Entretien avec Sam Nell, auteur de Chevaucheur d’Ouragan (Mnémos)

eMaginarock.fr : Bonjour Sam, et merci de répondre à ces quelques questions. J’ai beaucoup apprécié ton roman Chevaucheur d’Ouragan, paru chez Mnémos récemment, qui a d’ailleurs fait un assez gros buzz sur la toile. Es-tu content de ton roman finalisé, de l’accueil du public, de la presse,…

Sam Nell : Salut eMaginarock (et ses lecteurs) !

Je ne sais pas si Chevaucheur d’Ouragan a vraiment généré un buzz – gros, petit ou moyen – mais je n’en suis pas moins un auteur heureux ! D’abord parce que tu as apprécié le roman (et qu’il m’arrive de rêver secrètement que tu n’es peut-être pas le seul) ; ensuite parce qu’effectivement j’ai fait, sous la direction de Charlotte Volper un gros travail sur le manuscrit (dont la version originale était significativement plus volumineuse) et que je trouve le résultat infiniment meilleur (merci Charlotte) ; et enfin parce que les critiques ont, pour l’instant, toutes été plutôt sympathiques.

Pour ce qui concerne l’accueil du public, c’est toujours assez difficile à dire. Les gens que je croise sont en général enthousiastes. J’ai même vécu l’expérience surréaliste d’une lectrice qui avait fait 200 km pour se faire dédicacer le roman, mais surtout être prise en photo avec moi. (Elle était charmante, et majeure, ce qui ne gâte rien). Toujours est-il que je ne suis pas du tout sûr en revanche que le mec qui a détesté mon bouquin se tape 200 bornes pour venir m’injurier ou me coller son poing dans la tronche. Je préfère donc ne pas trop me prononcer. Peut-être qu’un jour si je remplis des stades de foot, je serai plus affirmatif. Et promis, si ça arrive, je t’appellerai pour mettre à jour ma réponse.

M.net : Entrons dans le vif du sujet. Comment t’es venu l’idée de ce roman flamboyant ? Tu cites comme sources de ton inspiration d’immenses talents comme Michael Moorcock et sa saga Elric. J’ai personnellement ressenti cette patte mais comment as-tu vécu le fait de t’inspirer d’aussi grands auteurs ? N’a-t-on pas peur d’être jugé à l’aune de ces prédécesseurs ?

S.N. : J’ai toujours eu la plume qui me démangeait. Du plus loin que je me souvienne, à 7 ou 8 ans, j’écrivais des contes animaliers. Du style « Le tigre qui pleurait parce qu’il n’avait pas de rayures » ou « La girafe qui ne passait pas dans les portes ». A l’époque je voulais être vétérinaire dans la brousse, je faisais donc preuve d’une certaine cohérence… Il m’a pourtant fallu très longtemps pour faire mon « coming-out » et oser afficher l’ambition d’être lu. Ce qui ne m’empêchait pas de préparer secrètement mes munitions : pendant des années, j’ai noté au fil de mes lectures ce que j’aimais ou n’aimais pas, ce qui me faisait vibrer ou me laissait indifférent. Et quand il a fallu poser les premières pierres d’une histoire et d’un univers, j’avais constitué un catalogue, biscornu certes, mais où je pouvais, pour ainsi dire, faire mes courses.

Au-delà du désir d’écrire des aventures de pirates (qui remonte sans doute à la découverte de Stevenson), je sais par exemple que l’idée centrale qui structure l’intrigue du roman, l’opposition entre Drago Ilianar et Trestan Vortigern, vient de la volonté de mettre en scène un jeu de vengeances croisées entre deux personnages, que rien n’opposait à la base, mais qui deviennent inéluctables du fait des circonstances, des intrigues politiques et de la guerre qui oppose leurs nations. Et je me souviens parfaitement que cette envie est née à la lecture quasi-simultanée du Dernier des Mohicans et de L’Irlandais de Jack Higgins.

Les auteurs de fantasy m’ont évidemment aussi beaucoup influencé, en premier lieu parce que j’en étais un très gros consommateur, et  ensuite parce que comparer les paradigmes de leurs univers respectifs offraient des règles incontournables pour la création du mien. Au nombre de ceux qui m’ont beaucoup marqué, je compte surtout Zelazny (pour la maîtrise avec laquelle il dévoile la cosmologie de son monde dans les Princes d’Ambre et la cohérence des rapports de puissance), Guy Gavriel Kay (pour l’intelligence avec laquelle il crée de l’émerveillement et du dépaysement dans une grille de lecture parfaitement référencée), G.R.R Martin (pour le courage qu’il a de tuer certains de ses plus beaux personnages au moment le plus inattendu… ce que je me suis promis de mettre en œuvre un jour ou l’autre…). Moorcock n’était pas une inspiration aussi consciente, même si je reconnais son indéniable pertinence. Qui  est encore plus flagrante, à mon sens, dans la façon dont les Royaumes Elémentaires et ceux de l’Ether influent sur l’univers que dans la transposition du personnage d’Elric sur le duo Abel/Trestan. Si ça n’avait tenu qu’à moi, je n’aurais sans doute pas osé me donner comme référence un tel monstre de la fantasy, mais la quatrième de couv est le domaine de l’éditeur et j’ai fait confiance à Charlotte.

En écrivant, je ne me suis jamais dit que j’allais rivaliser avec de tels géants – il valait mieux d’ailleurs parce que ça m’aurait sans doute complètement inhibé – mais il me paraissait naturel d’essayer de comprendre comment et pourquoi ceux que je considérais comme des maîtres réussissaient à m’emporter dans leurs histoires.

M.net : Comment s’est passé ton parcours éditorial ? Combien de temps t’a-t-il fallu pour trouver un éditeur ? Quels ont été selon toi les pires moments de cette expérience littéraire ?

S.N. : Il y a sans doute des gens qui ont un talent inné pour l’écriture. En ce qui me concerne, c’est comme pour tout le reste, il a fallu que j’apprenne. C’est indéniablement ce qui a été le plus long, d’autant que pendant des années, je ne pouvais me confronter qu’à des lecteurs qui me rendaient le service de me lire, pas à l’œil professionnel d’un éditeur. J’ai participé à des ateliers d’écriture et j’ai travaillé sur des nouvelles, ce qui a été un excellent apprentissage, le roman étant un marathon dont on ne voit jamais le bout. J’ai d’abord fait ça comme un hobby et puis je me suis rendu compte que je n’arriverais pas à passer le cap de l’édition si je ne m’y consacrais pas à 100%. A partir de ce moment-là, les choses sont allées assez vite et j’ai sans doute eu de la chance. J’ai finalisé le manuscrit en une dizaine de mois, Mnémos a réagi en quelques semaines après réception et on a mis trois ou quatre mois de plus à retravailler le texte.

Je n’ai globalement que des bons souvenirs de toute cette aventure, mais je crois que mon pire moment d’angoisse, ça a été dans les semaines qui ont suivi ma première discussion avec Charlotte. Elle trouvait le manuscrit trop volumineux et m’a demandé si on pouvait le scinder en deux. Très naïvement pour un nouvel auteur, je lui ai répondu que non parce que l’histoire était construite en cinq actes et blablabla. Elle a dû me répondre un truc du genre : « c’est pas grave mais appelle-moi si tu as un autre manuscrit, ça m’intéresse… » J’ai cru que j’allais faire une syncope, je venais de rater la chance de ma vie, et puis j’ai eu un réflexe de survie, je lui ai dit :

–        c’est quoi l’objectif ? Dis-moi et je dégraisserai.

–        Il faut que tu enlèves une page sur quatre…

Là j’ai pris un sacré coup de chaud, mais j’ai dit bingo. Et je ne regrette pas (cf plus haut)

M.net : Chevaucheur d’ouragan contient quelques personnages réellement forts à la fois dans leurs personnalités mais aussi dans leurs valeurs humaines. Il est rare de voir des personnages aussi parlants dans des romans de fantasy bien trop souvent plats et stéréotypés. Comment les as-tu conçus ? Même question pour ton scénario qui est complexe à souhait. Créer un univers tel que celui-ci t’a-t-il été difficile ?

S.N. : Je crois que chaque personnage, y compris ceux de second plan, a été conçu comme un premier rôle. Ils devaient tous avoir leur histoire, leur look, mais surtout leur façon de résonner avec le thème sous-jacent du roman (opposition liberté/fatalité) via une trajectoire personnelle sur ce terrain. Pour les plus présents, avec un état de départ, un point de rupture et évolution que le lecteur puisse suivre. Pour les seconds plans, avec au moins une intervention qui fasse entrevoir la spécificité de leur façon d’appréhender le sujet. Après, j’ai puisé dans la compréhension de mes propres faiblesses pour leur trouver des failles intéressantes. Les personnages sont rarement intéressants pour leurs forces…

En tant que lecteur, j’aime les intrigues bien ficelées, mais pour qu’une intrigue « paraisse » bien ficelée, il faut qu’on commence par ne pas la comprendre, ou du moins par ne pas comprendre où elle va tout en sentant qu’elle va bien quelque part. Et si l’auteur a bien fait son boulot, à la fin tout se recoupe. C’est sans doute de là que vient la « complexité » que tu évoques. Et c’est d’ailleurs sans doute ce qui a été le plus difficile : trouver une résolution finale visuellement simple dans laquelle tous les arcs narratifs se résolvaient

M.net : Comment s’est déroulé le travail avec l’illustrateur ? Et avec la personne qui a réalisé cette si réussie vidéo ?

S.N. : Seb Bermes, l’illustrateur, est un ami à qui j’avais toujours dit « Si un jour je publie, tu feras la couv ! » et qui avait, pour sa part, toujours eu l’honnêteté de me dire que ça n’arriverait sans doute jamais… La suite l’a démenti et tant mieux pour nous deux !

Dans la mesure où plus de 90% des décisions d’achat se font uniquement sur la couverture, l’illustration est stratégique pour l’éditeur et l’auteur n’a contractuellement pas son mot à dire. Mais avec Mnémos et en particulier avec Charlotte, j’ai eu la chance de pouvoir travailler beaucoup plus intelligemment. J’ai essayé de comprendre ses contraintes éditoriales, apporté des idées et fait beaucoup de propositions. Parmi lesquelles Seb à la plume… Charlotte a été un peu réticente au début parce que le plan « j’ai un pôte qui dessine super bien » ça sent potentiellement le roussi. Mais Seb a sorti plusieurs projets et elle est montée au front pour convaincre e comité éditorial de Mnémos de la pertinence de l’approche.

Pertinence qui était double en l’occurrence, parce qu’ensuite Seb a réalisé bénévolement toutes les illustrations qui ont permis de faire la bande annonce. C’est mon frère et un de ses potes qui ont fait tout le montage ainsi que l’animation et c’est un de mes meilleurs amis qui a composé la musique. Ils ont tous un boulot et personne n’habite à paris à part moi et le compositeur. Donc tout le monde bossait la nuit et mettait ses contributions à l’aube sur le ftp qu’on avait monté spécialement. Ils se sont démenés comme des diables, mais au vu du résultat, je crois que personne ne regrette, ni eux, ni moi, ni Mnémos, ni les 1 500 personnes qui ont visionné la bande annonce sur le web (youtube + viméo)…

M.net : L’idée du buzz sur internet venait-elle de toi ? Comment s’est articulée cette campagne de promotion ?

S.N. : Mnémos reste une petite maison d’édition et n’a pas les budgets pour développer des outils de promotion de cette nature. Donc oui, tout ça vient de moi. Charlotte confirmera peut-être avec un brin de sarcasme, mais je ne manque ni d’idées, ni de conviction pour les faire passer, ni d’énergie pour les réaliser. Je n’ai jamais vraiment réfléchi à tout ça comme à une campagne de promotion, j’ai juste essayé d’être ouvert et disponible à tout ce qu’internet permettait de faire autour de la publication d’un roman. J’avais depuis longtemps déjà l’envie de pouvoir disposer de musiques d’ambiance adaptées à mes lectures. Quand je suis passé de l’autre côté de la barrière, j’ai réfléchi à ce qu’on pouvait faire avec les outils disponibles et Deezer c’est imposé comme la meilleure solution. Ensuite, il y a eu le prologue en ligne, l’audio-book, la page facebook, le site internet, et la bande-annonce. Mais pour tout ça, j’ai trouvé des gens prêts à me faire confiance et d’autres, prêts à m’aider à le réaliser. Parce que l’air de rien la seule chose que je sais peut-être vraiment faire, c’est écrire…

M.net : As-tu actuellement d’autres projets littéraires ? Seras-tu présent sur des salons, à la rencontre de tes lecteurs ?

S.N. : Oui bien sûr j’ai d’autres projets. Une nouvelle d’abord, dans l’univers de Chevaucheur d’Ouragan, qui est terminée et sera publiée dans l’anthologie Victimes et Bourreaux du festival des Imaginales. On y découvrira comment Drago a rencontré pour la première fois l’infortunée Tao Wang Li dont Leukaïstos croise le destin tragique dans le quatrième acte du roman. Drago étant ce qu’il est, et le thème m’ayant bien inspiré, je préviens les âmes sensibles qu’ils ne se marièrent pas et n’eurent jamais d’enfants…

Je suis en train d’écrire un thriller financier dans l’univers impitoyable des salles de marché en essayant d’ouvrir des perspectives sur ce qui se cache derrière ce CAC 40 planant au-dessus de nos têtes comme une météo imprévisible et parfois désastreuse. Je ne tourne d’ailleurs que superficiellement le dos aux littératures de l’imaginaire car pour la plupart des gens, ce que je mets en scène dans ce livre est sans doute de la pure science-fiction, alors que tout est documenté. Mais il faudra le lire pour se faire un avis. Et pour ça, il faut d’abord que je finisse de l’écrire !

Et puis ensuite, il y aura la suite de Chevaucheur d’Ouragan dont la matière est déjà là presque intégralement et dont les personnages fourbissent leurs armes pendant que je regarde ailleurs…

M.net : Merci Sam pour cet excellent roman et pour ta disponibilité. Je te souhaite tout le succès possible dans tes aventures littéraires.

S.N.: Merci à eMaginarock et à bientôt j’espère.

Entretien réalisé par Deuskin

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