La Nuit des Morts Vivants

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Night_of_the_Living_Dead_afficheFilm culte entre tous, La Nuit des Morts Vivants est l’oeuvre phare, la matrice du film de zombies. A une époque qui niait les qualités du film d’horreur mais dont l’industrie cinématographique s’essoufflait, le genre est apparu comme bouée de sauvetage financier. Ce qui aurait été le cas si les circuits de distribution avaient suivi… Qu’importe, George A. Romero, maître des zombies sur grand écran, n’a attendu après aucun producteur ni distributeur pour ouvrir grand la porte des salles obscures à ses créatures d’outre-tombe. Après un premier film (1968) à budget très limité, aux droits d’auteur si mal négociés qu’il tomba dans le domaine public et ne rapporta rien à ses créateurs, un remake plan par plan (1990) affirma la superbe évidence : La Nuit des Morts Vivants est LE film de zombies.

Une route déserte en pleine campagne américaine, un après-midi banal de fin d’été. Johnny et sa soeur Barbara se rendent sur la tombe maternelle. L’ambiance n’est pas au beau fixe, Johnny taquinant et critiquant l’effort déployé pour remplir ce devoir filial qu’il juge inutile tandis que Barbara tente de le raisonner. C’est donc en se querellant qu’ils quittent leur voiture et fleurissent la tombe de leur mère. Un vieil homme titube vers eux et agrippe Barbara mais il ne répond pas aux questions que lui posent les deux jeunes gens et repart, hagard. Ils l’observent et ne voient pas un autre homme approcher, la face abîmée par de sales blessures et attaquer Barbara. Sous les cris de sa soeur, Johnny saisit le bonhomme agressif, une bagarre s’ensuit, Johnny heurte de plein fouet une pierre tombale et tombe mort. Immédiatement, l’agresseur redirige sa rage vers Barbara qui voit d’autres gens se frayer un chemin entre les tombes, certains sont dévêtus et portent les cicatrices d’autopsie, de coups, de blessures trop graves pour qu’ils puissent y survivre et marcher! Barbara fuit, saute dans sa voiture mais elle est si paniquée qu’elle enlise le véhicule et doit poursuivre à pied, chercher de l’aide.Une maison se détache enfin dans le paysage. Mais personne ne répond à ses appels. Barbara entre et tombe rapidement nez à nez avec de nouveaux morts qui marchent. Alors qu’elle cède au désespoir, un homme survient et la sauve. Il est bien en vie, se nomme Ben, cherche de l’aide également et une voiture. Seuls sur place et la nuit tombant, Barbara et Ben décident de se barricader et de chercher de quoi se défendre dans la maison abandonnée. Quoique… Des bruits annoncent qu’elle n’est pas aussi vide que ça. Passeront-ils la nuit ? Qu’arrive t-il autour d’eux ? Pourront-ils fuir une fois le jour levé ?

Si vous connaissez le film original et son remake, vous remarquerez quelques variantes dans le résumé mais globalement, les deux opus sont semblables, exception faite des acteurs bien entendu et du passage du noir et blanc à la couleur.
Le scénario est le même à ces détails près (en 1968 le parent visité par Johnny et Barbara était leur père, en 1990, c’est leur mère) et fut écrit par Romero et son complice John Russo. Romero resta marqué par le roman de Richard Matheson, Je suis une légende, et s’en inspira pour écrire son scénario. Les morts qui marchent, devenus ce qu’ils sont sans explication rationnelle pour ménager le suspense et l’angoisse, sont physiquement plus faibles chez Romero mais leur nature même suffit à nourrir la peur. Autre élément d’importance, qui marque l’ensemble du cinéma de Romero et sa saga des zombies dont La Nuit des Morts Vivants fut le premier volet, la dimension politique du récit. Le premier rôle tenu par un noir américain choisissant de résister, de se battre face à la menace plutôt que de se cacher, sans espoir de récompense autre que la vie, véhiculait un message fort déjà en 1968 alors que les USA menaient une guerre controversée au Vietnam. En 1990, le message est le même mais plus universel et l’épilogue déploie une critique plus acide de la nature humaine qui, dans son souci de survie, redevient un animal, oublie ses capacités de conscience, de réflexion, ses devoirs envers ses semblables, jusqu’à son humanité.

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En 1968, Tom Savini, le réalisateur du remake de 1990, était déjà un proche collaborateur et ami de Romero mais mobilisé au Vietnam, il n’avait pu participer au tournage. Spécialiste des effets spéciaux et du maquillage, il fut donc naturellement sollicité par Romero lorsque ce dernier décida de tourner un nouveau film pour récupérer les droits sur son oeuvre.
Différence de moyens oblige, le budget de 1968 réunit grâce un jeu de sponsorisation amicale et artistique passe de 114 000 dollars à plus de 4 millions en 1990, ce qui implique plus de possibilités pour le tournage du remake. L’équipe garda ses fers de lance mais se modernisa et surtout s’agrandit. La réputation assise de Romero lui permit de ne plus se soucier d’économiser jusqu’à la pellicule.
Dans le premier film, la mise en scène est très hitchcockienne, un peu vieille école, mais fait son effet avec une musique sombre, des corbeaux très sonores dans le cimetière, le tonnerre dans la nuit qui enveloppe les reclus, l’obscurité de la maison où Barbara trouve refuge, de gros plans sur des visages très expressifs, un suspense quant à l’état de santé évolutif d’une rescapée mordue par un mort vivant, des indices semés par des moyens de communication médiatique. Le huis-clos est très présent, très pesant, typique du cinéma d’alors car ayant fait ses preuves plus d’une fois.

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Dans la version de 1990, la photographie couleur est plus soignée surtout en extérieur, elle pose l’ambiance “gare à vous” dès les premières minutes, situant la saison, la fin de journée, accentuant l’impression pesante de chaleur comme une menace en elle-même. Le ton entre frère et soeur est moins solennel, les explications médiatiques ont laissé la place aux supputations des protagonistes, la couleur accentue aussi le rendu du maquillage des zombies qui en plus d’êtres un peu plus nombreux (plus d’argent pour embaucher) sont plus effrayants, dérangeants. Les morts vivants sont également plus dans le ton, plus convaincants, plus démonstratifs et agressifs. Les effets spéciaux rendent plus crédibles les coups de feu et autre explosion pour les années 90. La musique est d’égale qualité et met l’accent sur le suspense.

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Le rôle de Barbara (Patricia Tallman) est moins passif, côté moderne du scénario cette fois, elle n’est plus une faible femme terrorisée, elle reprend le dessus et se bat pour survivre au même titre que les personnages masculins, allant même jusqu’à démontrer que les faiblesses moteur des zombies est à leur avantage à condition de vaincre sa peur.

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Duane Jones comme Tony Todd campent un Ben décomplexé de sa couleur de peau, un homme fort qui ne se laisse pas vaincre par la peur des autres ni la sienne. Il communique son courage à ceux qui en ont besoin. Ce personnage de meneur fiable deviendra l’archétype du héros de film de zombies comme le personnage masculin d’égoïste lâche tenu par Karl Hardman puis Tom Towles deviendra son opposé nécessaire.

La Nuit des Morts Vivants n’a pas marqué qu’une génération, il a créé, imposé un genre cinématographique et l’a réinventé en s’adaptant à une époque différente, s’attachant un public toujours plus large. George A. Romero n’a jamais renié ses premiers pas dans l’industrie des longs métrages, il a sans cesse amélioré son art et installé pour longtemps le genre film d’horreur et de zombies au panthéon du cinéma non comme un simple film de genre mais comme une réflexion sur la nature humaine, sa vulnérabilité et les plus primales de ses terreurs. Nombreux sont les écrivains et artistes qu’il a inspiré et inspire encore. Franchement, un bon film pour Halloween, un seul, c’est celui-ci, en deux versions au lieu d’une !

 

La Nuit des Morts Vivants
Réalisateur : George A. Romero (1968), Tom Savini (1990)
Scénario : George A. Romero et John A. Russo
Production : Latent Image (1968), 20th Century Film, Columbia Pictures (1990)
Maquillage : Karl Hardman (1968), John Vulich, Everett Burrell (1990)
Musique : Scott Vladimir Licina (1968), Paul McCollough (1990)
Avec (1968) : Duane Jones, Judith O’Dea, Karl Hardman, Marilyn Eastman, Keith Wayne, Judith Ridley, Russel Steiner…
Avec (1990) : Tony Todd, Patricia Tallman, Tom Towles, William Butler, Katie Finneran, Bill Moseley…
Sortie USA : 1er octobre 1968 , 19 octobre 1990

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