Stalker – Arkadi et Boris Strougatski

strougatskistalkerAlors que les éditions Denoël viennent de sortir L’escargot sur la pente d’Arkadi et Boris Strougatski, je me suis penché sur une nouvelle traduction de Stalker, leur grand classique, parue il y a deux mois chez Folio SF. Entièrement retraduit par Svetlana Delmotte et supervisé par Viktoriya Lajoye, cette édition a de quoi combler le lecteur que je suis, qui avait juste entendu parler de cet ouvrage par un photographe et artiste rémois qui séjourne régulièrement à Pripyat pour y montrer que la vie y existe toujours ainsi que pour mettre en avant les gens qui vivent non loin de là et de la zone interdite qui ceint la centrale tristement célèbre de Tchernobyl.

Il n’est cependant nullement question de nucléaire dans Stalker, et pourtant de nombreux points peuvent y faire penser. Et même si on parle des hommes et des femmes qui se sacrifièrent pour sceller la centrale maudite en utilisant le terme de stalkers, c’est plutôt celui de liquidateurs qu’emploie Svetlana Alexievitch dans son remarquable La supplication qui reste, à mon sens, le plus adapté et le plus évocateur.

Revenons à ce chef d’œuvre de la science-fiction. Nous y suivons Redrick le stalker. Sur sa version de la Terre, des extraterrestres sont apparus en divers endroits du globe durant ce que l’on appelle la Visite. Une Visite, aussi brève que meurtrière. Les Visiteurs laissèrent derrière eux des zones d’atterrissage dangereuses, mais riches de promesses. En effet, les Zones sont constellées d’artefacts auxquels les hommes attribuèrent des noms particulièrement fantaisistes. Ces artefacts peuvent se révéler des pièges mortels comme de véritables objets miraculeux. Gardées par le complexe militaro-industriel, les Zones ne sont pas accessibles, sauf pour ces chasseurs de trésors et de terreurs que sont les stalkers.

Nous suivrons donc Redrick dans les moments les plus importants de sa vie et surtout assisterons à ses visites dans la Zone de la ville d’Harmont. Décrites avec moult détails, vous verrez que ce sont ces détails qui peuvent vous assurer la vie sauve ou une mort des plus cruelles dans ce milieu peu ordinaire. Vous vous attacherez à Red et verrez grandir son amour pour Gouta, puis pour sa fille, mutante parce qu’il est allé sur ces terres promises.

La grande question de ce roman est le rôle que les hommes peuvent jouer dans un univers où, quand des Visiteurs arrivent, ils ne prêtent pas plus attention à l’humanité que ne le feraient des individus venus pour un pique-nique à l’endroit de fourmis prêtes à se précipiter sur tous les objets perdus lors de la sortie. La relativité de la notion d’intelligence, de la compréhension de l’Univers, mais aussi la sensation de la vie, quelle que soit sa forme, même mutante, donnent à ce roman une saveur particulière grâce à un esthétisme descriptif fort qui a pu être assez bien restitué par la remarquable illustration de Bastien Lecouffe Deharme.

Deux petites merveilles ceignent ce roman inventif qui date de 1972 dans sa première édition et qui pourtant n’a pas pris une ride. Il y a tout d’abord une préface d’Ursula K. Le Guin qui reprend en partie une de ses critiques de l’ouvrage écrite en 1977. Elle y remet cette histoire en perspective et analyse le texte avec une belle pertinence. La seconde belle sensation réside dans sa postface signée en 1997 par Boris Strougatski. Il y parle de la genèse de cette histoire, de la naissance du terme stalker qui y est attaché, des méandres de l’édition sous l’ère soviétique – soit dit en passant, nos maisons d’édition actuelles sont des crèmes à côté -, du revirement éditorial de l’ère Brejnev où il fallait être un auteur bien vu du pouvoir pour paraître, puis des contingences financières pendant la Perestroïka. L’auteur rend vivante l’œuvre en l’écrivant, mais ici il la resitue dans son contexte et lui donne ainsi une autre dimension que j’ai trouvée passionnante. Un classique incontournable soigneusement révisé.

Stalker – Pique-nique au bord du chemin
Arkadi et Boris Strougastki
Couverture illustrée par Bastien Lecouffe Deharme
Traduction par Svetlana Delmotte et Viktoriya Lajoye
Folio
Collection Folio SF
2013

7,20 €

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