Cloud Atlas

20471737Adaptation du roman éponyme de David Mitchell, Cloud Atlas est un film surprenant, complexe, digne de la « patte » Wachowski et Tom Tykwer à la fois réalisateurs, scénaristes et compositeurs.

Sur six strates de temps, différents personnages mènent le combat de leur vie, du plus périlleux au plus simple, du plus généreux au plus égoïste.
1849, Adam Ewing, jeune juriste qui s’est rendu sur île perdue en plein océan Pacifique, découvre qu’il travaille pour esclavagiste. Il y rencontre l’étrange Dr Goose, le révérend Horrox et se heurte à la violence que subissent les esclaves. Il contracte une fièvre sévère mais embarque néanmoins sur le navire qui doit le ramener à San Francisco. Le Dr Goose s’occupe de lui mais semble bien prompt à lui dérober ses biens. Adam se retrouve en plus mauvaise posture encore lorsqu’il découvre, caché dans sa cabine, un esclave en fuite.
1931, Royaume-Uni. Robert Frobisher, jeune compositeur talentueux sans le sou car renié par un père qui refuse son homosexualité, entre au service du célèbre Vyvyan Ayrs. Le bonhomme, trop âgé pour écrire sa musique, a besoin d’un copiste. Robert se charge de la besogne tout en écrivant son œuvre qu’il baptise Cartographie des Nuages. Néanmoins, l’orgueil du vieil homme va le forcer à livrer une injuste bataille pour en garder la propriété.

1973, San Francisco. Luisa Rey, journaliste, fait une rencontre fortuite qui la mène au cœur d’un complot industriel majeur. Sa source se fait tuer avant qu’elle ne puisse l’entendre et Luisa échappe elle-même de peu à la mort. Décidée, elle comprend peu à peu que toute l’affaire tourne autour d’une faille au sein de la sécurité d’une nouvelle centrale nucléaire.
2012, Grande-Bretagne. L’éditeur malchanceux Timothy Cavendish a enfin de la chance : l’un de ses auteurs tue, en public, un critique reconnu. Immédiatement, son livre se vend comme petits pains et la fortune sourit enfin. Hélas, les frères de cet auteur désormais emprisonné viennent réclamer leur part du magot. Timothy ayant déjà tout dépensé craint pour sa vie. Il sollicite l’aide de son frère ainé qui le piège : du jour au lendemain, Timothy se retrouve enfermé dans une pension de famille pour personnes séniles ! Une seule solution : l’évasion.
2144, Corée. Dans ce futur possédé par la technologie, les êtres humains sont plus que jamais classés par catégorie et les plus puissants ont droit de vie et de mort sur les autres. Sonmi-451 est un des nombreux clones féminins travaillant dans un restaurant. Serveuse malléable à merci, elle endure toutes les humiliations, reléguant sa conscience propre loin devant une seule priorité : survivre. Mais lorsque Hae-Joo Chang surgit et lui propose la liberté, elle ne recule pas. Au fil des jours passés à ses côtés, apprenant à développer sa conscience et sa personnalité, Sonmi-451 apprend que son sauveur appartient à l’Union Révolutionnaire qui veut libérer la masse populaire de l’emprise cruelle des puissants. Et qu’on a besoin d’elle.
23e siècle, une île luxuriante peuplée des rescapés d’une apocalypse ayant détruit le monde d’autrefois dont les croyances vénèrent la déesse Sonmi et redoutent les démons. Zachry appartient à une petite tribu d’éleveurs de chèvres et de chasseurs. Lâche, encouragé par les hallucinations dans lesquelles lui apparaît le démon Georgie l’Ancien, il laisse son beau-frère et son neveu se faire massacrer par des cannibales. Il se rachète en veillant sur sa sœur et sa nièce. Un jour, le vaisseau de ceux que l’on nomme les Prescients, car rescapés de la catastrophe et derniers possesseurs du savoir, amène sur l’île la belle Meronym. Ensemble, ils partent en quête d’un lieu maudit mais devant abriter les vestiges de technologie perdue.

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Si ce résumé vous semble long, la raison en est simple : ce film développe de manière égale et innovante les six récits de sorte que l’on peut à la fois suivre chaque histoire indépendamment mais aussi trouver le ou les liens qui les rattachent. Ce jeu de pistes paraît périlleux à première vue d’autant plus que Cloud Atlas dure près de 3 heures et qu’il faut au spectateur un temps d’adaptation (personnellement les 20 premières minutes furent déroutantes). Mais la prouesse est réussie pour le duo Wachowski et Tom Tykwer. Chaque personnage est attachant, chaque aventure tient en haleine et aucune n’entre en conflit avec les autres. Il est même amusant de passer d’un récit à l’autre, d’alterner l’humour des mésaventures de Timothy avec la suspicion qui anime Luisa ou les craintes de Sonmi-451. Prouesse encore puisque chaque étape de chaque récit évolue graduellement suivant un schéma identique et parallèle. Par exemple : au moment où Luisa manque de se faire tuer, il en est de même pour Meronym, Zachry, Adam, Sonmi-451 ou Timothy et même si les dangers qu’ils affrontent sont différents les uns des autres, l’émotion provoquée chez le spectateur est similaire.

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Cloud Atlas parle de karma, de réincarnation, d’effet papillon et sa base première est l’emploi récurrent des mêmes comédiens dans chaque récit. Le talent des acteurs flambloie spécifiquement grâce à ces transformations successives puisqu’ils jouent tour à tour des personnages complètement différents, allant parfois jusqu’à camper un rôle de figurant. Tom Hanks incarne ainsi le vil Dr Goose, l’écrivain raté devenu assassin, le patron maître chanteur d’un hôtel pouilleux dans lequel se cache Robert Frobisher, une source pour Luisa puis le peureux Zachry.

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Halle Berry joue une esclave du 19e siècle, l’épouse adultère du vieux Ayrs, Luisa Rey, une convive lambda, Meronym et deux autres tous petits rôles. Jim Sturgess campe Adam Ewing, un locataire pauvre de l’hôtel de fortune de Frobisher, un fan de foot éméché qui sauve la mise de Timothy, le beau-frère de Zachry, Hae-Joo Chang.Ben Whishaw prête ses traits à un mousse de 1849, à Robert Frobisher, à une pensionnaire coincée chez les séniles, à un homme de tribu. Jim Broadbent varie les traits de caractères avec plus de force encore, passant du cruel capitaine de navire à l’orgueilleux et triste Vyars puis au malchanceux comique Timothy et encore au sévère Prescient 2. Autre belle surprise offerte par Hugo Weaving tour à tour tueur à gages, militaire au service de l’ordre de 2144, infirmière sadique de pension pour séniles et démoniaque Georgie l’Ancien. Et j’en passe !

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« Notre part d’immortalité est la conséquence de nos paroles et de nos actes disséminés chaque second dans l’infinie du temps. […] Notre vie ne nous appartient pas, de la matrice à la tombe nous sommes liés aux autres. Passé et présent. A travers chaque acte criminel ou bienveillant, nous oeuvrons pour notre avenir. »
Cloud Atlas est une fresque historique brassant tous les visages passés et possibles de l’Humanité, du pire au meilleur, retraçant l’inéluctabilité de son devenir. Dans cette succession de destinées touchant à l’individu mais tendant vers le plus grand nombre, deux choses de détachent avec panache. D’abord le fait que chaque action, bonne ou mauvaise influe sur la destinée de ses acteurs mais aussi de tous. On remarque cela surtout à travers le parcours des vies auxquelles Tom Hanks prête ses traits : un voleur, un criminel, un assassin, une victime qui tente de se racheter dans une autre vie mais échoue, un lâche qui combat ses propres ténèbres pour vaincre le mal qui l’entoure et sauver ceux qu’il aime. Certains personnages évoluent ainsi de vie en vie, de criminel en protecteur, quand d’autres n’évolue que peu, ils gardent un même but à des époques différentes, comme si leur cœur restait le même et s’adaptait aux besoins de leur temps (c’est le cas des personnages qu’incarne Jim Sturgess, à travers chacun, il devient plus fort et agit encore et toujours contre l’oppression d’autrui par ceux qui ont le pouvoir). Il y a aussi le lien d’amour qui suit ces individus vie après vie même s’il ne se concrétise pas à chaque fois. Dans chaque récit, le personnage de Tom Hanks croise celui incarné par Halle Berry, de même que Jim Sturgess cherchera toujours à rejoindre Doona Bae (Sonmi et épouse d’Adam).
« Je comprends maintenant que la frontière entre bruit et son n’est que convention. Toute frontière n’est que convention qui n’aspire qu’à être transcendée. Pour transcender les conventions, il suffit d’en concevoir la possibilité. Dans ces moments-là, je sens ton cœur battre aussi clairement que le mien et je sais que la séparation n’est qu’un leurre. Ma vie s’est affranchie des limites de mon être. […] Je crois qu’il y a un autre monde qui nous attend […] Un monde meilleur. Et je t’y attendrai »

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Au service de ce film unique qui vaut la peine d’être vu et revu, une photographie au millimètre et des effets spéciaux splendides, utilisés avec économie, en superpositions d’images d’époques différentes, en éléments ajoutés en arrière plan et dominants pour la mise en scène du futur de 2144 où tout semble aller de soi depuis le décor jusqu’aux détails du quotidien. C’est l’art des Wachowski que de présenter une vision esthétique du futur qui n’entre pas en conflit avec nos repères de sorte que le spectateur peut se fondre dans ce décor pour que seuls les protagonistes comptent, pas ce qui les entoure.

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Enfin, la musique, d’importance puisque l’œuvre de Robert Frobisher sonne à toutes les époques, cette symphonie dite Cartographie des Nuages est présente dans chacune des ces vies étrangement liées par des êtres à la même marque de naissance, des objets, des rêves, des actes. « J’ai composé des mouvements en nous imaginant nous rencontrer encore et encore dans différentes vies, à différentes époques ». Chercher et trouver ces éléments est un jeu qui rend plus savoureux encore ce film hors du commun qu’il faut voir.
Analyser en détail un tel film demanderait bien des lignes encore mais le mieux reste de le voir par soi-même. Entre grâce et action rondement menée, fidèles à leur ligne de conduite artistique, les Wachowski comme Tom Tykwer ont réalisé avec Cloud Atlas un film d’exception qui explore des thématiques complexes sans alourdir son récit ni ennuyer le spectateur.

Bande annonce VOSTF ici

Cloud Atlas
Lana Wachowski, Andy Wachowski, Tom Tykwer
Avec : Tom Hanks, Halle Berry, Jim Broadbent, Jim Sturgess, Doona Bae, Susan Sharandon, Ben Wishaw, James d’Arcy, Keith David….
Sortie France : 13 mars 2013

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