugue donc avec le soufre de la présence avérée de Satan – et le Cardinal de Richelieu n’est rien de moins que son agent sur Terre ! Démons et monstres existent bel et bien et les personnages devront croiser le fer avec des loups-garous et des vampires, mais aussi de simples hommes tentés par les promesses du Malin (ou juste des adversaires du bon Royaume de France !). La magie est également une réalité et les personnages peuvent la maîtriser : il en existe plusieurs écoles avec divers sorts (de la même façon qu’il existe des styles d’escrime).

Ce pitch assez prometteur permet d’imaginer aisément un contexte propice à de nombreuses aventures débridées. On peut dès lors regretter qu’il ne soit guère plus développé : Tous pour Un se contente de dépeindre très brièvement la situation et même si un chapitre entier fournit diverses factions (alliées et antagonistes) ainsi qu’un riche bestiaire, le jeu ne va au final guère au-delà de sa note d’intention. Un meneur de jeu imaginatif n’aura certes aucun mal à broder sur ce canevas convenu (et suffisamment porteur d’images d’Épinal pour enflammer une plume inspirée) mais un autre moins expérimenté devra sans doute piocher ici et là pour compléter un background limité. D’autant qu’aucun scénario n’est inclus dans le livre pour permettre de lancer une aventure rapidement.

Feinte, parade et botte !

Du côté de la mécanique de jeu, on se retrouve devant une mouture du système Ubiquity, calibrée pour le genre cape & épée – des règles communes avec ses aînés Hollow Earth Expeditions et Leagues of Adventures (également édités par Sans Détour).

Le joueur crée son personnage en choisissant un archétype et une motivation, puis détermine ses attributs, ses compétences et ses talents (qui sont des capacités le différenciant du commun des mortels : des atouts à utiliser lorsque les circonstances s’y prêtent) mais aussi un défaut (qui va lui ajouter un peu de piquant). Un système de ressources permet également au mousquetaire de se constituer un panel d’avantages – comme des serviteurs, des relations, une fortune personnelle, une école d’escrime… Complétant ce profil, le personnage dispose de points de Style qui lui permettent d’accomplir les exploits les plus héroïques ! Plusieurs prétirés sont fournis en tant qu’exemples – de quoi commencer une partie au débotté.

Les règles sont les suivantes : en lançant autant de dés que la somme attribut + compétence, il faut obtenir autant ou plus de succès que la difficulté (lesdits succès étant obtenus sur les faces paires des dés lancés). S’ajoutent à cette base quelques subtilités : les talents déjà cités apportent des bonus divers, les points de Style augmentent le nombre de dés à lancer, etc. Faire la moyenne est un mécanisme permettant de limiter les jets : vu qu’un dé a une chance sur deux de donner un succès, on déterminer selon le nombre de dés que l’on lance combien de ces succès on va obtenir en moyenne – si celle-ci surpasse alors la difficulté, l’action est réussie sans prendre la peine de faire un jet. De quoi se concentrer sur les péripéties de l’aventure !

Tout un chapitre est dédié à la magie que les personnages peuvent pratiquer : une arme de plus dans leur arsenal pour lutter contre les démons et de quoi colorer un peu plus ce 17e siècle occulte.

Ubiquity est certes un système générique mais il est bien adapté pour tout ce qui est un peu pulp et dynamique. Un meneur de jeu un peu bricoleur peut de plus aisément mettre les mains dans le cambouis pour y changer certains paramètres. Même s’il ne bénéficie pas de règles réellement dédiées, Tous pour Un profite donc d’un Ubiquity qui a déjà fait ses preuves.

Enluminure

Tous pour Un ! Régime diabolique se présente sous la forme d’un livre de deux cent pages à couverture cartonnée : un format classique et éprouvé chez cet éditeur. L’intérieur est en noir et blanc et propose des illustrations réellement inspirantes – mettant en scène des mousquetaires face à leurs adversaires démoniaques, dans des poses dynamiques qui donnent envie de jouer de telles scènes !

Toutefois, malgré cette présentation solide et carrée, on ne peut s’empêcher d’imaginer qu’un tel contexte aurait mérité plus de flamboyance – avec de la couleur peut-être ou une maquette un peu moins sage.

À la fin de l’envoi…

Tous pour Un ! Régime diabolique laisse une étrange impression à la lecture. Malgré sa promesse ludique qui ne peut que séduire, il semble lui manquer un petit quelque chose. Peut-être est-ce dû au côté générique de son background par ailleurs fort peu développé ou à ses règles certes efficaces mais manquant cruellement de personnalité ? Le fait de sortir dans la foulée des Lames du Cardinal – projet qui a l’avantage de bénéficier d’une trilogie romanesque en appui et d’une présentation des plus prestigieuses (coffret, couleurs, tarot dédié…) – n’est sans doute pas étranger à l’avis mitigé que peut produire Tous pour Un sur le lecteur.

Toutefois, son aspect générique est aussi un avantage qui le rend aisé à assimiler – voire à phagocyter. Si vous êtes un meneur de jeu aimant greffer sur une base solide vos propres idées et n’avez pas peur de fournir un peu de travail, alors Tous pour Un ! Régime diabolique – avec son cortège de démons et ses mousquetaires alchimistes – a tout pour vous séduire !

Tous pour Un ! Régime diabolique

Un jeu édité par Sans Détour

200 pages

36 €

Trois questions à l’équipe de Sans Détour, éditeur de Tous pour Un ! Régime diabolique

eMaginarock (M) : Tous pour Un ! Régime diabolique est un jeu de cape & épée où les personnages affrontent des créatures surnaturelles. On a là un pitch très proche de celui des Lames du Cardinal que vous éditez aussi. Pourquoi ce choix quasi auto-concurrentiel ?

Sans Détour (SD) : On dit que « choisir, c’est renoncer ». En l’occurrence, plutôt que de choisir entre les Lames du Cardinal et Tous pour Un !, nous avons décidé de produire les deux. Pour les Lames du Cardinal, nous avions une opportunité exceptionnelle d’adapter l’œuvre de Pierre Pevel et de la faire illustrer par Loïc Muzy. Le jeu s’appuie sur une vraie collaboration des joueurs à travers un système de cartes unique et très apprécié par tous ceux qui l’ont pratiqué.
Avec Tous pour Un !, nous avons retrouvé la mécanique Ubiquity qui nous avait plu dans Hollow Earth Expeditions et Leagues of Adventure. Ce système, commun à toutes ces gammes, permet aux joueurs qui le connaissent de découvrir aisément cet univers.

M : Comptez-vous mettre en place une synergie de gammes ? Une adaptation du système Ubiquity aux Lames du Cardinal ou des suppléments transversaux entre ces deux jeux ?

SD : C’est une possibilité que nous étudions pour l’avenir. Notre objectif est aujourd’hui de proposer une vraie synergie entre les deux gammes.
Elles peuvent compléter réciproquement leur background, les meneurs de jeu peuvent puiser d’un côté et de l’autre des éléments d’intrigues et, de fait, un supplément à paraître pour l’une des gammes peut très bien intéresser les deux publics. On peut, par exemple, jouer les scénarios de l’une des gammes avec les règles de l’autre si les joueurs ont une préférence.

M : Qu’est-il prévu en matière de suivi pour Tous pour Un ! Régime diabolique ?

SD : C’est une gamme vivante aux États-Unis. L’éditeur originel propose des suppléments et quantités de supports à télécharger. Le jeu a son public et c’est ce qui pousse les éditeurs à proposer un suivi.
L’espion de Jussac nous rapporte que le prochain supplément sera Tous pour Un ! Paris Gothique, à paraître pour la rentrée 2014.

Propos recueillis par Romain d’Huissier

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