Ceux qui osent – Pierre Bordage

Bien que cette fois-ci la couverture ne l’indique pas, ce nouveau roman de Pierre Bordage est un ouvrage uchronique, situé dans un temps imaginaire, un présent ou un passé qui aurait pu être mais qui n’est pas.  Une courte préface d’Alain Grousset explique au jeune lecteur les caractéristiques de ce genre. Je précise jeunes lecteur car, Ceux qui osent, qui fait suite à Ceux qui sauront et Ceux qui rêvent, est un roman adolescent comme on le comprend dès la lecture de la 4ème de couverture :

J’ai envie de pleurer sur cette humanité qui refuse d’être humaine, pleurer sur ces malheureux prêts à défier tous les dangers, toutes les souffrances pour goûter quelques miettes de bonheur. Pleurer sur les fous qui refusent de partager les richesses, les terres et le savoir. Ni les possessions ni le pouvoir ne rendent heureux. 

La guerre fait rage entre les royaumes coalisés des Amériques et l’Arcanecout, dernière terre libre pour Jean et Clara. Jean est parti sur le front et se bat auprès des troupes alliées, avec son ami indien Élan-Gris. Il a laissé Clara seule, dans les hauteurs de San Francisco. La ville est délabrée, la population meurt de faim. Mais la jeune femme se bat avec ses compagnes d’infortune pour survivre. Jean et Clara connaîtront-ils un jour le bonheur d’être ensemble ?

Et puisqu’on parle de couverture, un mot d’abord sur l’illustration, réalisée comme les deux précédentes par Benjamin Carré. Rarement couverture n’a si bien illustré le propos d’un auteur : le petit voilier de Clara brave le gros sous-marin des méchants envahisseurs sur fond de pont dévasté. On reconnaît tout de suite San Francisco et le propos du livre est résumé : résistance.

Ce livre est en effet une leçon d’humanisme et de courage à l’adresse des jeunes lecteurs, un appel à la prise de conscience politique, un appel à la résistance. Un éloge des idéaux démocratiques et des valeurs humaines telles que l’entraide, la tolérance, l’amour. Un manifeste antiraciste aussi. Un cri contre les dictatures.

« Je lutte contre l’impression que notre grand rêve se brise morceau par morceau, démantelé par l’acharnement haineux des roicos et l’incompétence de ceux qui nous gouvernent. Je me laisse entraîner en revanche par l’amour que je te porte…» écrit Clara. Et il me semble que ce court extrait résume bien le propos du livre.

Mais c’est justement ce côté leçon qui me gêne. Là où d’autres appellent une réflexion, une pensée autonome du lecteur, un choix, Ceux qui osent – tout comme les deux tomes précédents – explique, affirme, démontre. C’est un cours. Merci de prendre des notes : les gouvernements sont corrompus, les royaumes sont cruels et despotiques, seuls les peuples peuvent, grâce à l’éducation, trouver la voie de la sagesse et en osant l’amour, ils trouveront le chemin du bonheur. Bien sûr il y a quelques exceptions, quelques rouges chez les méchants, quelques traîtres chez les gentils mais l’ensemble reste pour moi trop caricatural et trop moralisateur. Attention, ne nous méprenons pas, j’adhère en grande partie aux idées énoncées par Pierre Bordage dans ses romans mais lorsque je pense à mes fils, lecteurs potentiels, je me dis que je préfère leur offrir des livres qui les fassent réfléchir plutôt que des livres qui leur expliquent ce qu’ils doivent penser, même si je partage cette manière de penser.

Le style est en revanche agréable, adapté à un jeune lectorat. L’histoire est intéressante sans être trop complexe. L’amitié entre les générations du côté de Clara et entre des hommes d’origines différentes du côté de Jean est touchante. Le lecteur suit principalement les deux héros mais découvre les histoires personnelles de nombreux personnages secondaires, qui tous sans exception sont venus en Arcanecout, dernière terre libre, pour fuir un drame personnel, dû à l’intolérance de leur pays d’origine. Pierre Bordage maîtrise son histoire et le jeune lecteur s’attachera aux personnages et à leurs aventures.  Le choix d’un récit alterné entre Jean et Clara, en partie épistolaire, provoque parfois des redites  mais a également un côté touchant, personnel.

En résumé, les lecteurs qui ont aimé les deux premiers tomes aimeront le troisième. Et après tout, mieux veut une leçon d’humanité plutôt que pas de réflexion du tout. Autre petit plus : ceux qui l’auront entre les mains sans avoir lu les précédents n’auront aucune difficulté à comprendre et à suivre l’histoire.

Ceux qui osent

Pierre Bordage

Flammarion, 2012

15€

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