Entretien avec Vanessa Callico, auteure de La croisade des Carpates

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eMaginarock: Bonjour Vanessa et Diana, pouvez-vous d’abord vous présenter aux lecteurs de eMaginarock ?

Vanessa Callico: Avec plaisir ! Je m’appelle Vanessa Callico et je suis musicienne. J’ai vingt-quatre ans, j’enseigne en conservatoire et je suis soliste de musique de chambre au sein du trio Arpeggione. Ma mère et co-écrivain Diana Callico est née en 1959 dans le sud du Chili, pays qu’elle a dû fuir adolescente suite au coup d’état de l’armée. Après avoir vécu au Venezuela, elle a étudié en école de commerce et travaillé en France comme ingénieur. La Croisade des Carpates est notre tout premier roman.

M: Est-ce difficile de travailler en famille ? Comment s’est passée la collaboration ?

V.C: Ce n’est pas difficile de travailler entre mère et fille à partir du moment où les rôles sont convenablement définis, ce qui a été très vite le cas. Réfléchir à deux sur une intrigue peut se révéler très intéressant pour l’élaboration d’un livre de littérature imaginaire et permet un tri peut-être plus objectif des idées de chacune d’entre nous. De plus, travailler sur le livre est souvent synonyme de bavardages et divagations sur le roman qui durent des heures avec de grandes digressions sur n’importe quel sujet. C’est enrichissant pour l’intrigue et très amusant pour nous ! Et c’est bien plus motivant d’écrire quand on sait qu’on a au moins une relectrice/ co-auteure attentive qui attend la suite avec impatience… Sans ce soutien, il est très difficile de se consacrer aux centaines d’heures nécessaires à l’écriture d’un roman sans perdre espoir.

M: Qui a travaillé sur quoi ?

V.C: Dans l’ordre: nous avons créé la trame générale du roman dans d’épiques discussions très animées, puis je me suis chargée du volet recherches historiques que j’ai incorporé au squelette du roman, enfin pour des question d’unité stylistique c’est moi qui me suis entièrement chargée de l’écriture, ma mère en étant la première lectrice et correctrice. Plus qu’une écriture à quatre mains, c’est plutôt une écriture à deux cerveaux !

M: Comment avez-vous créé votre univers ?

V.C:Nous étions en voyage à Istanbul en Turquie. En sortant de la basilique Sainte Sophie dont nous avions appris durant la visite qu’elle avait été prise en même temps que la ville par le sultan Mehmed II en 1453, j’ai parlé à ma mère de son terrifiant conflit avec Vlad Drakul.

Toute ma famille a toujours été friande d’anecdotes historiques ou mythologiques… surtout lorsqu’elles sont horribles ou sanglantes ! J’ai donc raconté que le voïvode avait érigé un mur de prisonniers empalés tout le long de sa frontière afin de protéger son peuple de l’invasion ottomane. Il a été dans les premiers de l’Histoire à comprendre l’immense pouvoir politique de la peur. Ma mère a alors affirmé que ce personnage historique méritait bien un livre. Et c’est comme ça que tout a démarré…

M: On voit beaucoup de romans fantastiques vampiriques ou loup-garou, mais peu apocalyptiques. Pourquoi ce choix ?

V.C:Je pense que c’est parce que nous voulions faire quelque chose de radicalement différent. Il existe déjà beaucoup d’excellents romans sur les vampires et les loups-garous, se frotter à tant de production sur ces mêmes sujets dès le premier livre était prendre le risque de ne pas se démarquer. Et on écrit aussi par rapport à soi : notre imaginaire s’est tourné plus facilement vers une intrigue religieuse et symbolique que sur ces figures captivantes des littératures de l’imaginaire… Peut-être pour un autre roman, qui sait ?

M: Pourquoi avoir choisi Vlad Tepes dans sa version finalement historique plutôt que vampirique ?

V.C:Ce pauvre Vlad Tepes doit en avoir ras le pal d’être constamment grimé en goule suçeuse de sang ! Notre roman a démarré sur l’idée même de réhabiliter le personnage historique. Non pour contrer son aura vampirique qui lui va si bien, mais au contraire pour lui permettre de s’enraciner dans un vécu, une époque, des civilisations. Quand un lecteur de La Croisade des Carpates lira de la bit-lit, il aura des références solides sur les quelques anecdotes majeures connues des historiens sur le voïvode de Valachie. Et certes, il n’est nullement excusable pour toutes les horreurs qu’il a fait subir à ses ennemis, mais c’était un homme de principes qui a énormément souffert dans son enfance passée dans la peur et l’exil. Il a prôné l’égalité et la justice dans son peuple, a défendu le commerce et les plus faibles. C’était également un grand chef militaire et un génie politique. Et Mehmed II a empalé bien plus de malheureux que lui !

M: Le roman est assez réaliste, en tout cas une bonne moitié. Pourquoi vouloir rétablir les faits ? Pourquoi ancrer votre Apocalypse dans l’Histoire ?

V.C: L’Histoire regorge d’inspiration pour les écrivains. De plus, cela permet de se cultiver en même temps que le lecteur ! Cette immersion plutôt ludique dans le réel (hors mouches géantes) permet ensuite de se saisir au moins quelques grandes lignes du contexte sociopolitique de l’époque de la fin du Moyen Âge à la frontière de l’Orient et de l’Occident. De quoi impressionner à table en parlant de la rivalité entre les Draculea orthodoxes et les Danesti catholiques, qui se résout à coup d’héritiers de dynastie enterrés vivants !

M: Avez-vous des conseils de lecture sur Vlad Tepes ?

V.C: Je ne saurais trop vous conseiller la lecture du Dracula de Matei Cazacu, la meilleure biographie que j’aie trouvée sur le sujet, par un historien roumain passionné par l’ambivalence de ce personnage mystérieux. La plupart des anecdotes revisitées dans le roman de La Croisade des Carpates (construction de la citadelle de Poenari, supplice de Dan Danesti, feuillets imprimés par les Saxons à l’origine de la légende noire du Drakul, la coupe en or de Targoviste…) ou encore citées par les personnages (par exemple par les janissaires sous la tente, avant l’attaque de nuit des monstres du Gouffre du camp ottoman) sont librement inspirées des conclusions historiques de ce chercheur spécialisé dans la civilisation postbyzantine.

M: Les personnages ont finalement plus d’importance et de poids que l’histoire en elle-même. Etait-ce un choix ?

V.C:Les personnages sont récurrents d’un tome à l’autre, on les suit au travers de leurs réincarnations dans différentes époques, c’est pourquoi ils sont fondamentaux « en soi ».

Par exemple, Niccolai de Modrussa, prêtre catholique opportuniste du Moyen Âge, va subir une métamorphose absolument dégradante, puis se réincarner en universitaire de notre temps pour accomplir ce qu’il appelle « La Mission » : à savoir, pousser Éva dans le vide afin qu’elle devienne la Messagère de la Fin des Temps et qu’elle cherche les quatre Cavaliers de l’Apocalypse dans différentes époques. Son forfait accompli, l’ambition démesurée qui ne l’a pas quitté va lui faire délaisser son poste d’observation sur l’ile d’Atlantide pour partir en Quête du Graal lors de la suite de la saga. Mais son interprétation des signes divins est tronquée par son obscurantisme et sa volonté messianique de sauver le monde : son orgueil lui sera t-il fatal ? Sa Foi inébranlable n’inventerait elle pas toutes les preuves de la volonté de Dieu ?

M: Les personnages d’Éva et de Vlad Drakul, étant les héros principaux de la saga, vont-ils trouver le moyen de se retrouver ?

V.C:Il n’y a pas de créatures fantastiques, mais plutôt démoniaques. Seulement, au lieu des démons habituels, on trouve des mouches ou des vers. Il y a un côté plus sale et dégoûtant par rapport aux entités démoniaques ordinaires, souvent glorifiées. Pourquoi ce choix?

Parce que se transformer en insecte, c’est vraiment affreux. Si on avait le choix entre se transformer en démon immortel foudroyant de sex-appeal ou se suicider pour sauver son âme, un nombre non négligeable de gens dont nous-mêmes hésiterions avant de nous ôter la vie !

Par contre, se métamorphoser en quelque chose d’aussi peu adorable qu’un ver ou une mouche…

M: On retrouve dans votre roman des réflexions plutôt intelligentes sur la mort et la fin du monde. Est-ce quelque chose qui vous fait peur ? Qui vous attire à la fois ?

V.C: On est contentes qu’à eMaginarock vous ayez trouvé nos réflexions plutôt intelligentes ! Nous avons des avis très partagés entre nous sur ces sujets et nous pensons que c’est cette diversité qui fait l’intérêt des théories développées dans le livre. La fin du monde, ou plutôt son traitement par les différentes religions et mythologies mondiales, est une inspiration globale pour la saga, dans son sens universel. En effet, la fin du Moyen Âge est aussi la fin d’une époque, l’arrivée de Cortés au Mexique la fin d’une civilisation. Quant à la mort, nous croyons savoir qu’elle attire tout le monde vers elle…

M: Pourquoi cette luminosité dans la mort ?

V.C: Le concept de Rédemption est fascinant, il est pour moi lié aux théories sur la fin des Temps depuis le cycle du Ring de Richard Wagner (lorsqu’on est professeur de musique, on ne se refait pas). Plus largement, un sacrifice rituel est nécessaire pour redémarrer un cycle dans bien de croyances de part le monde.

M: Pouvez-vous nous donner des indications sur le prochain tome ? Quand sortira-t-il ?

V.C: Lorsqu’Eva va ouvrir de nouveau les yeux, elle va cette fois ci se retrouver dans le corps d’une prêtresse aztèque de Moctezuma, peu avant l’arrivée des espagnols de Cortés. Prise au cœur de ce terrible événement politique qui va peu à peu dégénérer en un massacre sanglant, elle cherchera désespérément le moyen de retrouver son amour perdu, Vlad Drakul, tout en poursuivant sa mission de Messagère de l’Apocalypse. Sa sortie est prévue courant 2014, toujours dans la collection Nuit d’Avril des éditions Asgard.

Toutes les informations relatives à La Croisade des Carpates et à la suite de la saga sont visibles sur la page facebook officielle :

www.facebook.com/LaCroisadeDesCarpates

M: Le titre de la saga fait penser à un total de 7 tomes. Avez-vous déjà la fin en tête ?

V.C: Lorsque les principaux acteurs de la Fin des Temps auront été trouvés par Éva à travers les âges, ils se retrouveront tous pour l’Apocalypse, car chacun y aura un rôle spécifique à jouer.

Mais avant ces derniers moments, nous souhaiterions encore exploiter bien des civilisations riches en mythologie, religions et horribles personnages sanguinaires : Égypte, Scandinavie…

M: Enfin, merci à vous deux pour vos réponses et félicitations pour votre premier tome tout à fait captivant !

V.C: Merci à l’équipe eMaginarock ! Les mystérieuses aventures du tome deux arrivent bientôt…

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